Porté par Nicolas Libis, ce dossier Grand Prix du Patrimoine concerne un L-19E Bird Dog.
Le Bird Dog est un Cessna développé par le constructeur de Wichita pour répondre à une demande de l’US Air Force : disposer d’un avion utilitaire à capacité STOL pour des missions variées : réglage d’artillerie, communication, formation au pilotage, appui-feu, observation, photographie aérienne, liaison, remorquage, etc. Le prototype a effectué son premier vol en décembre 1949 et sa mise en service s’est faite en 1955. Le modèle L-19 sera produit à 3.431 avant l’arrêt des chaînes d’assemblage en 1974.
Sa construction est entièrement métallique, avec une architecture à la Cessna, soit une voilure haute haubanée. La motorisation est due à un Continental O-470 de 213 ch. De multiples versions verront le jour du L-19A au L-19E en passant par les OE-1, OE-2 et O-1D. Une version civile sera désignée C-305.
L’appareil présenté par Nicolas Libis est un L-19E sorti d’usine en mai 1957 (n°24.539) et immatriculé alors F-MCEE, faisant partie des Bird Dog utilisés par l’armée française et commandés à 126 exemplaires en trois fois. La version E compte quelques améliorations (urinoir, installation radio, installation pour caméra verticale, radiocompas, etc.), dont un renforcement de la structure pour proposer une charge utile plus élevée.
Ainsi, le 24.539 est livré en caisse à l’Atelier Industriel de l’Aéronautique (AIA) à Blida, Algérie, en 1957. Après remontage, il est mis en service au sein de diverses unités de l’Aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) sous les immatriculations F-MCEE puis F-MBUE (ci-dessus). Jusqu’en août 1962, il sert en Afrique du Nord. De retour en France, il devient le F-MAOX à Nancy-Essey. Après passage par Fenwick Aviation à Toussus-le-Noble pour une maintenance IRAN (Inspect and Repair As Necessary), il change encore d’immatriculation (F-MAMX) et de base (Lille-Lesquin).
Après changement de moteur en juin 1968, visite IRAN à nouveau à Toussus de mai 1969 à avril 1970, il rejoint Baden en Allemagne pour servir d’avion de liaison au commandement des Forces françaises en Allemagne (F-MCWX) puis revient à l’école de spécialisation de l’ALAT à Dax en 1972 (F-MCTX). Un second échange moteur et le voilà devenu F-MAGU à Rennes-Saint-Jacques. Un troisième échange moteur, il se trouve à Montauban, avant d’être retiré du service et stocké avec 6.342 heures de vol dans les carnets de route. Le 23 juillet 1986, il est réformé.
Mais sa carrière ne s’arrête pas là. Cédé avec cinq autres congénères à la FFVV, il devient remorqueur (F-GFVD) après passage par Aquitavia pour retirer les supports d’antennes et d’armement, installer un avertisseur de décrochage et un crochet de remorquage. Ainsi, il reprend du service en novembre 1986, acquis par le centre de vol à voile de Fayence, apparaissant sur la couverture d’Aviasport en février 1987.
En avril 1998, avec 8.670 heures au compteur, retour à la situation R. Le moteur est hors service, l’avion est stocké au fond du hangar du club vélivole de Colmar-Houssen pendant deux ans. C’est là que son nouveau propriétaire intervient, l’achetant en février 2000 avant de se lancer dans sa restauration qui durera… 18 ans. Ayant porté de multiples livrées, celle retenue dans ce cadre est une livrée américaine période guerre du Viet-Nam, avec un camouflage « gris mouette » – explications plus bas…
Mais avant, il y aura de nombreux travaux : démontage complet de l’avion, décapage de toutes les pièces, vérification et recherche de criques, contrôle non destructif, traitement anti-corrosion, primer, peinture, équilibrage et remontage de l’avion. Les modifications apportées sont notamment des freins Béringer remplaçant les freins à tambour, une avionique moderne (VFH et transpondeur), pose d’un accéléromètre pour suivre le vieillissement de la cellule, pose d’une prise allume-cigare pour GPS.
Pour le propriétaire, c’est aussi le retour en arrière puisque jeune vélivole, il a été remorqué en 1995 à Fayence par cet appareil, avant d’être pilote remorqueur à ses commandes. Le club possédant quatre remorqueurs et souhaitant se séparer du 244.539, le pilote encore lycéen fait tout pour éviter ce départ, créant une association, cherchant un financement. Après de nombreux refus de banques, un prêt est signé pour négocier l’achat du L-19 avec le club de Colmar. Nicolas Libis est alors âgé de 19 ans, effectuant des petits boulots pour rembourser l’emprunt de l’achat.
En 2001, au Texas pour parfaire son anglais, le pilote rencontre un ancien du Bird Dog durant la guerre du Vietnam, un vétéran ayant mené des missions FAC (Forward AIr Controller) et c’est en souvenir de ce pilote, Virgal « Sandy » Sansing, aujourd’hui disparu, que la livrée du L-19E a été retenue, celle de l’avion que ce pilote de l’USAF utilisait durant la guerre du Vietnam.
En parallèle, le nouveau propriétaire du Cessna poursuit sa carrière, intégrant l’armée de l’Air comme élève pilote. La restauration se fait sur le temps libre, avec notamment le dossier administratif et le choix du CNRAC pour devenir au final le F-AYVD, après quelques déménagements au passage de l’avion selon les affectations du propriétaire. Ce dernier, devenu pilote de Canadair, base l’appareil à Avignon et avec l’aide de Pascal Arfeuille,
c’est là que la majeure partie de la restauration sera effectuée et achevée par un premier vol en août 2018. ♦♦♦
Photos © Nicolas Libis