L’adage dit : « Il n’y a pas de bons pilotes, il n’y a que des vieux pilotes »
Les statistiques sur l’âge des pilotes français ayant une licence de pilote PPL en cours de validité semblent prouver le contraire…
C’est dans la tranche 64 ans qu’il y a le plus de monde. Or l’exploitation de la même statistique indique que :
– Pilotes de plus de 50 ans avec PPL valide : 58 % du total
– Pilotes de plus de 60 ans avec PPL valide : 31 % du total
– Pilotes de plus de 70 ans avec PPL valide : 8 % du total
– Pilotes de plus de 75 ans avec avec PPL valide : 3 % du total
Pour information, il y a actuellement aux Etats-Unis environ 1.600 pilotes de plus de 80 ans avec un PPL valide.
Face à l’âge, quand et comment faut-il s’arrêter ?
Dans notre pays où l’éspérance moyenne de vie est de 83 ans, les pilotes privés cessent visiblement de voler en solo entre 68 et 72 ans. Qu’est ce qui motive cette décision et comment prolonger la pratique d’une passion ?
Un pilote doit tenir compte des effets de son âge mais, par certains côtés, il en tire avantage. Bien sûr l’âge influe sur le pilotage d’une machine mais quand il s’agit d’une machine volante où le pilote est le seul aux commandes, l’analyse de ses effets devient crucial et va nous guider à aller au-delà de la réglementation pour savoir quand et comment il faut s’arrêter de voler.
En France, l’âge moyen des pilotes d’aéro-club est de 55 ans et celui des pilotes d’ULM de 57 ans, c’est-à-dire qu’au moins 10.000 pilotes de machines volantes sont des individus à risque au sens du Coronavirus et que se posera à eux le problême de savoir quand s’arrêter de voler.
L’analyse des effets de l’âge est d’autant plus importante que la réglementation de renouvellement de la visite médicale avion ne peut prendre en compte certains paramêtres difficilement mesurables ou psychologiques et que piloter un ULM comme conduire une voiture n’impose aucune visite médicale.
Les effets de l’âge mesurés dans une visite médicale concernent :
– la vision,
– l’audition,
– la pression artérielle.
Les effets de l’âge non mesurés sont :
– la mémoire,
– la force physique, la souplesse et le contrôle des mouvements,
– le psychisme face au stress sensoriel,
– la fatigue et le sommeil.
L’âge et la vision nécessaire au pilotage
Avec l’âge, l’acuité visuelle diminue. Les test de la vision à courte et moyenne distance sont bien mesurés. Mais l’influence de l’éclairage de la cible et du passage de cet éclairage à la luminosité des instruments entraîne une inaptitude au vol de nuit, surtout à partir de 75 ans.
Par ailleurs l’âge agit sur le champ de vision. De 190° dans la trentaine, il peut se réduire à 140° vers 70 ans. Cela influe sur la détection des avions sur les côtés du cap suivi et sur la précision de l’atterrissage. En effet, la vision latérale permet d’évaluer la hauteur de l’arrondi tout en regardant devant le capot pour maintenir l’avion dans l’axe de piste ou le tableau de bord pour le maintien de la vitesse.
Les pilotes agés compensent en partie cette diminution du champ de vision par des mouvements rapides de la tête vers les côtés de l’axe. L’âge agit enfin sur le contraste des images. Par exemple en cas de mauvais contraste dû à un vol le soleil dans le nez, ou sous les nuages dans un environnement neigeux, un pilote âgé aura du mal à voir la limite de fin de piste.
L’âge et l’audition
Chaque pilote a experimenté, lors d’une visite médicale, son aptitude à marcher droit tout en fermant les yeux. Celle-ci dépend de l’égalité de l’audition d’une oreille par rapport à l’autre. Cela n’a pas une grande importance pour le pilotage, en revanche il faut arriver à discerner le message intéressant dans un brouillamini reçu sur un 123.5 encombré. C’est la perception des fréquences aigues qui permet ce discernement. Celle-ci diminue linéairement en fonction de l’âge (40 % de perte à 60 ans). Un bon casque permet cependant d’en limiter les dégâts.
L’âge et la mémoire
L’âge influe sur la mémoire des événements récents. Ainsi un pilote âgé peut oublier ce que lui a dit, il y a quelques instants, le contrôle au sol. Il ne doit pas hésiter à faire répéter le message. Par ailleurs un pilote âgé a besoin de beaucoup de temps pour se familiariser avec un nouvel équipement (avionique).
L’âge et la vitesse de réaction à une situation imprévue
Une situation inopinée peut nécessiter à la fois une réaction mentale et une réaction physique, lesquelles doivent être aussi rapides que possible. Le pilote vieillissant doit vérifier qu’il reste capable d’ouvrir rapidement, depuis son siège, portes ou verrière de l’avion comme il doit pouvoir sortir manuellement le train d’atterrissage. Une limitation des mouvements du cou pourrait aussi l’empêcher de voir ce qui se passe aux places arrière.
La rapidité de penser dans l’abstrait et de prise de décision diminue avec l’âge. Des vols réguliers avec un instructeur sont nécessaires pour vérifier si la vitesse de réaction du vieux pilote reste dans le raisonnable.
Les avantages de l’âge
Une diminution drastique de l’audace. L’expérience des difficultés (pilotage ou mécaniques) et le souvenir des actions à faire pour les éviter
Quand faut-il s’arrêter ?
Les effets de l’âge apparaissent graduellement. Un pilote âgé peut continuer à voler en toute sécurité s’il est conscient des effets de l’âge et s’il s’auto-analyse fréquemment. Il faut cependant pouvoir déterminer à partir de quel point les inconvénients mineurs de l’âge deviennent dangereux.
Comme pilote aux commandes, le bon sens commande de s’arrêter de voler quand :
– avec une visite médicale valide, vous doutez cependant de vos capacités de pilote,
– vous êtes conscient de ce qui ne va pas et vous doutez qu’un complément d’instruction en vol vous permettrait de faire disparaitre vos défauts,
– les passagers que vous emmenez habituellement lors de vos vols vous demandent maintenant parfois le pourquoi de ce qui se passe.
Lorsqu’arrive le moment où votre médecin vous dit qu’on ne pourra plus désormais renouveler votre visite médicale, tout n’est pas complètement fichu. Vous pouvez essayer de piloter des ULM, vol qui n’exige pas pour l’instant de visite médicale… Vous pouvez aussi voler en copilote.
Comment s’arrêter ?
A force de côtoyer des pilotes qui ont mis fin à leur passion, on peut évaluer comment ils s’y prennent pour arrêter.
– Cas le plus fréquent : commençant à douter de leurs capacités et face à une décision difficile à prendre, ils attendent que le médecin lors de la visite médicale le fasse à leur place.
– Autres cas : un événement au cours d’un vol leur a fait renoncer à continuer par la peur qu’il a généré après le vol. Par exemple : croisement avec un autre aéronef aperçu très tard, atterrissage quelque peu scabreux, fréquentes remarques peu amènes du contrôle au sol, etc.
– Manque de souplesse pour s’installer rapidement au poste de pilotage
Pour mémoire
Jean-Marie Saget, ancien chef-pilote d’essais chez Dassault Aviation, continuait à enseigner en vol la voltige aérienne à plus de 85 ans.
Le plus vieux élève pilote à obtenir sa licence FAA était, en 2010, âgé de 87 ans.
George Neal, un Canadien de Toronto aux plus de 10.000 heures de vol, a effectué son dernier vol a bord de son Chipmunk le 2 juin 2014, à l’âge de presque 97 ans (Guiness) – photo en ouverture de cet article signé d’un pilote… âgé. ♦♦♦ Jean-Philippe Chivot
Photos © issues du net