Un site destiné à faciliter la logistique des pilotes privés une fois parvenus à destination…
L’idée est louable et ce site mérite donc d’être présenté ici puisqu’il s’agit de faciliter la vie des pilotes d’avions légers voyageant en France. Il est bien connu que l’avion léger est un excellent moyen de transport pour gens… pas pressés car il ne permet d’aller vite que d’un aérodrome à un autre. Et une fois arrivé à destination, beaucoup de temps et d’énergie sont souvent dépensés pour effectuer les derniers kilomètres menant l’équipage à la ville la plus proche, sauf à bénéficier d’une logistique assurée par des proches ou amis.
Les aéro-clubs implantés sur les aérodromes ont une activité centrée sur leurs membres et non pas sur l’éventuel pilote de passage, même si ce dernier parvient parfois à bénéficier d’un transport par un pilote local. D’où le site ForFlyAway, créé par Hélène Guilbert, épouse d’un pilote privé. Le site vise à mettre en relation les pilotes voyageant en France avec des prestataires gérant des lieux d’accueil et/ou de loisirs (hôtels, gîtes, sites touristiques) autour de l’aérodrome concerné, avec de plus une offre en taxi et VTC pour assurer la mobilité au cas où les structures d’accueil ne pourraient pas venir chercher l’équipage à l’aérodrome. Une application mobile est annoncée…
Sont ou seront proposés aux pilotes des hébergements, des escapades gourmandes, des activités de loisirs, des lieux touristiques avec accueil à l’aérodrome ou accessibles à pied après l’atterrissage et à moins de 2 km de l’aérodrome (carte ci-dessous), des logements sans transferts… Les offres se complètent au fil du temps avec un site lancé il y a quelques mois seulement et certaines rubriques (Tourisme en région, Logements sans transferts) sont encore en cours de réalisation.
Pour les pilotes privés, l’inscription et l’accès au site sont gratuits, le « modèle économique » étant basé sur les annonces payées par les prestataires (hôtels, restaurants, sites de loisirs, taxis et VTC) pour apparaître sur le site et ainsi attirer l’attention des pilotes.
Tout ceci ayant été dit et salué, on peut mentionner quelques bémols, ce qui fera la différence entre la communication et l’information ! Le chiffre de 60.000 pilotes en France, indiqué sur le site, n’est pas faux, puisqu’il suffit d’ajouter les pilotes d’avion, d’ULM et d’hélicoptères pour atteindre un tel résultat mais tout est à relativiser. En ne prenant que les 40.000 et quelques pilotes volant dans les aéro-clubs FFA soit 65% du total pris en compte, près d’un quart (8 à 10.000) sont des élèves se limitant aux navigations en double ou en solo avec retour à la base.
Ces élèves assurent près de 45% des heures de vol de bon nombre d’aéro-clubs, les 55% restant étant assurés par les pilotes brevetés. Si l’on prend le « pilote moyen » d’aéro-club d’après les statistiques fédérales, il n’effectue pas plus de 15 heures de vol annuelles, plutôt 14h00 environ, soit moins de 1h15 par mois. Si l’on retire la coupure hivernale, les grandes vacances, les journées QGO et que l’on recentre l’activité aéronautique sur 6 ou 8 mois, cela fait environ 2 heures de vol par mois, ce qui ne permet pas d’avoir un rayon d’action allant au-delà de 200 km du terrain d’attache. Il faut également rappeler le « turn-over » de la population des pilotes d’aéro-clubs qui approche les 20/25% chaque année…
On le voit, même si le tourisme aérien fait partie de l’argumentaire de promotion du pilotage – un mythe qui a déjà connu ses limites par le passé – la réalité est souvent différente avec la nécessité de pouvoir regrouper au même moment la disponibilité du pilote et de l’équipage, celle de l’avion, le budget associé sans parler des conditions météorologiques même si l’on peut parfois décider au dernier moment de la région visée selon la météo… Dans les faits, il faut pouvoir/vouloir enregistrer de 20 à 25 heures minimum pour commencer à enregistrer quelques voyages au cours d’une saison.
Ainsi, contrairement aux pilotes anglais, allemands et suisses, le pilote français s’avère moins voyageur. Ce n’est qu’une estimation mais sur les 40.000 pilotes fédéraux, les « voyageurs » ne doivent pas dépasser le 4.000 (10%) et il faudrait encore distinguer les pilotes faisant une poignée de voyages dans l’année et ceux, encore plus rares, sillonnant régulièrement l’Hexagone – ne parlons pas du passage de frontières… Ainsi, l’application (en langue anglaise) devrait aussi intéresser les pilotes européens attirés par la France puisque l’Europe compterait 200.000 pilotes dont certains n’hésitent pas à traverser la Manche ou venir d’outre-Rhin pour déguster des fruits de mer sur la côte atlantique…
L’autre bémol reste la catégorie socio-professionnelle intrinsèquement associée aux pilotes privés que certains (immobilier, voitures de luxes, hôtellerie…) voudraient voir inévitablement à fort pouvoir d’achat mais comme on l’a vu, sur la base de 40.000 pilotes fédéraux, il y a déjà là un biais au vu du nombre d’heures de vol effectuées chaque année en moyenne, même s’il faudrait prendre en compte les propriétaires d’aéronefs pour avoir une vision d’ensemble.
D’où le décalage possible entre les lieux d’hébergement proposés, plutôt haut de gamme, sans compter la rubrique un brin « kitsch » intitulée Immoaéro qui vise les pilotes ayant « envie d’acquérir un bien immobilier facile à rejoindre par les airs », biens « accessibles à pied s’ils sont situés à moins de 3 km d’une piste d’atterrissage ou accessibles par transports en commun depuis l’aérodrome le plus proche »… ♦♦♦
Photos © F. Besse / aeroVFR.com