Jean-Philippe Chivot nous a quittés ce lundi 18 octobre…
Invariablement, le lundi ou mardi de chaque semaine, le téléphone sonnait : « Allo… bonjour… » et la question rituelle suivait : « Pour la météo du week-end, tu souhaites la recevoir à quelle heure ce mercredi ? ». L’occasion d’enchaîner sur l’actualité de l’aviation légère, une anecdote sortie de sa mémoire ou plutôt la proposition d’un article sur tel étrange appareil, tel périple effectué par des pilotes dans les années 30, le portrait d’un ou d’une pilote de l’aviation générale sorti de la mémoire collective, une pratique intéressante découverte dans d’autres pays ou encore une analyse portant sur la sécurité des vols.
Jean-Philippe Chivot était « le » passionné d’aviation par excellence et cette passion remontait à des décennies… Sa femme Catherine et ses trois fils, Raphaël, Anatole et Victor, peuvent en attester. Né en mars 1941 à Friville-Escabortin, dans la Somme, il avait vécu un temps en Suisse après des études d’ingénieur à l’ENSIM, à Nancy. Mais c’est au Tréport qu’il a appris à piloter, étant breveté en 1958. Alors plus jeune pilote de France, il participe en 1958 au Tour de France aérien des jeunes pilotes avec un appareil de l’aéro-club Air France, à Toussus-le-Noble.
Devenu instructeur (photo ci-dessus sur Stampe à Carcassonne), il pratiquera la double commande de 1961 à 2004, étant également qualifié IFR de 1975 à 1993. Toutes les facettes du pilotage l’attirent : voltige, montagne sur roues et skis, vol de nuit, largage de parachutistes, remorquage de planeurs… Il vole ainsi beaucoup à Guyancourt, faisant de l’instruction voltige sur Stampe, au sein de l’équipe de Jean Eyquem, alors patron de l’équipe de France de voltige et rédacteur en chef de la revue Aviasport.
Mais c’est aussi un pilier de La Ferté-Alais, à la grande époque de ce terrain, pratiquant alors à peu près tout ce qui figure dans les hangars de ce terrain, du Caudron G-III au Boeing B-17 en passant par le Skyraider, le T-6 ou encore le DH-89 Dragon Rapide. Ainsi, aux côtés de Jean Salis il participe comme pilote à de nombreux tournages de films longs-métrages ou de séries télévisées, sillonnant la France ou l’Europe aux commandes de diverses machines. On vous passe quelques péripéties…
Il a fait partie de l’équipe comprenant M. Capel, D. Chable et J. Salis, allant récupérer des Yak-11 dans le désert égyptien. En 1987, il a aussi récupéré trois De Havilland Chipmunk de l’armée de l’Air portugaise, conservant un exemplaire pendant quelques années. Propriétaire à 75% du B-17G ex-IGN désormais dénommé « Pink Lady », avec Jean Salis, il a en 1990 vendu ses parts en échange d’un T-6G et d’un Beech 17 Staggerwing, après avoir immatriculé en aéronef de collection et classé Monument historique ce quadrimoteur désormais exposé au musée volant Salis.
Sa collection, basée à Abbeville, comptait dernièrement un Sicile Record, un Beech 17 Staggerwing, un North American T-6G et un rare Stampe à moteur Gipsy. Il avait récupéré l’épave de ce dernier (F-AZEA) en 1984 et l’a fait restaurer ensuite au Tréport et à La Ferté-Alais…
Cette collection personnelle, il en assurait une partie de l’entretien avec son compère Vincent Moisson. Elle comprenait aussi un tracteur parfois récalcitrant au démarrage, le faisant pester au téléphone les jours suivants quand il n’avait pu sortir l’une de ses machines pour voler…
Il pratiquait aussi le VFR dans différents aéro-clubs, des années 1950 aux années 1980. Depuis 1973, il avait son propre Sicile Record, avion avec lequel il a parcouru toute l’Europe. Il a été propriétaire de plusieurs Stampe (F-BCOT et F-BDOT).
Ses carnets de vol doivent attester d’au moins 4.000 à 4.500 heures de vol mais les 5.000 heures devaient être bien dépassées car il les notait… quand il y pensait ! C’est aux commandes de son T-6G qu’il a effectué son dernier vol le 30 septembre dernier, appareil avec lequel il a participé à de nombreux meetings.
Mais Jean-Philippe Chivot, c’était aussi la volonté de partager sa passion et ses connaissances, avec une grande culture aéronautique. Via ce site, il cherchait à faire découvrir aux pilotes français certaines de ses trouvailles, à la lecture de la presse aéronautique ancienne ou d’un récit de pilote, partageant ses réflexions sur divers sujets le tenant à coeur – le dernier en date portait sur la sécurité passive avec une cabine de protection pour l’équipage des aéronefs légers – ou communiquant quelques expériences personnelles.
Pour les deux « mooks » édités par aeroVFR sur l’aviation de collection, il avait conté ses réflexions en tant que collectionneur-propriétaire d’un Beech Model 17 Staggerwing et d’un North American T-6G, machines qu’il connaissait bien après plusieurs décennies de pratique. D’où les nombreuses anecdotes rapportées, vécues ou observées de près. Il était intarissable sur le sujet… et toujours pressé de reprendre l’air à leurs commandes.
Le partage, c’était aussi pour Jean-Philippe Chivot, passionné de météorologie, cette prévision météo publiée sur ce site dès le mercredi après-midi pour le week-end suivant, le tout à destination des pilotes de loisir, pour leur permettre de s’organiser à l’avance. Il peaufinait sa prévision VFR à partir de différents scénarios, ajoutant la touche de son expérience acquise au fil des années.
Adieu l’ami… ♦♦♦ François Besse
Photos © DR, Pascale Iso
PS : tous les articles signés Jean-Philippe Chivot et publiés sur ce site peuvent être retrouvés avec « Chivot » comme mot-clé dans la recherche thématique.