Une étude sur les options pour réduire les émissions de plomb par les aéronefs à pistons. Sans miracle attendu…
Ces derniers jours, The National Academies of Sciences Engineering Medicine a diffusé un document intitulé « Options for reducing lead emissions from piston-engine aircraft » (Options pour réduire les émissions de plomb de la part des avions à moteurs à piston). Ce rapport de 143 pages fait suite à une étude menée par un comité dépendant des National Academies, un organisme indépendant créé pour conseiller la nation dans différents domaines techniques.
On y note ainsi les faits suivants. La flotte américaine du secteur de l’aviation générale (observation, évacuation sanitaires, formation au pilotage, aviation d’affaires, etc.) regroupe notamment la vaste majorité des avions et hélicoptères à motorisations par pistons et donc utilisant de l’Avgas (100LL). Cette flotte de pistons représente environ 170.000 aéronefs aux Etats-Unis.
Ils utilisent la 100LL, un carburant d’indice 100 d’octane, à faible teneur de plomb (LL pour Low Lead), à raison de 0,28 à 0,56 grammes de plomb par litre de carburant. Le plomb est un additif sous la forme de tétraéthyle, pour permettre le bon fonctionnement des moteurs à fort taux de compression (anti-détonation). Ces moteurs à fort taux de compression sont utilisés par environ un tiers de la flote tout en consommant plus du tiers du carburant. Mais comme la 100LL peut être utlisée par tous les types de moteur à piston, cet unique type de carburant est disponible sur tous les terrains. La 100LL est le seul carburant que la plupart des avions à pistons certifiés par la FAA doivent utiliser.
Si le plomb est connu pour ses effets nocifs sur la santé, il a été banni du carburant automobile en 1996, la 100LL restant le seul carburant à y faire encore appel. Durant plus de 25 ans, la FAA, l’industrie de l’aviation générale et les pétroliers ont cherché, sans succès, un remplacement sans plomb pouvant convenir à la totalité de la flotte des pistons. Sur cette période, l’American Society for Testing and Materials (ASTM) a défini un nouveau carburant au plomb, baptisé 100VLL (Very Low Lead) avec le même indice d’octane mais près de 20% de plomb en moins.
L’ASTM a également défini un carburant Avgas sans plomb (UL pour UnLeaded) avec des indices d’octane moins élevés, répondant aux moteurs de moindre taux de compression. Ce carburant UL94 est produit et disponible sur un certain nombre d’aérodromes aux Etats-Unis tandis que la 100VLL n’est pas produite.
Commanditée par la FAA, l’étude a porté sur des mesures d’atténuation (mitigation) de la diffusion du plomb avec notamment 1) l’analyse des concentrations de plomb dans l’air ambiant sur les aérodromes connaissant un trafic d’avions à pistons et à proximité, 2) l’usage des carburants alternatifs sans plomb pour les avions à piston de l’aviation générale, 3) des mesures d’atténuation pour réduire les concentrations de plomb, en augmentant la taille des aires d’essais moteur ou en déplaçant celles-ci, en imposant des restrictions à l’usage de l’Avgas, ou en augmentant l’usage des carburants automobiles.
Après avoir étudié ces différents paramètres, le comité est arrivé à la conclusion qu’il n’y a pas de solution unique, miracle, au problème du carburant au plomb et que donc une approche multi-cibles est nécessaire pour obtenir une amélioration et enregistrer un progrès notable. Une meilleure information doit être faite vers les publics concernés, dont les personnels des aérodromes et des ateliers, pour rappeler la présence de dépôts de plomb au sol mais aussi sur les moteurs, les bougies, dans l’huile…
Le seul carburant alternatif (UL94) aux Etats-Unis ne peut être utilisé que par 50 à 60% de la flotte des pistons de faible puissance, enregistrant la consommation la plus faible et le moins d’heures de vol, d’où un impact réduit. De plus, certains appareils devraient obtenir l’autorisation de la FAA pour utiliser l’UL94. Mais l’obstacle le plus important à la diffusion de l’UL94 (ou tout autre carburant sans plomb répondant aux standards ASTM) et que des milliers de petits aérodromes devraient investir plus de 100.000 dollars pour mettre en place un deuxième système de stockage en complément de celui de la 100LL nécessaire pour certains appareils – une situation qui ne devrait pas changer à court ou moyen terme.
Différentes mesures d’atténuation. Le comité a passé en revue plusieurs pistes dont :
– imposer des restrictions aux appareils utilisant de l’Avgas : ceci pourrait prendre plusieurs formes, dont des taxes, ou des incitations financières pour passer à des carburants à moindre teneur en plomb ou sans plomb. Le comité pense que ces restrictions, non réalistes sur les appareils à forte puissance, ne sont pas viables car limitant l’activité, ou imposant de nouvelles installations financièrement inacceptables pour de nombreux aérodromes.
– augmenter l’usage des carburants automobiles : cela n’est pas viable car ces carburants contiennent de l’éthanol qui est corrosif pour certains composants. De plus, les indices d’octane sont trop faibles y compris pour certains appareils aux moteurs n’ayant pas un fort taux de compression.
– agrandir ou déplacer les aires d’essais moteur : elles constituent des zones à forte concentration en plomb avec les gaz d’échappement des moteurs à puissance élevée. Mais les valeurs de plomb, la fréquence, la dispersion varient avec de multiples facteurs (activité, météo, topographie, QFU des pistes, distance des bâtiments, etc.). Les gains pourraient être très faibles notamment pour les terrains à faible activité, qui se comptent pas centaines.
En conclusion, le comité confirme ainsi que si la réduction du plomb reste un défi à relever,
il n’y pas… de solution disponible à court ou moyen terme. L’arrivée d’un carburant sans plomb serait la réponse à souhaiter mais que ceci relève de défis techniques importants :
quand ? comment ? et à quel coût ? Le comité préconise donc de suivre en parallèle plusieurs approches dont le développement d’un carburant à faible teneur de plomb (même une modeste réduction) ou sans plomb, mais aussi de nouvelles technologies de propulsion
– ce qui reste… utopique à court et moyen terme vu les coûts de développement et le marché… ♦♦♦