Pierre Robin nous a quittés ce 5 août 2020. Son nom sera à jamais associé à une série d’avions qui auront traversé les décennies depuis la création fin 1957 de la société Centre Est Aéronautique (CEA) qui allait devenir par la suite les Avions Robin.
Pierre Robin, passionné d’aviation et destiné à devenir pilote de ligne, a commencé sa carrière aéronautique comme instructeur au sein de l’aéro-club de la Côte d’Or alors implanté sur la base aérienne de Dijon-Longvic. Las des multiples contraintes imposées aux pilotes civils, c’est lui qui lors de vols d’instruction découvrira au nord de Dijon un secteur propice à la création d’un nouvel aérodrome pour l’aviation légère, qui deviendra Dijon-Darois.
Pratiquant la construction amateur, connaissant Jean Delemontez, le concepteur des fameux Jodel dont le biplace D-112, c’est en récupérant le projet d’un triplace imaginé par Jean Delemontez que Pierre Robin va, sans le savoir, orienter sa carrière. Son Jodel-Robin immatriculé F-PIER attire fortement l’attention par la qualité de sa réalisation et quelques amis, anciens élèves, le poussent à se lancer dans la construction d’autres appareils, lui passant commande. C’est ainsi, aidé de sa femme Thérèse, que Pierre Robin va devenir par la force des choses « constructeur », la conception des avions revenant à Jean Delemontez, ci-dessous, béret sur la tête, en compagnie du couple Robin.
Du hangar-tonneau des débuts – toujours opérationnel de nos jours avec l’atelier de menuiserie d’où sortent les cellules actuelles de DR – la société va s’étoffer au fil des années. Nous sommes dans les Trente Glorieuse, l’aviation générale est « portée » par l’Etat, aidant au développement de nouveaux appareils avec notamment la mise à disposition de moyens techniques pour la certification d’avions légers. C’est l’époque où les constructeurs français sont encore nombreux, avec notamment Wassmer, Fournier, Mudry sans oublier Morane-Saulnier repris par la Socata et Reims-Cessna produisant sous licence des Cessna.
Les Avions Robin seront à la pointe de ce mouvement avec le développement continu d’appareils imaginés par Pierre Robin, depuis les triplaces comme les Sicile et Ambassadeur avant de passer à des quadriplaces, à train classique au départ puis évoluant en train tricycle pour répondre aux attentes des aéro-clubs. Pierre Robin, ancien instructeur, connaît bien son marché, principalement celui des clubs nationaux, avec comme credo pour vendre un avion, une silhouette et un cockpit…
Il sait aussi mettre en avant ses avions, avec par exemple la participation au Rallye de Sicile que le couple Robin remportera plusieurs années, une course à handicap où le monomoteur à train fixe et pas fixe arrive en tête face à des appareils à train rentrant et pas variable – il est vrai que le vol se fait au ras des flots, la manette des gaz poussée en avant après avoir questionné le motoriste Potez. Mais aussi en invitant Jacqueline Auriol pour lancer le DR-253 Régent, premier tricycle de la gamme, sans doute une concession de la part de Jean Delemontez !
À partir d’une gamme en bois et toile, entamée avec les Sicile/Ambassadeur pour s’achever au DR-400 – véritable succès de la gamme toujours plébiscité de nos jours – en passant par les DR-253, DR-221, DR-250 et autres DR-300, le tout sous la supervision technique de Jean Delemontez, Pierre Robin cherchera à répondre à la concurrence métallique des avions américains en développant, avec Chris Heintz, une gamme en métal, du quadriplace HR-100 au biplace HR-200 en passant par d’autres modèles développés par la suite sous la direction de Michel Brandt puis Daniel Müller, dont le très élégant R-3000.
La société connaîtra des hauts et des bas, liés notamment aux « chocs pétroliers » qui lamineront la production de tous les constructeurs. L’évolution des technologies poussera par la suite Pierre Robin à s’intéresser aux matériaux composites, utilisés pour un biplace économique, l’ATL, tandis que la version quadriplace (X4 avec sa perche anémométrique ci-dessous) de ce dernier, destinée à remplacer le DR-400 et ses multiples modèles selon la puissance installée, n’ira pas au-delà du prototype aux performances pourtant encourageantes.
Entre-temps, un groupe industriel a en effet décidé en 1988 d’acheter les principaux constructeurs aéronautiques français (Reims-Cessna, Avions Mudry, Avions Robin) mais les projets déjà lancés par Pierre Robin – il était le véritable « cerveau » du bureau d’études dijonnais bien que n’étant pas ingénieur – n’intéresseront pas la nouvelle direction. Le couple Robin quittera la société. L’orientation engagée par les repreneurs mènera finalement au dépôt de bilan d’Apex International, nouvelle désignation effaçant dans les esprits plus de trois décennies de construction d’avions légers à la notoriété pourtant bien reconnue à travers toute l’Europe.
Sous la direction du couple Robin, c’est 3.000 et quelques monomoteurs qui auront été produits à Darois dont plus de 2.000 DR, Pierre Robin étant à la définition des modèles et à l’analyse des attentes du marché, Thérèse Robin à la gestion de l’entreprise. Une aventure humaine et industrielle qui restera unique. Une page est définitivement tournée… ♦♦♦
Photos © F. Besse / aeroVFR.com et collection Robin
Ndlr : les obsèques de Pierre Robin (1927-2020) auront lieu ce vendredi 7 août (14h00) à l’église Notre-Dame de Talant (21240).