Un extrait du Rapport d’activité du BEA portant sur l’assistance du contrôle aux pilotes VFR en difficulté.
Dans son Rapport d’activité 2019, le BEA, en annexes, fait un « focus » sur certains thèmes dont l’un est l’assistance du contrôle aérien aux pilotes VFR en difficulté. En voici la teneur :
« Le 18 avril 2019, le pilote du TB-20 immatriculé F-GDNF décolle sous plan de vol VFR de Fort-de- France à destination de Pointe-à-Pitre, dans le cadre de son activité professionnelle. Au niveau de la Dominique, alors qu’il évolue à une altitude de 4.500 ft et qu’il est en contact avec l’organisme de contrôle de Guadeloupe, le pilote rencontre des conditions météorologiques adverses, caractérisées par des nuages convectifs dont la base est proche de 600 m et des averses sous lesquelles le plafond peut être abaissé à 400 m.
Tandis qu’il a infléchi sa trajectoire vers l’intérieur de la Dominique, où le relief culmine à 1.447 m, le pilote demande à descendre vers 3 .500 ft puis plus bas en raison de la nébulosité. Le contrôleur l’autorise et lui demande de rappeler s’il a besoin de contacter l’organisme de contrôle de l’aérodrome de Douglas en Dominique. Le contact radio et radar est perdu six minutes plus tard. L’avion est entré en collision avec le relief à une altitude d’environ 900 m. L’enquête a été déléguée au BEA par la Dominique. Elle est en cours à la date de rédaction de ce document.
Les pertes des références visuelles extérieures lors de vols VFR sont à l’origine de nombreux accidents que le BEA a régulièrement traités sous l’angle des motivations ou des pressions qui peuvent amener un pilote à débuter ou à poursuivre un vol malgré les indices d’une situation dangereuse. À nouveau, en 2019, le BEA a publié des rapports qui rappellent l’influence du facteur communément appelé « Objectif : destination ». On peut citer les cas des accidents mortels du Beechcraft 95B55 immatriculé N155PR survenu le 17 février 2018 et de l’Aquila AT01 immatriculé D-ERLM survenu le 8 mai 2018. Ces rapports rappellent encore la nécessité de sensibiliser les pilotes et de les maintenir sensibilisés.
En parallèle, à l’image de l’accident de la Dominique, le BEA a répertorié plusieurs cas au cours desquels les pilotes étaient en contact avec un organisme de contrôle. Les rapports sur deux de ces accidents ont été publiés en 2019. En complément du facteur « Objectif : destination », le BEA y aborde les relations entre les pilotes VFR soumis à des conditions météorologiques adverses et les contrôleurs aériens avec qui ils sont en contact.
Enseignements de l’enquête sur l’accident du Piper PA28 immatriculé F-HEHM survenu le 1er juillet 2015 à Treille (11).
Le rapport pointe également le fait que deux autres pilotes VFR avaient réalisé des demi-tours peu avant l’accident dans la même région et en raisons de conditions adverses sur le même trajet. Ces informations, transmises au contrôleur en fonction, n’ont pas été transmises lors de la relève des contrôleurs et n’ont pas été transmises au pilote du F-HEHM. L’enquête conclut que le contrôleur est probablement resté dans un schéma de fourniture d’information à la demande des pilotes. Ceci peut s’expliquer par l’absence d’appropriation par le service du contrôle de l’évolution réglementaire précisant que la fourniture des informations nécessaires à la sécurité du vol VFR n’est plus assujettie à la demande du pilote.
Quatre recommandations de sécurité ont donc été émises dans le cadre de cette enquête. Deux ont été adressées à la DSNA. Elles concernent :
– La prise en compte et la retransmission effectives par les centres de contrôle aux autres aéronefs concernés ainsi qu’aux autres organismes de la circulation aérienne concernés des observations exceptionnelles des pilotes reçues et en particulier de la part de pilotes VFR qui rencontrent des conditions météorologiques qui rendent impossible la poursuite de leur vol sur la route prévue.
– La transmission, lors des relèves de contrôleurs, des informations relatives à des conditions météorologiques susceptibles d’affecter la poursuite d’un vol VFR, notamment celles émanant des reports d’autres pilotes.
Les deux autres recommandations ont été adressées à la DGAC et concernent :
– La vérification de la transmission effective, par les organismes de contrôle du service d’information de vol, d’informations météorologiques lorsqu’elles rendent impossible la poursuite du vol en VFR ;
– La sensibilisation des pilotes d’aviation générale pour encourager l’émission de comptes rendus en vol exceptionnels lorsque les conditions météorologiques rendent impossible la poursuite du vol sur leur route selon les règles de vol à vue.
Enseignements de l’enquête sur l’accident de l’Extra 300-200 immatriculé F-GPIT survenu le 25 février 2016 à Saint-Héand (42).
Le rapport explique que lorsque le pilote du F-GPIT a perdu de vue, en raison des nébulosités, l’avion avec lequel il évoluait en formation à l’occasion d’un convoyage, il s’est retrouvé isolé sans aucun moyen de naviguer dans son avion sommairement équipé. Dans cette situation critique, le pilote n’était plus en mesure de maîtriser seul son vol sans assistance extérieure. Selon l’enquête, la prise de conscience de la situation d’urgence par le contrôle aérien est intervenue tardivement, alors que le pilote du F-GPIT évoluait depuis une trentaine de minutes en conditions défavorables au vol à vue ou incompatibles avec celui-ci.
Ont notamment pu contribuer à la prise de conscience tardive du contrôle aérien de la situation du F-GPIT :
– l’absence de déclaration d’urgence de la part du pilote,
– les messages évasifs du pilote sur la description des conditions météorologiques rencontrées en vol,
– l’absence, dans la formation ‘VFR égaré ou en difficulté cause météo’, d’un volet consacré à la détection de VFR en difficulté météorologique,
– le crédit trop important accordé à la voix comme critère de détection d’une situation d’urgence par rapport aux autres critères.
Dans le cadre de cette enquête, le BEA a recherché parmi les enquêtes conduites entre 2010 et 2017, des événements comparables, à savoir des cas de pilotes VFR exposés à une dégradation des conditions météorologiques alors qu’ils sont en contact avec un organisme de contrôle aérien. 25 événements de ce type ont été répertoriés, dont 21 mortels. Leur étude fait apparaître les éléments suivants :
– dans 23 cas, les pilotes n’ont pas formalisé de demande d’assistance.
– dans 15 cas, le contrôleur en contact avec le pilote n’a pas détecté la situation d’urgence. Cela peut s’expliquer notamment par le peu de temps disponible pour pouvoir détecter la situation marginale, certains accidents survenant rapidement après les premiers échanges sur la fréquence, ou le peu d’échanges sur la fréquence entre le pilote et le contrôleur.
– dans 19 cas, des indices à la disposition des contrôleurs pouvaient indiquer que le vol ne se déroulait pas de façon nominale (trajectoires erratiques, demandes d’informations météorologiques parfois répétées, messages ambigus ou explicites de la part des pilotes quant à la situation dégradée à laquelle ils faisaient face).
Deux recommandations de sécurité ont été émises à l’issue de cette enquête :
– La première a été adressée à la DSAC et concerne la réalisation d’une action de sensibilisation auprès des pilotes d’aviation générale sur l’importance de se déclarer sans délai en situation d’urgence auprès du contrôle aérien en cas d’évolution dans des conditions marginales, dans un contexte de culture juste.
– La seconde recommandation a été adressée à la DSNA et concerne la mise au programme de la formation aux situations inusuelles des contrôleurs, des aspects permettant la détection des situations où des pilotes VFR pourraient avoir besoin d’une assistance. Le texte de la recommandation suggérait que ces formations s’appuient notamment sur l’étude de cas réels d’incident ou d’accident ».
Pour compléter cet extrait du Rapport d’activité 2019 du BEA, le portail CNFAS/DSAC sur la sécurité a mis en ligne une vidéo sur cette thématique, en s’appuyant sur l’accident de l’Extra F-GPIT. ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com