Un unique prototype de Mirage III équipé de plans canards pour un programme d’essais constructeur.
Le dossier déposé par le Musée européen de l’avion de chasse (Montélimar) concerne la restauration du Mirage IIIEX, exposé à l’extérieur au musée. En juillet 2016, décision a été prise d’un chantier de restauration, assuré par les bénévoles et salariés du musée.
Le Mirage IIIEX est un prototype unique, représentant une des dernières évolutions du Mirage III produit à plus de 1.400 exemplaires. Cet avion (n°467) est né en tant que Mirage IIIE avant d’être livré à l’armée de l’Air en juillet 1967 et affecté à la 13e Escadre de chasse à Colmar. Après une douzaine d’années d’activité, il est retiré du service en 1985 et stocké. Deux ans plus tard, Dassault Aviation le rachète pour un programme de développement lié à des contrats brésiliens et vénézuéliens, pays intéressés par des dérivés du Mirage III avec modernisation du chasseur à aile delta.
C’est ainsi que ce IIIE est affublé de plans canards, au sommet des entrées d’air, surfaces aérodynamiques destinées à améliorer le comportement de l’avion aux faibles vitesses. Le IIIE est ainsi renommé IIIEX pour Expérimental. Les premiers essais concernent des plans canards dits 3,8% (pourcentage de leur surface par rapport à la surface alaire), comme ceux utilisés par les Suisses, avec des « virures », surfaces métalliques implantées de part et d’autre de la pointe avant, pour contrôler des écoulements aérodynamiques aux grands angles.
Les essais en vol confirment que virures et plans canards améliorent significativement le contrôle transversal de l’avion aux manoeuvres à grande incidence, avec un contrôle maintenu passant de 180 Kt et 17° d’incidence (sans virures) à 100 Kt et 30° d’incidence, les plans canards modifiant l’écoulement sur l’aile. Le flux aérodynamique canalisé par les virures permet aussi de bien alimenter la dérive pour assurer le contrôle transversal de l’appareil.
L’effet des virures s’avère prépondérant, les plans canards apportant surtout de la traînée induite. Il est donc décidé de réduire leurs surfaces avec les canards dits 2,5%. 56 vols d’essais (45h15), réalisés par le pilote constructeur Jean Pus, permettront de mener à bien le programme de recherche : les virures améliorent grandement le comportement de l’avion aux fortes incidences sans impact sur les performances, les vitesses à l’atterrissage restent inchangées pour des contraintes de garde au sol de la tuyère à l’assiette d’atterrissage tandis que les canards 2,5% apportent de la traînée induite, avancent le foyer aérodynamique et réduisent la marge statique (maniabilité sur l’axe de tangage) à grande vitesse et centrage arrière. Après un total de 81 vols, l’avion est arrêté de vol en juillet 1990 avant d’être offert au musée en 1995 par Serge Dassault.
L’analyse de l’état initial de la machine révèle que les dommages concernent essentiellement l’extérieur de la cellule et le cockpit. Plusieurs dizaines d’heures seront nécessaires pour ce dernier poste, avec dépose du siège éjectable, remise à niveau du tableau de bord avec la majeure partie des instruments conservés d’origine. La manette de gaz, corrodée, a été remplacée par une identique. Le siège éjectable a été traité pour la corrosion de sa structure métallique, avec remplacement du parachute-siège.
Pour la cellule, un maximum d’éléments d’origine ont été conservés, toute la visserie, oxydée, étant remplacée sur le fuselage et les voilures. Le contrôle de la structure s’est fait par les nombreuses trappes de visite. À cette occasion, l’équipe de restauration est tombée sur une réparation dans le compartiment avionique. Après enquête auprès d’anciens mécaniciens, il s’est avéré que le Mirage IIIE a connu un incident lors d’une mission de remorquage de cible en Corse. Parti de Solenzara pour assurer le tractage d’une cible, l’appareil a été touché par des obus inertes, imposant une réparation rapide type « dommage au combat » pour continuer à voler. Cette « anomalie » a été conservée puisque liée à l’histoire de l’appareil.
La dépose de la pointe avant (radome radar) a permis de noter l’absence de radar installé, la perche de ravitaillement fixe étant une « perche sèche » pour conserver la configuration standard lors des essais mais incapable d’assurer un ravitaillement en vol. Le réacteur a été protégé par un produit anti-corrosion. Les trains d’atterrissage ont été révisés.
Pour la décoration, de multiples pochoirs, réalisés à partir de plans d’origine, ont été réalisés en carton. Les nombreuses heures de ponçage de la cellule ont permis de confirmer que le camouflage était à bord franc et non flou.
Depuis son entrée en restauration en 2016, l’unique Mirage IIIEX n’a jamais été exposé en extérieur. Il est désormais abrité dans le hangar de maintenance Avions du musée, témoin ultime en matière d’évolution du concept de l’aventure Mirage III aux côtés des nombreux modèles de cette gamme exposée à Montélimar dont le Mirage III A09 et le tronçon central du Mirage III 001 Balzac. ♦♦♦
Photos © MEAC
https://www.meacmtl.com