Une menace à prendre en compte sur DR-300/400.
Un rapport récemment mis en ligne par le BEA évoque l’accident d’un Robin DR-400/140B survenu en août dernier. La cause mise en avant est une gourde tombée sur le plancher de la place copilote qui a limité le débattement en roulis du manche. Sur les Jodel et Robin série DR-300/400, les commandes de vol sont constitués de deux manches en forme de U articulés à leur base sous la console centrale. Ainsi, en roulis, la base du manche descend ou monte par rapport au plancher. Un objet à cet endroit peut donc limiter ou interdire toute action en roulis. D’où la nécessité de briefer un passager en place droite sur cette menace qui peut provenir d’une bouteille, d’un appareil photo, d’une caméra vidéo, etc. objet mis par méconnaissance ou tombé sur le plancher.
Dans le cas relaté par le rapport du BEA, la limitation en roulis est survenue peu après le décollage et le pilote, ne pouvant contrer une inclinaison, a immédiatement réagi en reposant l’appareil. Mais une telle limitation peut survenir en vol, en croisière ou lors d’évolutions si l’on n’y prend garde. Dans ce cas, un départ en virage peut entraîner une impossibilité d’en sortir, un objet s’étant glissé sous le U de la cinématique des manches. Il est donc utile de mémoriser ce rapport pour connaître la possible cause d’un tel blocage.
Pour ce type d’événement, les Anglo-Saxons parlent de FOD pour Foreign Object Debris (objet étranger à l’appareil). Il y a près de quarante ans, un F-4 Phantom de la Royal Air Force aurait été perdu ainsi avec une pellicule photo tombée en place arrière dans le puits du manche…
Si un virage une fois entamé, le pilote ne parvient pas à ramener le manche au neutre pour stabiliser l’inclinaison ou pour revenir ailes à plat, le temps de réaction doit être rapide. Se souvenir que le palonnier peut créer du roulis induit et donc relever une aile, même si l’avion se trouve ensuite en vol dérapé. De plus, il ne sert alors à rien de forcer sur le manche si ce dernier ne veut pas contrer le roulis. Il faut alors au contraire, momentanément mettre du manche dans le sens du roulis, tout en allant chercher (ou faire chercher par le passager) l’objet alors non bloqué sous le U du manche…
Voici le rapport du BEA :
1 – Déroulement du vol : le pilote roule vers le point d’attente situé sur la bretelle centrale d’accès à la piste de l’aérodrome de Saint-Girons pour un vol à destination de l’aérodrome Toulouse-Lasbordes (31). Les conditions météorologiques sont bonnes et le vent faible. Lors de la préparation de l’avion avant décollage, le pilote est interrompu par un autre pilote qui vient d’atterrir et qui souhaite utiliser la bretelle. Il reporte la fin des actions avant décollage, libère la bretelle d’accès à la piste, remonte la piste et reprend les actions avant décollage depuis l’extrémité de la piste 34.
Une fois les actions terminées, le pilote met en puissance. Le roulement est normal et à 110 km/h il décolle. Peu de temps après, l’avion commence à virer à droite. Le pilote essaie de contrer ce mouvement, mais le manche lui paraît bloqué. Il décide alors d’interrompre le décollage, réduit la puissance et tente d’atterrir en bordure de piste dans l’enceinte de l’aérodrome. Le pilote entend l’avertisseur de décrochage, l’aile gauche s’affaisse brusquement et le contact avec le sol est violent. Le pilote fait évacuer le passager, coupe les contacts batterie et magnétos puis sort de l’avion.
2 – Renseignements complémentaires
Expérience du pilote : le pilote est titulaire d’un PPL. Il totalisait 232 heures de vol au moment de l’accident dont 75 sur DR-400. Il avait réalisé 9 heures dans les 3 mois précédents.
Témoignage du pilote : l’avion avait été utilisé la semaine précédente, lors d’un stage organisé par l’aéro-club à Saint-Girons. Le pilote indique qu’il avait été déposé avec son passager, son fils âgé de 10 ans, à l’aérodrome de Saint-Girons le matin vers 10 h. Il devait convoyer l’avion, et du matériel d’amarrage utilisé pendant le stage, à l’aérodrome Toulouse – Lasbordes où il était basé.
Il se souvient avoir fait les essais commandes lors des actions avant décollage réalisées à l’extrémité de la piste 34. Il ajoute que son passager a bu dans une gourde juste avant la mise en puissance. Il lui a demandé de mettre la gourde sur le siège arrière, mais le passager l’a posée sur son siège.
Examen de l’épave : des examens ont permis de constater que les commandes de vol étaient continues. Une gourde déformée a été retrouvée. Ces déformations ont été provoquées par une interaction avec le coude inférieur du manche droit (photo d’ouverture). On constate également que de nombreux objets contenus dans un sac non sécurisé situé sur la place arrière ont été projetés vers l’avant.
3 – Conclusions : les conclusions sont uniquement établies à partir des informations dont le BEA a eu connaissance au cours de l’enquête. Elles ne visent nullement à la détermination de fautes ou de responsabilités.
Scénario : le passager a bu dans sa gourde alors que les actions avant décollage venaient d’être réalisées. Il l’a ensuite posée sur son siège. Lors du roulement au décollage, la gourde est tombée sur le plancher. Après la rotation, lorsque le pilote a eu besoin de corriger un léger départ en roulis, il n’a pu agir sur la commande qui était bloquée par la gourde. Il a alors décidé d’interrompre le décollage à faible hauteur.
Enseignements de sécurité : le pilote considère que la présence d’objets non sécurisés sur la banquette arrière aurait pu provoquer des blessures aux occupants lors du choc. L’interruption du décollage, alors que l’avion était encore à faible hauteur, a amené l’avion au sol avec une énergie faible, diminuant ainsi les conséquences de l’accident. ♦♦♦
Photo © BEA