Que faire si l’on s’égare lors d’une navigation…
C’est une des craintes des élèves avant d’effectuer leur première nav solo. Ils ont réalisé auparavant des navigations en double commande, avec un bon suivi et une gestion correcte du vol, mais le fait de « déposer » l’instructeur et de partir tout seul représente une marche supplémentaire. Celle-ci est essentiellement psychologique car si l’instructeur laisse partir son élève en solo, on peut penser qu’il est bien conscient que le niveau de dernier va lui permettre de réaliser cette nav solo sans difficulté.
Pour monter en puissance dans la difficulté, selon le niveau de l’élève, l’environnement géographique, etc. ces premières navigations solo pourront être « progressives » en complexité, la première pouvant être une navigation déjà faite en double commande, ou un triangle déjà pratiqué mais effectué en sens inverse, jusqu’à la navigation de 150 nautiques (270 km) qui comprendra des « premières » pour se rapprocher du niveau du test pratique. Cette dernière nav, plus longue, pourra ainsi viser un aérodrome ou un aéroport jamais pratiqué auparavant…
Il va de soi que les conditions météorologiques doivent être idéales, sans dégradation prévue avec une marge de sécurité par rapport à l’heure de retour au terrain d’attache. Le bilan carburant doit être largement suffisant pour permettre la navigation avec une bonne marge. La préparation de la nav aura été validée, les points clé révisés.
Pour valider la capacité à naviguer à l’estime (« au cap et à la montre ») – qu’il faut démontrer le jour du test et conserver dans ses compétences si un jour, en panne de moyens de navigation ou en panne électrique totale, il faudra bien se débrouiller avec la navigation à la carte, sans avoir oublié les « fondamentaux » – le GPS de bord pourra être rendu « non opérationnel » mais disponible au cas où… Si l’avion n’en est pas équipé, un GPS ou une tablette laissée à l’arrière de la cabine est une bonne « porte de sortie ». Ceci permettra également un meilleur débriefing de la nav solo avec, pour l’instructeur, la possibilité de contrôler la trace de la navigation, les trajectoires lors des intégrations, voire le maintien du palier.
Mais voilà, vous êtes parti en navigation solo et soudainement, le doute s’installe dans le cockpit. Vous n’avez pas vu le précédent point de report inscrit sur votre log de navigation et le suivant, qui devrait déjà pourtant être déjà visible dans le pare-brise, ne semble pas apparaître selon le timing. Il ne s’agit pas de s’enfoncer plus longuement dans l’erreur. Un point de report raté, c’est possible, deux de suite, cela commence à faire un peu trop !
Que faire ? Il s’agit de retrouver sa localisation précise. Certes, s’il y a un GPS à bord, le mettre en marche permet de résoudre le problème mais d’autres solutions existent aussi. La première chose est de prendre un top horaire car avec la tension pouvant grimper dans le cockpit, un pilote peut rapidement perdre la notion du temps. Noter un top horaire permet ainsi d’avoir une base temps. Il faut la comparer au dernier top horaire validé sur le log de nav. La différence de temps, convertie en distance parcourue à la vitesse de l’appareil, permet de définir un premier cercle d’incertitude.
La distance parcourue se calcule avec l’aide du facteur de base (Fb = 60/Vp) avec la formule TSV (temps sans vent) = distance multipliée par le Fb. Si vous avez le temps depuis le dernier point de report, la distance D = TSV / Fb. Ou mieux, vous disposez peut-être d’une réglette en carton, faite maison, établie à la Vp de votre avion et pouvant être placée sur la carte pour vous donner les valeurs distance/temps.
Une pratique utile consiste aussi à vérifier son conservateur de cap et de noter si son indication est bien en phase avec celle du compas. S’il a dérivé par précession, la différence de cap entre conservateur de cap et compas vous donnera la trajectoire suivie, à droite ou à gauche du trait de navigation tracé sur la carte. Un recalage du conservateur de cap s’impose environ toutes les heures, et avec un pas plus serré si vous avez fait des évolutions serrées, si vous avez rencontré des turbulences, vous avez réduit la puissance lors précédent d’un tour de piste…
Attention à l’espace aérien et comme vous êtes égaré, donc sans certitude sur votre position exacte, prenez contact avec l’organisme gérant l’espace aérien susceptible d’être le plus proche de votre position estimée. Mieux vaut prévenir que guérir. Sinon, le mieux est de s’écarter de cet espace (RTBA…) pour éviter d’ajouter au stress une intrusion dans un espace aérien non autorisé…
Si vous n’avez pas déterminé si vous êtes à droite ou à gauche de votre trait (un écart possible si la force et la direction du vent n’ont pas été bien prises en compte par exemple, surtout après un important changement de cap), il ne faut surtout pas partir à l’aventure vers tel ou tel repère plus ou moins lointain en prenant différents caps. C’est la meilleure solution pour se perdre encore plus. La solution consiste à rester sur place, pour ne pas aggraver la distance entre votre position et celle du dernier repère survolé et validé auparavant. Il faut donc monter en effectuant par exemple un large 360°.
La prise d’altitude doit augmenter votre zone de visibilité et vous permettre d’apercevoir plus de repères caractéristiques qui, à l’aide de la carte, vous aideront à vous relocaliser. Il est également possible de prendre un cap inverse, ce demi-tour devant vous ramener vers les précédents points de report qui sont peut-être plus facilement identifiables ? Ce peut-être le panache de fumée d’une centrale nucléaire, visible à bonne distance…
Si vous n’avez pas de GPS mais un VOR (pour le PPL, l’aéronef doit disposer d’au moins un moyen de radionavigation à poste fixe), en ayant pris de l’altitude, vous êtes sans doute à portée de deux VOR. En prenant successivement deux relèvements QDR (From réglé à l’OBS) de ces deux balises au sol, dont la position est bien déterminée sur votre carte, vous pourrez tracer les deux radiales et votre avion se trouvera à l’intersection des deux.
S’il n’y a qu’un VOR dans les environs, un relèvement QDR vous donnera un radial donnant déjà une première indication. Vous pouvez également le rejoindre et repartir de cette balise pour repartir sur de bonnes bases…
Vous n’avez pas de VOR à portée de main, ou vous êtes trop bas et du relief vous empêche d’utiliser un VOR (portée visuelle), il vous reste encore d’autres solutions. Vous pouvez pratiquer l’erreur systématique, en prenant un cap vous amenant vers un repère caractéristique immanquable. Ce peut être un fleuve, une autoroute, une voie de chemin de fer, une grande ville, une ligne à haute tension… les repères facilement identifiables ne manquent pas. Une fois arrivé sur votre repère, vous pourrez vous recaler s’il s’agit d’une ville ou d’un lac à la forme caractéristique, ou bien suivre l’autoroute, la ligne haute tension ou le fleuve jusqu’à un deuxième repère pour être définitivement localisé.
Il vous est également possible de faire appel aux services de la circulation aérienne. En contactant un aérodrome contrôlé, une base aérienne, un service d’information en vol, les contrôleurs pourront vous localiser avec l’aide du transpondeur. Un coup d’Ident leur permettra de bien visualiser votre « plot » sur l’écran radar. Vous n’avez pas de transpondeur ? Un contact radio pourra permettre au contrôle de vous donner régulièrement des relèvements gonio et vous localiser par rapport à leur position, en vous donnant un QDM vers leur station si besoin.
Bref, avant de déclarer une urgence, effectuer une interruption volontaire du vol dans un champ, vous avec de nombreuses solutions à votre disposition, sachant qu’en règle générale, il y a en France quasiment un aérodrome tous les 40 ou 50 km. Une fois arrivé à bon port, sur votre terrain de destination ou un aerodrome de dégagement, il faudra chercher à comprendre pourquoi vous vous êtes égaré, histoire d’en tirer les causes, afin d’être mieux armé… la prochaine fois ! ♦♦♦
Photos © F. Besse / aeroVFR. com