Ce n’est vraiment pas nouveau mais le contexte devient plus difficile pour l’avenir de l’aviation générale.
L’aviation légère est dans le collimateur ces derniers temps. Ce n’est pas nouveau, il suffit de se plonger dans la presse aéronautique des années 1960 ou 1970 pour savoir que ce n’est pas la première fois. Suite à la période de confinement lié au Covid-19, la reprise de l’activité a ainsi notamment entraîné des réactions parfois violentes de riverains face au niveau sonore entraîné par le survol d’aéronefs à un rythme similaire à celui d’avant le confinement, et ce n’est pas la classification Calipso qui fera évoluer le sujet quand des associations de riverains ne veulent même plus dialoguer…
Il faut cependant noter que depuis des années, le mouvement aéronautique n’a pas suffisamment pris en compte cette facette négative de son activité, avec un niveau sonore bien réel qui n’est plus supporté par une majorité de la population – ceci impose forcément une adaptation du matériel car on ne changera pas la population ! Il est vrai que les lourdeurs administratives ne facilitent pas toujours les choses avec l’impossibilité parfois de pouvoir installer un silencieux sur un avion ancien non certifié avec un tel équipement. Sauf à croire l’EASA qui va vous dire qu’elle fait tout depuis 17 ans pour simplifier, alléger, améliorer le système…
La crise économique en cours, en partie liée à la pandémie du Covid-19 mais dont la totalité des effets restent encore à venir ces prochains mois, ne facilitera pas la gestion du dossier de l’aviation générale avec entre autres un impact sur l’activité des clubs, le nombre d’heures de vol, ce qui pourrait avoir un effet négatif craint par certains sur la sécurité des vols avec moins d’entraînement de la part des pilotes donc un moins bon maintien des compétences.
L’évolution de la « fiscalité sur les carburants de l’aviation de loisirs », une des mesures prévues par la Convention citoyenne sur le réchauffement climatique, rajoutera un paramètre de plus à l’équation déjà difficile à résoudre. La teneur, certes faible mais réelle, en plomb contenu dans la 100LL n’est pas un argument en faveur de l’aviation dite de loisirs alors qu’il s’agit plutôt dans les faits de l’aviation générale, comprenant les loisirs mais aussi le travail aérien et la formation professionnelle qui utilisent le même type d’aéronefs et donc de motorisations – sauf à croire que la fiscalité pourrait être différente selon l’usage de l’aéronef.
Les crises à venir et ce pour la première fois dans l’histoire de l’humanité sont simultanées dans divers domaines (économique, environnemental, énergétique, etc.) avec une évolution sociétale face aux menaces qui a souvent été plus rapide que la prise en compte par le pouvoir politique (réchauffement climatique, mise à l’écart des énergies non renouvelables, décarbonation des activités, diminution des ressources, etc.). Chaque jour rapproche la planète d’un « mur » dont tout le monde doit avoir saisi la réalité, avec une transition nécessaire durant ce 21e siècle et sans doute avant même 2050…
Comme toute activité, l’aviation légère se doit de participer à l’effort… à la hauteur de sa contribution mais son faible poids fait qu’elle risque de faire partie des activités les plus rapidement impactées par des mesures prises selon un calendrier politique ayant en tête une prochaine échéance électorale présidentielle. Histoire pour le gouvernement de dire qu’il a réagi et pris des mesures, même si c’est souvent « tout changer pour ne rien changer »… Les résultats des mesures prises ces prochains mois ne seront de toutes façons imputables qu’aux gouvernements suivants car le calendrier politique n’a pas le même rythme que celui de la planète et seul compte le court-termisme.
Affirmer que l’aviation générale ne doit pas participer à l’effort (le niveau de ce dernier reste sujet à débattre…) reviendrait à placer cette activité au-dessus des autres activités impactées, ce qui s’avérerait totalement contre-productif pour l’objectif recherché.
Certaines mentalités doivent ainsi évoluer. Ainsi, croire que parce qu’un terrain est implanté ici ou là depuis des décennies demeure l’argument infaillible justifiant un statu quo n’est pas tenable face à une augmentation de l’urbanisation et donc du nombre de riverains autour d’aérodromes proches de grandes agglomérations, le tout face à un pouvoir politique qui sait très bien évaluer les forces en présence en fonction des suffrages potentiels à tirer lors des prochaines élections – en notant au passage que l’aviation légère ne représente pas grand-chose dans la balance, en matière d’activité économique (écoles professionnelles, aéro-clubs, ateliers de maintenance…) et encore moins en poids électoral.
Nous sommes en effet dans un domaine non plus technique mais politique, où la représentation mentale d’un paramètre dans l’opinion publique l’emporte plus que la valeur réelle de ce paramètre. Ainsi, sur les 150 mesures listées par la Convention citoyenne sur le climat, certaines ont déjà été « mises à l’écart » face à la pression de puissants lobbies s’appuyant sur le ministère de l’Économie pour infléchir le projet réglementaire à leur encontre.
Si l’on lit la presse, 80% des propositions de la Convention « doivent encore trouver une traduction », comprendre qu’elles font l’objet de réticences de la part de certains ministres et donc que les arbitrages ne sont pas encore rendus. La diminution de la TVA sur les billets de train, qui favoriserait ce moyen de transport, ne semble plus à l’étude… Le plan vélo sera bien poursuivi, surtout après son annonce à la presse il y a quelques mois à Angers, après un déplacement de trois ministres en Falcon depuis Villacoublay…
Par contre, six amendements au projet de loi de finances 2021 ont déjà été annoncés ces derniers jours, dont l’un s’attaquera à la «fiscalité sur les carburants pour l’aviation de loisir», avec la volonté d’une mise à niveau des taxes, et les probabilités que ce dernier amendement aille jusqu’au bout sont assurément très élevées ! Un projet de loi sera prochainement présenté en conseil des ministres pour une adoption définitive prévue à la fin du premier semestre 2021. Assurément, le contexte va s’avérer plus difficile à l’avenir pour l’aviation légère… ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com