En France, un rêve de pilote qui pourrait devenir réalité – question de volonté selon Jean-Philippe Chivot !
La scène se passe au nord-ouest du Saint-Laurent, sur un aérodrome au milieu de nulle part, abandonné dans la forêt depuis la fin de la Guerre froide avec sa piste de béton de 2.500 m quasi intacte. Les pilotes, en majorité propriétaires d’un avion, y viennent tous les ans début septembre pour y passer plusieurs jours de camping entre leur avion, la forêt et la rivière pour ceux venus en hydravion. Un rêve de pilote certainement transposable en France sur une des nombreuses bases, ex-OTAN, totalement abandonnées.
La base canadienne de Casey
La piste de Casey est un vestige de la Guerre froide avec la Russie pour défendre l’Amérique d’une attaque russe venant des îles Aléoutiennes. La base militaire de Casey fut donc construite entre 1952 et 1953, et abandonnée dès 1964 au profit d’autres situées plus au nord. Voici la station radar de Parent, à proximité de Casey.
Conçu comme un aérodrome d’urgence pour les bombardiers américains et avions de chasse canadiens, la piste principale de Casey fut aménagée de façon à pouvoir accueillir les imposants Boeing B-52 Stratofortress. Avec sa surface en béton d’un mètre d’épaisseur et d’une longueur de 2,5 km, elle était idéale pour être convertie en aéroport civil mais, construite au milieu de nulle part, elle fut tout de suite abandonnée et les bâtiments démolis en 1964.
L’aérodrome militaire de Casey en activité, avec sa tour de contrôle.
Son histoire comprend pourtant deux épisodes notables…
– Utilisée en 1973 lors d’une campagne d’épandage aérien d’insecticides pour éliminer des bestioles attaquant les fameux pins du Canada, un drame s’y produit en juin, lorsqu’un Lockheed Super Constellation (ci-dessous), lourdement chargé de carburant et d’insecticide, s’écrase au décollage (oubli de rentrer les volets), tuant ses trois membres d’équipage.
– En novembre 1992, un pilote téméraire trafiquant de drogue, poursuivi par deux CF-188 canadiens (version canadienne du F-18 Hornet), y pose son Convair 580 chargé de 4 tonnes de cocaïne, des complices de la mafia devant en prendre livraison et évacuer l’équipage. Ce fut la plus grande saisie de cocaïne jamais effectuée au Canada.
Replongée dans l’oubli, hormis pour quelques pilotes amateurs, la piste de Casey est redécouverte par un nombre croissant de pilotes depuis 2012, année du premier Rendez-Vous Aérien (RVA) de Casey. Ce RVA de nature plutôt informelle, organisé par des bénévoles, convie les pilotes amateurs à une activité annuelle assez originale : de l’aéro-camping sur un mystérieux vestige de la Guerre froide.
Au menu : camping sauvage, baignade dans la rivière, feux de camp et franche camaraderie. Au fil des ans, le nombre de participants n’a cessé de croître pour atteindre, en 2019, un record de 136 aéronefs posés sur la piste de Casey ou sur la rivière Ruban qui la longe. Les commentaires des pilotes et passagers n’ont cessé d’être enthousiastes. Par ailleurs, une telle activité annuelle a nécessité finalement des consignes strictes pour éviter collisions aériennes ou au sol, et dégâts dans la nature dus aux campeurs.
Le rendez-vous annuel d’aéro-camping
ll a lieu tous les ans début septembre, sur 4 jours, sur la base aérienne abandonnée. Les batiments n’existent plus mais les pistes sont en très bon état. Reste que chaque année, il faut les débarrasser des multiples bois morts et herbes folles qui peuvent gêner ou endommager les pneus des avions. La coordination du rassemblement est assuré par Pierre Nadon, via le site internet CampingMaster.
Cette photo a été prise lors de l’édition 2020…
Voici, de nos jours, Casey vue du ciel avec sa rivière et ses parkings…
Deux problèmes se posent au pilote désireux de se rendre au RVA de Casey :
– éviter le mauvais temps et prévoir un aérodrome de dégagement,
– savoir où ravitailler l’aéronef en fonction de son autonomie et des zones de mauvais temps de fin d’été.
En effet, l’un des buts de l’aéro-camping est d’encourager le propriétaire d’avion sur roues à sortir de sa zone de confort, en effectuant un beau vol au-dessus de la « brousse » québécoise en toute sécurité. Il y a 11 pistes de dégagement à moins de 40 nm de Casey et 8 endroits pour de la 100LL à moins de 120 nm, et plusieurs avions en vol durant le RVA avec qui communiquer pour des précisions sur la météo en cours. Casey à retrouver sur cet extrait de carte, tout en haut à gauche…
Cette seconde carte permet de localiser la base par rapport à Trois Rivières et Québec.
Que faire après avoir touché le sol à Casey ?
Amarrer son avion dans un endroit où il est agréable de monter sa tente…
Si vous possédez un hydravion, tout est prévu…
Il faut ensuite camper de façon à le garder à l’oeil…
…et profiter de la baignade.
En fin de journée, on retrouve ou on rencontre des passionnés qui nous ressemblent. Et ils sont bien là, vus du ciel…
Toujours prêts à parler de bidons d’huile et carburateurs mais aussi de styles de vie et de franche camaraderie.
Le soir après le montage de la tente, il y a les braseros.
Et la découverte de machines volantes rares, comme cet amphibie Republic Seabee de 1947, remotorisé avec un moteur réducté V8 General Motors issu d’une Chevrolet Corvette.
Le lendemain, il est temps de flaner au bord de la rivière…
Et d’aller faire un petit vol local.
Il faut aussi, même en pleine brousse, préserver l’environnement. Et nos amis canadiens emmènent avec eux dans leur avion un accessoire indispensable, inconnu dans l’ancien monde…
Le matin du départ, il faut emballer et emporter ses déchets.
Et enfin attendre que la brume se lève pour décoller…
Pourquoi ce rêve ne deviendrait-il pas en réalité dans notre pays ?
Il existe de nombreuses bases abandonnées avec des pistes en bon état qui pourraient être utilisées pour des aero-camping par des avions légers ou ULM, une fois par an. Certaines se trouvent dans des environnements agréables, telle celle de Grostenquin en Moselle, par ailleurs ancienne base militaire canadienne sous l’OTAN qui pourrait alors être jumelée avec celle de Casey.
La base de Grostenquin aujourd’hui… Près de la frontière avec la Sarre, elle n’est malheureusement pas longée par une rivière.
Il reste à fédérer des bonnes volontés d’autant plus que le responsable de la communication du RVA de Casey, Vincent Charron – aucun rapport avec Jean-Luc Charron, président de la FFA ! – est partant. ♦♦ ♦ Jean-Philippe Chivot
Photos issues du site de Pierre Nadon, animateur de CampingMaster, site officiel du RVA. Ont notamment été reprises les photos de Pierre Gillard, Patrick Vergobbi, Robert Poirier, Patrick V. National Air Photo Librairy. Avec nos excuses pour l’oubli des crédits photos à la publication initiale de cet article faisant la promotion du RVA.