Le parcours d’un pilote de chasse, dont la vie a basculé après collision en vol au sein de la Patrouille de France.
Dans quelques mois, Patrick Louis, commandant de bord A320 chez Air France déposera une dernière fois sa valise de pilote, arrivant à l’âge de la retraite. Aussi, a-t-il tenu à retracer sa carrière dans un ouvrage mais sur les 270 pages, seulement 12 concernent l’aviation commerciale… Le reste est dévolu à sa première carrière, celle de pilote militaire.
C’est donc au sein de l’armée de l’Air des années 1980-1990 qu’il entraîne le lecteur depuis les sélections alors sur Cap-10B à Aulnat jusqu’aux détachements en Afrique comme chef de patrouille sur Mirage F-1C. Auparavant, après passage sur T-33, malgré un bon classement en fin de formation, il est renvoyé à Aulnat puis Salon-de-Provence comme moniteur sur Fouga Magister, suite à une nouvelle stratégie de l’armée de l’Air pour renouveler les instructeurs par ses meilleurs éléments.
Après deux années comme instructeur, ce sera enfin le passage sur Alpha Jet, la formation armement à Cazaux avant d’être affecté à Reims sur Mirage F-1C, avec campagnes de tir et vols supersoniques à Solenzara, présentations « Bravo »en patrouille, le brevet de chef de patrouille et des Opex au Tchad.
Cette moitié d’ouvrage apporte son témoignage sur l’armée de l’Air de l’époque, avec ses anecdotes, ses drames, ses succès, les rites (bizutages parfois d’un autre âge à l’arrivée en escadron), le mode de fonctionnement au sein d’un escadron – mais est-elle foncièrement différente de nos jours même si les facteurs humains ont apporté leur gain en sécurité. En tout cas, on croise quelques « personnages » plus ou moins sympathiques, cités par leurs prénoms ou leur identité complète, dressant un casting parfois singulier.
La seconde partie explique le sous-titre de l’ouvrage (Collision en plein ciel). Patrick Louis a posé sa candidature pour être pilote au sein de la Patrouille de France. Retenu, on suit son arrivée dans l’unité, sa formation et plusieurs saisons passées à différents postes dans le dispositif. On entre ainsi au coeur de la PAF, avec son fonctionnement interne, sélection des nouveaux candidats comprise, pas toujours identique à l’image extérieure lissée par la communication. N’est-ce pas logique quand on fait cohabiter des pilotes de chasse avec leurs caractères, leurs ego, parfois leur inimitié envers certains collègues ?
Au passage, les rivalités entre certaines patrouilles étrangères sont évoquées, notamment avec les pilotes des Red Arrows dont le « fair-play » reste très théorique comme le relate l’auteur, lors de la venue de la PAF sur une base anglaise, ceci contrairement aux relations « latines » avec les Frecce Tricolori.
Entre-temps, Patrick Louis est devenu leader solo, quittant le « ruban » de la patrouille avec son ailier pour quelques évolutions à deux Alpha Jet pour laisser le temps au reste du dispositif de se replacer face au public lors des présentations. C’est ainsi que le 13 février 1991, il est en entraînement au-dessus du golfe de Fos. Les conditions météorologiques ne sont pas favorables avec « mistral noir », plafond bas, visibilité moyenne entre ciel et mer.
Et lors du croisement face à face des deux solos, c’est la collision en vol… Le second solo sera tué sur le coup. En cinq secondes, Patrick Louis se retrouve dans l’eau sans avoir effectué la procédure d’éjection, ayant bénéficié de la désintégration de son appareil et de l’éjection déclenchée par le choc. Suivront une récupération par hélicoptère, un transfert vers l’hôpital et de forts moments de doute.
Ce sera une période de convalescence ponctuée de « visites » peu nombreuses sauf pour les besoins de l’enquête. Il sera progressivement rejeté du groupe de la PAF et de la hiérarchie, sauf du côté des mécaniciens de l’unité. Son retour au sein de la PAF n’est plus possible. Il rejoint alors l’Equipe de voltige de l’armée de l’Air (EVAA), passant progressivement du Cap-10B aux Cap-20 puis 231 pour assurée démonstrations en meeting et participer à des compétitions.
Le sort s’acharnant sur lui, en juillet 1993, il est victime d’un accident au sol alors qu’il est aligné sur la piste avec son Cap-231, avec derrière lui un Pitts S-2B dont le pilote a été briefé pour retarder son décollage. Mais ce dernier, sans visibilité et sans respecter les consignes, met plein gaz, découpant l’arrière du Cap quasiment jusqu’au cockpit… Après un dernier vol sur Alpha Jet fin 1994, le capitaine Patrick Louis quitte l’armée, ayant décidé de se convertir vers l’aviation civile avant qu’il ne soit trop tard même si au début des années 1990, le marché de l’emploi n’est pas très favorable.
Il y aura encore l’épisode de la Sélection civile, avec la participation à une sélection pour devenir pilote de Tracker ou Canadair mais là aussi, les particularités du fonctionnement sont nombreuses comme des rapports d’accidents notamment en entraînement sur Canadair l’ont laissé fuité ces dernières années. Finalement, après reconversion avec QT25, Patrick Louis rejoint une jeune et petite compagnie, Belair Ile-de-France aux commandes d’un Boeing 727. Le récit d’un vol épique Orly-Louxor mérite la lecture…
Au final, un témoignage dense sur une carrière de pilote de chasse, marquée par un accident aérien qui a fait basculer sa vie. Avec le recul dû aux trente années passées, Patrick Louis retrace froidement son parcours, sans fard, avec souvent un choix de mots ciselé par un excellent style, le tout avec une approche humaine pour évoquer « un long combat pour un retour à la vie ». Lecture recommandée. ♦♦♦
Photo © DR, issue du net
– Paroles en l’air. Collision en plein ciel, par Patrick Louis, Éditions Maia, 270 p, 22,00 €