De Havilland Vampire et SNCASE Mistral utilisés en France…
A la Libération, l’armée de l’Air part de zéro, avec une flotte constituée de chasseurs à hélice de type Mustang ou Thunderbolt déjà dépassés… L’État relance l’industrie par une politique tous azimuths de multiples prototypes dont certains ne feront qu’un vol avant d’être ferraillés. Les différentes sociétés nationales de constructions aéronautiques se font concurrence sans méthode et les Avions Marcel Dassault vont tirer leur épingle du jeu en développant rapidement et successivement une série de chasseurs améliorés d’un modèle sur l’autre, de l’Ouragan au Mirage III en passant par la gamme des différents Mystère.
Mais cette production nécessitera du temps avant d’arriver à maturité. En attendant, l’armée de l’Air doit se rabattre sur les modèles déjà opérationnels, achetables sur « étagère ». Ce sera donc le De Havilland DH-100 Vampire britannique avant de passer à sa version française sous licence dénommée Mistral. C’est avec ces avions à la silhouette reconnaissable à leur architecture bipoutre que les pilotes de chasse français vont découvrir la propulsion par réacteur et de nouvelles procédures de combat.
C’est à cette page d’histoire aéronautique française que les trois auteurs se sont attaqués pour proposer deux tomes sur les Vampire/Mistral français dont le premier est sorti fin février 2020. Deux d’entre eux avaient déjà « travaillé » le sujet avec un premier document sorti il y a quarante ans via Le Trait d’Union. Tout a été complété, enrichi d’une iconographie volumineuse (850 images), en partie en couleurs, et d’une liste de production (574 avions passés en revue…) sans oublier des chapitres gonflés par le traitement d’informations recueillies auprès de 150 correspondants, pilotes, historiens, mécaniciens…
La chronologie de l’ouvrage reste très classique avec la genèse du Vampire issu du prototype Spider Crab dont le premier vol remonte à septembre 1943. De nombreuses armées de l’Air s’en équiperont et les versions de série livrées à la France seront les Vampire I et V. Les premiers appareils sont livrés clés en main, avec entraînement de pilotes français outre-Manche, puis les suivants seront produits sous licence au sein de la Société nationale des constructions aéronautiques du Sud-Est (SNCASE), avec au départ des éléments produits en Grande-Bretagne avant de passer à du 100% français.
La motorisation va évoluer par la suite du Goblin au Rolls-Royce Nene, produit sous licence par Hispano-Suiza et offrant plus de poussée. Mais la SNCASE en profite pour proposer diverses évolutions, allant d’équipements nationaux à l’arrivée d’un siège éjectable SNCASO. Ce sera ainsi en 1951 le début de production du SE-532/535 Mistral dont le siège éjectable donnera l’occasion à Jean Boulet de le tester en conditions réelles en janvier 1953 après une vrille à plat, un phénomène propre à l’appareil et qui a déjà entraîné quelques accidents.
L’ère de la réaction impose de nouvelles stratégies avec des chasseurs tributaires de contrôleurs au sol, faute d’un radar, surtout avec une autonomie qui ne dépasse pas les 30 mn de vol sans réservoir supplémentaire pour le Vampire I. Ces modèles seront vite déclassés quelques années après leur entrée en service mais ils auront joué leur rôle d’appareil de transition. Si des chapitres évoquent des records décrochés par les Vampire/Mistral aux mains de pilotes comme Jacqueline Auriol et Elizabeth Boselli, ou encore des défilés aériens, des meetings, des courses et des patrouilles militaires, l’ouvrage aborde ensuite l’utilisation opérationnelle avec un descriptif technique complet.
La troisième partie de l’ouvrage, la plus volumineuse, aborde l’utilisation des Vampire et Mistral dans les unités de l’armée de l’Air, via le passage obligé par le Centre de transformation sur avion à réaction (CTAR) implanté à Mont-de-Marsan. Les stages s’y suivront pour prendre en main l’appareil et noter les particularités du nouveau moyen de propulsion, notamment moins réactif à la remise des gaz. La vie opérationnelle des 1ère, 2e, 3e, 4e et 5e Escadres de Chasse est ensuite déroulée avec de nombreuses photos, une centaine de témoignages, 25 profils en couleurs, des extraits de journaux de marche, plans et dessins…
En annexes, sont évoqués un déviateur de jet conçu par la Snecma, un silencieux de vol Bertin, un train à skis resté sans suite. Est même abordé le système Turboclair conçu par la société Bertin pour améliorer les conditions de visibilité en approche sur certains aéroports. Autres temps, autres moeurs… il s’agit de plusieurs Mistral, à poste fixe en amont du seuil de piste, dont l’air chaud des réacteurs est censé dissiper le brouillard au prix de milliers de litres de carburant consommés. Le système sera évalué à Brétigny et mis en service à Orly et CDG, créant des turbulences pour les avions de ligne en courte finale et reportant le brouillard sur les communes voisines ! Après une décennie d’opérations, le Turboclair sera renvoyé dans les tiroirs des inventions grâce à l’amélioration des systèmes d’atterrissage tous temps.
Pour le reste, comme pour tous les Profils Avions des éditions Lela Presse, le lecteur en a pour son argent, avec 384 pages denses, uniquement pour ce premier tome. Le second en préparation abordera d’autres escadres de chasse de l’armée de l’Air équipées du type mais aussi les écoles, le Centre d’essais en vol, les Vampire au registre civil français, le Vampire dans les musées, la décoration et les marquages, le maquettisme… ♦♦♦
– Vampire et Mistral français, par Sébastien Guillemin, Claude Petit et Patrick Vinot-Préfontaine. Ed. Lela Presse. Profils Avions n°34, 384 p. 59,00 €