Quand les frontières aériennes se referment pour l’aviation générale sans prévenir …
Si vous allez sur le site de l’AOPA Pays-Bas, vous trouverez dans les dernières actualités, l’information suivante sous le titre « Les douanes françaises imposent une lourde amende à un pilote néerlandais ».
Il est ainsi précisé que le vendredi 13 août dernier, « un de nos membres nous a informés des mesures prises par les autorités douanières françaises. Apparemment, il est obligatoire d’informer à l’avance les douanes lorsqu’on prend un vol de l’étranger vers la France. La liberté de circulation sur la base de l’accord de Schengen n’est donc pas applicable en France en raison de la Covid-19. La notification ne peut pas être faite par plan de vol. Vous devrez donc en informer vous-même la douane. Si vous ne respectez pas cette obligation, une amende de 1.500 euros peut vous être infligée ».
Le pilote hollandais avait donc bien rempli un plan de vol pour passer la frontière mais sans en avoir averti les Douanes françaises. Surpris par ce « traitement », il a demandé des explications. Par mail, la Direction régionale des Douanes de l’aérodrome concerné lui a répondu, faisant allusion au Code des Frontières Schengen, c’est-à-dire aux textes de loi encadrant une éventuelle « fermeture temporaire des frontières internes à l’Espace Schengen ». Ce serait ainsi le cas pour la France depuis… le 1er mai 2021 et jusqu’au 31 octobre 2021.
Ainsi, quand un contrôle aux frontières intérieures est temporairement réintroduit, les « anciennes » règles d’avant Schengen se remettent en place, à savoir une amende de 1.500 euros en cas d’absence de notification aux Douanes françaises. Charge à ces dernières ensuite de venir ou pas sur l’aérodrome, selon leur humeur du moment, ou la distance à parcourir, ou encore leur effectif disponible à l’horaire programmé… Bref, taxer les pilotes, cela peut rapporter avec un faible risque politique. Taxer les automobilistes, c’est plus risqué, surtout avant des élections car tout citoyen est automobiliste et se sent concerné.
On constate qu’aucune information n’a été faite sur le sujet vers les publics concernés :
– par les Douanes françaises sur le sujet. Sur leur site, aucune information ne peut être trouvée en matière d’aviation générale ou légère. Leur plaquette « Trouble-free travel with French customs » n’évoque pas l’aviation. C’est plus simple de ne rien dire et de ramasser ensuite la monnaie, nul n’est-il pas censé connaître la loi ?
– par l’EASA… sauf à dire qu’elle fait tout son possible, depuis des années, pour rendre l’aviation générale plus simple, moins coûteuse, etc.
– par la DGAC ou la DSAC. Le système d’information Météor vers les DTO/ATO doit être en vacances, quant au SIA (oui, vous savez les Notams, quand le service marche…), faut-il vraiment évoquer son cas ?
– par le ministère des Affraires étrangères qui n’évoque que le voyage des Français vers l’étranger et pas le voyage inverse, surtout pour les voyageurs étrangers…
– par l’administration française.
Il faut vraiment creuser le problème pour atteindre cette page sur le site de la Commission européenne pour y apprendre que « Le code frontières Schengen donne aux États membres la possibilité de réintroduire temporairement le contrôle aux frontières intérieures en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure. La réintroduction du contrôle aux frontières intérieures doit être appliquée comme une mesure de dernier recours, dans des situations exceptionnelles, et doit respecter le principe de proportionnalité ».
Il est précisé que « la durée de cette réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures est limitée dans le temps, en fonction de la base juridique invoquée par l’État membre qui introduit ce contrôle. La portée et la durée du contrôle frontalier réintroduit doivent être limitées au strict minimum nécessaire pour répondre à la menace en question. La réintroduction du contrôle aux frontières intérieures ne devrait être utilisée qu’en dernier recours ».
Ainsi, la réintroduction d’un contrôle aux frontières est effective pour les pays suivants :
– Norvège : du 11 mai au 7 septembre 2021
– Danemark : du 12 mai au 11 novembre 2021
– France : 1er mai au 31 octobre 2021
Ceci pour répondre à la problématique de la pandémie de la Covid-19.
Mais pour la problématique liée à la menace terroriste, la réintroduction d’un contrôle aux frontières est également effective pour les pays suivants :
– Norvège : du 10 mai au 9 novembre 2021
– Autriche : du 12 mai au 11 novembre 2021
– Allemagne : du 12 mai au 11 novembre 2021
– Suède : du 12 mai au 11 novembre 2021
– Danemark : du 12 mai au 11 novembre 2021
– France : du 1er mai au 31 octobre 2021.
Ces périodes peuvent être étendues par pas de 30 jours pour un total ne devant pas dépasser les 6 mois. Les Etats doivent prévenir la Commission européenne et les autres pays membres au moins 4 semaines avant la remise en place d’un contrôle aux frontières – sauf en cas de force majeure avec une durée maximale de 10 jours sans information au préalable.
Ainsi, on notera que la diffusion de ce changement des « règles du jeu » se fait en catimini, sans aucune information aux citoyens. On ne sera pas étonné, une fois de plus, de la différence de traitement entre un citoyen pilote d’avion léger et un citoyen automobiliste. Un pilote hollandais doit payer une amende de 1.500 € pour ne pas avoir prévenu les Douanes françaises de son arrivée sur le territoire français. Au même moment, des centaines d’automobilistes hollandais viennent par la route en France pour leurs vacances estivales, sans le moindre problème. Si cela n’avait pas été le cas, l’information aurait fait la Une des journaux télévisés avec un gouvernement qui se plaint d’un côté de la baisse de fréquentation des étrangers en France cet été mais qui de l’autre côté « taxerait » les touristes automobilistes n’ayant pas prévenu les Douanes de leur périple routier !
Bref, le Covid favorise ces derniers temps une certaine improvisation générale dans différents domaines, avec des « règles du jeu » qui changent régulièrement – les ministres l’apprennent parfois par la radio à la suite de l’allocuation du président de la République… – et ce déficit d’information concerne donc aussi l’aviation générale, avec des frontières intérieures fermées mais sans que l’information et les procédures à mettre en place soit diffusées aux citoyens concernés, ce plus de quatre mois après leur mise en oeuvre ! ♦♦♦