Témoignage d’une presque collision en tour de piste telle que racontée par l’équipage.
C’était il y a une vingtaine d’années, au tournant du siècle. Un pilote breveté revient dans son club, implanté sur un terrain non contrôlé, après une interruption du pilotage de quelques mois. Un instructeur lui propose un réentraînement avec une séance de tours de piste sur l’aérodrome contrôlé à proximité, histoire de cumuler intégration sur terrain contrôlé, phraséologie sur la fréquence et touchés-décollés sur piste en dur étroite et non en herbe
et large.
Avion en vol, ATIS écouté, contact radio établi avec le contrôle, le DR (160 ch) arrive quasiment face à la piste en service. Le pilote du Robin ouvre la trajectoire à droite pour aller chercher le début de la vent arrière, main gauche. Au même moment, un TB-20 (250 ch) s’aligne sur la piste en dur. Quand le DR débute sa vent arrière, le TB-20 est en montée initiale. Le contrôleur le prévient de la présence du DR devant lui lors de son tour de piste à venir. Le pilote du TB collationne le message.
Dans le DR, le pilote en place gauche prépare sa machine, surveille ses paramètres, gère sa trajectoire. Alors que le TB entame sa vent arrière, le contrôleur lui rappelle la présence du Robin devant lui mais le pilote du Trinidad n’a pas de contact visuel sur ce dernier. Le contrôleur lui indique à nouveau la position de ce dernier, en lui donnant un secteur (code horaire) à surveiller pour le localiser – toujours sans succès.
Dans le Robin, l’instructeur écoute la fréquence et comprend la menace grandissante dans les « six heures » du DR. Tourné vers l’arrière, par chance, il peut apercevoir dans le hublot arrière gauche le TB-20 qui se rapproche lentement, du fait du différentiel de vitesse dû à la puissance. En place avant gauche du Robin, le pilote s’occupe toujours de tenir ses éléments, le regard porté sur la piste et le secteur devant lui. Sur la fréquence, les échanges se poursuivent entre contrôleur et pilote de TB mais toujours pas de contact visuel sur le Robin.
200 m… 100 m… Il aurait sans doute déjà été judicieux de demander au TB de descendre ou au pilote de ce dernier de le faire de lui-même pour bien apercevoir le trafic le précédant se dégager dans le ciel depuis une position plus basse. Au pire, effectuer un 360° de retardement vers l’extérieur du tour de piste. Mais rien n’est fait. Les deux pilotes sont parfaitement rigoureux dans la tenue du palier à hauteur du tour de piste. Mais le DR est sans doute un mètre environ plus bas, sa présence étant cachée au pilote du TB, volant en solo, par la partie droite du tableau de bord et le capot moteur.
75 m… 50 m… Quand il ne reste plus que quelques dizaines de mètres séparant les deux avions placés sur une trajectoire « magistralement » convergente à la perfection, l’instructeur dans le DR reprend les commandes, effectue une ressource, incline fortement son appareil pour montrer le TB passant dessous quelques secondes plus tard et ne pouvant s’empêcher de lâcher sur la fréquence : « Le pilote du TB, il faudrait regarder dehors »… En réponse, des excuses et la confirmation que le DR n’a jamais été visualisé.
Le contrôleur proposera un contact téléphonique par la suite… À quoi bon ? Ce n’était pas encore l’époque des Rex et des notifications obligatoires par le CRESAG (profitons de l’occasion pour indiquer le lien vers le « nouveau » formulaire CRESAG sorti en mars dernier !), encore moins des « débriefings » d’instructeurs dans les bureaux du « district aéronautique »… On parlait alors de « near-miss » et pas encore d’airprox.
Mais les trois pilotes et le contrôleur, ce jour-là, ont bien compris certains faits :
– les angles morts dans les cockpits des avions légers ne sont pas un mythe.
– les probabilités de collisions en vol sont plus élevées autour d’un aérodrome, par la convergence de multiples trajectoires, que lors d’un vol de navigation au-dessus de la campagne.
– la radio demeure un excellent outil pour se faire une « image mentale » du trafic aux alentours (conscience de la situation), du moins si les pilotes donnent correctement leur position en trois dimensions.
– une collision en vol peut très bien intervenir de jour, par très bonnes conditions météorologiques, avec seulement deux avions dans un tour de piste, le tout sur un terrain contrôlé…
– La (sur)vie d’un équipage ne dépend que de lui et il n’est pas recommandé d’en confier la responsabilité au contrôle aérien.
– un strict respect des altitudes « rondes », notamment en navigation, n’est pas forcément une bonne pratique. Mieux vaut croiser à 2.400 ft ou 2.600 ft qu’à 2.500 ft, valeur qui peut être retenue par d’autres pilotes. ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com