Plongée dans le milieu vélivole des années 1950-1960 à La Ferté-Alais.
Une jeune élève du lycée Hélène Boucher se prend de passion pour le vol, son « rêve d’Icare ». Pour passer du rêve à la réalité, il lui faudra cependant attendre l’âge de la majorité (21 ans à l’époque…) et pouvoir enfin s’inscrire à l’aéro-club universitaire et scolaire qui permet de découvrir le vol à voile à partir du « terrain » de La Ferté-Alais, la Mecque des vols de longue distance à l’époque.
Sa découverte de cette « planète » particulière va se faire un dimanche après une arrivée à bicyclette sur l’aérodrome implanté sur un plateau surplombant l’Essonne. La journée est particulière car un Nord 1300 vient « d’atterrir » dans les arbres, planeur resté perché dans les branches, situation assurément cocasse qui entraînera une interdiction de vol du pilote par le chef de centre, Paul Lepanse.
Ce sera alors l’apprentissage du pilotage d’un planeur – à l’époque, le biplace standard est le Caudron C-800, grosse barque biplace en côte à côte décalé – après un réveil matinal pour bénéficier de la camionnette du club qui ramasse à Paris tous les candidats à la journée de vol n’ayant pas de moyen de locomotion. C’est ainsi la découverte du « jargon » vélivole, de la conduite de la B2, la voiture de piste dont il ne reste plus que le volant et les quatre roues.
C’est à La Ferté-Alais que Michelle Mousset va rencontrer Georges Payre, vélivole mais aussi ingénieur, en charge du laboratoire d’aérodynamique à l’École des Arts et Métiers. Ce dernier va concevoir un planeur biplace, l’AM-56 « Louis Mouillard », comme objet de travaux pratiques avec ses étudiants. Quinze jours après le premier vol, lors d’une collision à la verticale du terrain entre deux avions, Georges Payre trouva la mort à 35 ans. Le planeur fut détruit en vol lors de la poursuite des essais en vol suite à un phénomène de flottement aéroélastique (flutter).
En courts chapitres finement ciselés, avec anecdotes, récits de vols, portraits de personnages hauts en couleurs, l’auteure entraîne le lecteur dans un monde vélivole aujourd’hui révolu, « cocasse, joyeux, libre », plein d’enthousiasme, un certaine retour de l’esprit de l’aviation populaire avec la relance de l’aviation sportive au sortir de la guerre. Un vol à voile où l’on pratiquait encore les gains d’altitude en pilotage sans visibilité, dans le nuage, à la bille-aiguille alimentée par une batterie…
Mais un sport économique avec des vols sur la campagne à bord de machines pas très performantes, entraînant d’inévitables atterrissages aux vaches, bénéficiant de l’accueil généreux dans les fermes et suscitant des dépannages épiques parfois. C’était les années 1950-1960 racontées avec brio par l’ancienne professeur de français passionnée de vol, qui est devenu sa raison de vivre. Le tout agrémenté de quelques photos en noir et blanc, et des dessins signés Georges Beuville, alors président du Centre inter-club du terrain.
C’est au final un témoignage historique, celui d’une histoire d’autrefois, « au temps où les planeurs étaient encore en bois et toile et qu’ils nous comblaient parce que voler, c’était pour nous tout le bonheur du monde ». Un petit bijou ! ♦♦♦
– Rêve d’Icare à La Ferté-Alais, par Michelle Mousset-Payre. Bleu Ciel Diffusion. 135 p. 18,00 €