Encyclopédie pratique des avions Beechcraft, du Staggerwing au Hawker 4000.
Après les avions de Cessna Aircraft et Piper Aircraft, déjà traités sous un format similaire, Marc Ranjon se devait de rédiger l’encyclopédie des avions Beechcraft, achevant ainsi la trilogie des trois « majors » de l’aviation générale américaine, donc mondiale, principalement des années 1950 aux années 1980 avant que l’aviation générale ne subisse quelques sérieux coups de frein liés aux « chocs pétroliers » puis aux assurances produits (Liability Product) et aussi à l’arrivée de nouveaux challengers sur le marché des monomoteurs et bimoteurs légers tels Diamond, Cirrus ou Tecnam…
C’est désormais chose faite avec cet ouvrage récemment sorti, retraçant l’histoire du constructeur de Wichita. Les premières pages évoquent rapidement l’aventure du pilote Walter Beech, devenu patron d’une société de construction d’avions issue de la Travel Air Company où se côtoyaient alors Walter Beech, Lloyd Stearman et Clyde Cessna… Avant la fin des années 1920, chacun prendra son autonomie, Cessna et Beech s’implantant à Wichita, Kansas, qui deviendra rapidement la capitale de l’aviation générale américaine, Piper Aircraft étant localisée à Lock Haven puis Vero Beach, en Floride.
Pour son premier modèle portant la marque Beech Aircraft, la société va innover avec son Model 17 Staggerwing, un étonnant biplan à ailes décalées, à train rentrant, très rapide mais déjà proposé à un prix astronomique par rapport à la concurrence – ce sera souvent le cas par la suite pour le constructeur ! Le modèle suivant, le Beech 18 fera aussi parler de lui, étant le premier bimoteur léger entièrement métallique. La « bichette », notamment utilisée par diverses forces aériennes, connaîtra une belle longévité opérationnelle, tant côté militaire (formation) que civil (affaires).
Ces deux appareils serviront de « tremplin » au constructeur pour développer d’autres modèles au fil des années. Il faut évidemment évoquer le Bonanza, monomoteur toujours produit de nos jours, certes au compte-gouttes et le modèle actuel (G36 ci-dessous) a bien évolué par rapport au prototype de 1945. Néanmoins, plus de 17.000 Bonanza, de différents modèles – du V-35 mythique avec son empennage en V au Debonnair à empennage classique qui sera vite renommé Bonanza, marketing oblige – ce qui en fait l’un des plus grands succès pour le constructeur mais aussi pour le segment de marché du monomoteur à train rentrant.
Faisant du mécano à partir d’une cellule réussie, le constructeur développera des modèles biplaces en tandem (le T-34 Mentor qui passera ensuite du moteur à pistons à la turbine pour répondre à des marchés d’entraînement militaire avant d’être remplacé dans la gamme par le T-6 Texan II issu du Pilatus PC-9) et des bimoteurs, du Twin Bonanza au Baron, ce dernier étant toujours produit de nos jours à quelques unités annuelles (G58 ci-dessous), en passant par les Travel Air et Duke.
Pour rester dans le domaine de l’avion léger, une seconde génération d’appareils verra le jour, avec une série de monomoteurs au succès plus mitigé, comprenant notamment les Musketeer, Sundower, Sierra et dont le dernier sera le Model 77 Skipper, concurrent « malheureux » face au Piper PA-38 Tomahawk dont il partage la même architecture, mode de l’empennage en T comprise. Côté bimoteur léger, le dernier de la série sera le Model 76 Duchess, utilisé par les écoles de pilotage pour la formation multimoteurs.
Beechcraft a compris que son approche souvent « luxueuse » d’un segment de marché ne pouvait concurrencer l’approche plus « meilleur marché » de Cessna. Beech abandonnera ainsi progressivement les pistons jugés peu lucratifs, hors quelques Bonanza et Baron encore produits à la demande, pour se concentrer sur les turbines. Issue du Queen Air encore à pistons, la série des King Air, du petit modèle 90 au Super KingAir de nos jours, servira et sert encore de « vache à lait » du constructeur. Par augmentation de la puissance des turbines, de la longueur du fuselage, de la charge utile, le concept sera « étiré » jusqu’à proposer des commuters aux compagnies régionales (99 Airliner et 1900D) même si les Super KingAir sont avant tout liés à l’aviation d’affaires.
Les Super KingAir apportent aux utilisateurs les coûts d’exploitation des turbines face à ceux des réacteurs et la possibilité de se poser sur les nombreux terrains plus limitatifs en longueur de piste ou en état de surface. Même la tentative de Burt Rutan d’imposer son biturbopropulseur propulsif de formule canard, le Starship 1, pour prendre la relève des King Air s’avérera un échec industriel, ce qui empêchera sans doute Beechcraft de retenir d’autres projets plus viables comme le monomoteur Catbird ou le bimoteur dissymétrique Boomerang…
Croissance forcenée oblige durant les Trente Glorieuses, le constructeur de Wichita passera aussi au jet, récupérant le Hawker 125 anglais développé en plusieurs modèles ou un jet conçu par Mitsubishi pour en faire le Hawk 400. Les reprises de sociétés méneront à la gamme Hawker. Aujourd’hui devenue propriété du groupe Textron, également propriétaire de Cessna Aircraft, la société Beechcraft vit essentiellement sur ses biturbopropulseurs, apogée de sa gamme « royale ». Depuis 1993, date du décès d’Ann-Olive Beech qui avait pris la direction de l’entreprise après la disparition du créateur dès 1950, la gestion financière par les actionnaires a fait diverger « l’esprit maison » voulu par le couple Beech.
Tous les appareils portant la griffe Beech sont largement présentés, modèle par modèle, avec leur historique, leur description technique, l’évolution du modèle, ses caractéristiques et performances. Le sous-titre de l’ouvrage (« Encyclopédie pratique ») se justifie par la mise en avant des points forts et faibles de chaque modèle, ses particularités en pilotage, avec un avis de l’auteur, pilote et également expert en assurances. Les conseils donnés peuvent ainsi mieux orienter un futur acheteur parmi les multiples modèles d’un appareil donné, avec les points à contrôler lors d’une visite de pré-achat par exemple, les CN et autres AD à surveiller.
Le tout est abondamment illustré de photos, de schémas techniques, de plan 3-vues, d’écorchés de certaines machines sans oublier dans les pages de garde l’arbre généalogique de tous les modèles des années 1920 à 2020, de la Travel Air à Textron Aviation via la Beech Aircraft Corporation renommée Beechcraft lorsqu’elle fut propriété du groupe militaro-industriel Raytheon.
Du bel ouvrage donc, tant en forme que sur le fond, avec un grand format (36,5 x 26,5 cm), une couverture cartonnée, un papier de qualité et un prix également « à la Beechcraft », seul bémol – éventuel – à l’ensemble car réaliser une telle « encyclopédie » exige temps et énergie, et le « retour sur investissement » en édition aéronautique de langue française est loin de constituer un… bonanza – un « filon de minerai » en espagnol, rappelant la ruée vers l’or dans l’ouest américain.
Cette trilogie américaine (Cessna, Piper, Beechcraft) s’intègre dans une démarche plus large, visant à proposer à l’avenir d’autres ouvrages dans le même esprit, pour retracer en plusieurs volumes une « encyclopédie pratique des constructeurs et leurs aéronefs en aviation générale depuis 1950 ». Ainsi, le prochain volume à paraître devrait être consacré aux multiples constructeurs français… A suivre ! ♦♦♦
Photos © Textron Aviation et documents MGRconseils
– « Avions Beechcraft, Encyclopédie pratique », par Marc Ranjon. 130 pages, 90,00 €.
Editions MGRconseils