Difficile en moins de 100 heures de vol de faire une bonne analyse des risques…
Certains pilotes tout juste brevetés n’ont pas conscience du temps nécessaire pour obtenir une certaine expérience, l’obtention de la licence de pilote privé n’étant assurément pas une fin en soi mais un simple début pour se perfectionner progressivement, au fil des saisons, avec prudence. Ayant parfois suivi une formation de pilote sur une courte durée, sans avoir par exemple découvert toutes les conditions météorologiques que l’on peut rencontrer sur une année complète, ils n’ont pas fait le « tour de la question » des différents pièges.
Ils peuvent ainsi surévaluer leur niveau de compétence et se mettre dans des situations qu’ils ne sauront pas gérer, faute d’entrainement ou de simple technicité. Leur « conscience de la situation » et leur analyse des risques ne sont pas encore à la hauteur des enjeux. Leur culture de la sécurité est inexistante. Un exemple peut ainsi être trouvé dans l’un des rapports du BEA déjà évoqué sur ce site.
Un récent rapport du NTSB (le BEA américain) montre que le problème se rencontre dans d’autres pays. Il est relatif à un accident survenu en juin 2020. Le pilote privé, propriétaire d’un monoturbopropulseur PA-46 M600, sort de piste à l’atterrissage par la droite, peu après le toucher de la roue avant. L’appareil est bien endommagé, après rupture de la jambe de train avant et des pales d’hélice, et déformation du support de la turbine PT6. L’équipage (le pilote et un passager) est indemne.
Durant le vol de navigation, le pilote, n’étant pas qualifié IFR, a croisé à 17.250 ft d’altitude (la limite du VFR étant fixée à 17.500 ft aux Etats-Unis). Il totalise tout juste 99 heures de vol dont 54 sur le M600 depuis l’obtention de sa licence de pilote privé, deux mois et demi auparavant. Durant les 45 premières heures de vol, il n’a piloté qu’un Cessna 172 avant de passer au monoturbopropulseur de 600 ch capable de croiser à 270 Kt sur plus de 1.600 nautiques – une « certains marche » à franchir !
Qui plus est, en achetant le M600, il a refusé de suivre le stage d’entrainemnet proposé par le constructeur, préférant s’entraîner avec un instructeur indépendant. L’accident est survenu lors d’une longue navigation (1.000 nautiques), son premier vol effectué sans l’instructeur à bord. Le représentant de Piper, qui a vendu le M600, a précisé aux enquêteurs qu’au moment de l’achat, le pilote ne répondait pas aux exigences, en matière d’expérience aéronautique, imposées par la compagnie d’assurance pour être pilote commandant de bord – l’instructeur répondait à ces exigences. Le vol, avec un passager à bord, a donc été effectué sans aucune couverture en assurance.
Un observateur au sol de la sortie de piste a confirmé que le vent de travers atteignait 10 Kt. Les enquêteurs du NTSB ont confirmé le bon fonctionnement du système de conjugaison de la roue avant, suite aux remarques du pilote signalant un manque de réactivité de l’appareil. Le NTSB a souligné le fait que la pression du pneu avant était inférieure à la valeur nominale prévue par le constructeur.
Des marques de pneu au sol ont montré que la roue avant a dérapé vers la gauche initialement, puis à droite avant de sortir franchement à droite (30° de l’axe). Les traces des pneus du train principal gauche et de la roue avant sont les plus marquées sur la piste avant la sortie dans l’herbe. Les données du GPS ont confirmé la trajectoire au sol. Les données météo ont confirmé un vent de 11 Kt à 60° de la piste. ♦♦♦
Photo © NTSB