De la gestion de la panne moteur en montée initiale…
Lors de la formation au PPL, les pilotes sont formés en cas de panne moteur en montée initiale, à poursuivre « tout droit » ou à s’autoriser 30° de part et d’autre de la trajectoire de montée initiale pour trouver un lieu d’atterrissage, avec un virage du côté du vent si ce dernier est de travers et si l’absence d’obstacles le permet. Le sujet a déjà été traité ici que la panne soit totale ou partielle. Une étude récente du BEA a également abordé les pannes partielles de puissance après décollage.
La procédure à poursuivre dans l’axe en cas de panne totale reste la solution la moins risquée, évitant un taux de chute accru lors du virage et l’accroissement du facteur de charge donc de la vitesse de décrochage. D’où « l’impossible virage » qui consisterait à revenir au terrain. On le sait, ce virage de retour n’est pas simplement un demi-tour (180°) car ce dernier place l’appareil en sens opposé à celui du décollage mais sur un axe bien décalé par rapport à la piste. Pour atteindre celle-ci il faut donc faire une baillonnette pour revenir vers l’axe puis revirer pour s’aligner. En simplifiant, ceci équivaut à accepter le taux de chute lié à nouveau à un virage de 180°, avec 90° pour aller chercher l’axe et 90° pour s’aligner.
Suite à un récent accident aux USA d’un Bonanza en panne moteur après décollage, médiatisée par la diffusion d’une vidéo, l’AOPA Air Safety Institute a voulu aller plus loin. En avril dernier, il a décidé d’étudier en pratique ces trajectoires de « retour au terrain » après panne moteur en montée initiale (EFATO pour Engine Failure After Take-Off), en utilisant différents appareils : un Piper PA-18 Super Cub, un Van’s RV-4, un Cessna 172N et un Beech A36 Bonanza. A bord, des pilotes expérimentés, bien entraînés. Le tout dans des conditions météorologiques idéales (vent faible, température standard) et en bénéficiant d’une très longue piste (1.200 m simulés).
Après une montée entre Vx et Vy à pleine puissance pour atteindre la hauteur minimale pour débuter l’exercice, la « panne » fictive du moteur était assurée par une réduction du régime suivie de trois secondes d’inaction volontaire, le temps minimum de réaction de l’être humain face à une panne survenant intempestivement. Puis le virage à 45° d’inclinaison était réalisé à la vitesse de meilleure finesse.
Auparavant, en altitude, les différents pilotes ont effectués des décrochages en virage en descente à 45° d’inclinaison pour bien « calibrer » les vitesses de décrochages durant ces évolutions, avant de les pratiquer à basse hauteur. Ils ont également effectué des mesures de taux de chute durant un 360° en descente sous 45° d’inclinaison pour évaluer la hauteur perdue, afin de déterminer la hauteur minimale pour pouvoir envisager le « demi-tour ».
Puis, les pilotes ont effectué des décollages, avant de simuler une panneen montée initiale, entamant alors un virage de retour vers la piste, à plusieurs hauteurs décroissantes, principalement 1.000 ft/sol. Plusieurs essais ont ainsi été menés par les pilotes des différents appareils. Ceux aux commandes des PA-18 (180 ch), RV-4 et C-172N y sont parvenus – avec parfois l’avertisseur de décrochage couinant durant le virage… – mais ce ne fut jamais le cas de l’A36 (300 ch), ce dernier ayant un profil de vol bien différent (vitesse supérieure donc éloignement supérieur du terrain avant d’atteindre la hauteur minimale pouvant laisser envisager un retour au terrain).
Qu’en conclure ? Que dans certains cas, avec des pilotes bien entraînés, non stressés, bénéficiant d’excellentes conditions météorologiques et surtout d’une longue piste, la procédure pourrait être viable même si les conditions de l’étude ne sont pas celles d’un cas réel (temps de réaction, stress, traînée différente selon l’hélice arrêtée ou « moulinant »). En conditions réelles, il faudrait en effet rajouter des conditions météo pas forcément coopératives, un effet de sidération du pilote qui peut rallonger son temps de réaction au-delà des 3 secondes prises en compte, sans oublier ensuite le stress. Ce qui fait beaucoup de paramètres à réunir.
Si le vent est fort, la pente sol sera importante en montée initiale, surtout pour un appareil comme le PA-18 montant à des vitesses faibles. Mais une fois le demi-tour effectué, la vitesse sol élevée due au vent arrière rendra impossible l’atterrissage sur la piste, surtout si elle fait 700 m de long et non pas les 2.600 m de l’aéroport pris comme terrain d’essai par l’AOPA Air Safety Institute.
Raisonnablement, il faut donc bien s’en tenir aux conseils professés par les instructeurs en formation PPL, comme le précise la FAA : « Les instructeurs doivent entraîner les pilotes de monomoteurs à ne PAS faire un demi-tour vers le terrain après une panne moteur… à moins que la hauteur, les performances de plané et les compétences du pilote permettent un retour en sécurité » – ces derniers points étant loin d’être réunis à chaque fois. ♦♦♦
La vidéo en américain…
https://youtu.be/dFVFKq3QqXo