Vers la disparition de la 100LL programmée pour fin 2020…
Pour qui suit l’actualité de l’aviation générale depuis – au moins – dix ans, si ce n’est plus, la fin de la 100LL (Avgas) n’est pas un sujet nouveau mais il revient à la surface ces derniers temps, notamment soulevé par l’IAOPA-Europe, car l’Union européenne a programmé la fin de production de ce type de carburant pour la… fin 2020, avec une période ensuite de 18 mois pour écouler les stocks accumulés entre temps, soit la mi-2022.
La directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 13 octobre 1998 concerne en effet « la qualité de l’essence et des carburants diesel ». Ce texte notait que « la pollution atmosphérique par le plomb provenant de la combustion d’essence plombée constitue un risque pour la santé humaine et pour l’environnement, que le fait que pratiquement tous les véhicules routiers propulsés à l’essence seront capables de rouler à l’essence sans plomb d’ici à l’an 2000 représente un progrès important et qu’il y a donc lieu de restreindre vigoureusement la commercialisation de l’essence plombée ».
Ainsi, au plus tas le 1er janvier 2000, les Etats membres devaient interdire la commercialisation de l’essence plombée. Par dérogation, un État membre pouvait être autorisé, après en avoir introduit la demande auprès de la Commission, à continuer à « autoriser la commercialisation de l’essence plombée jusqu’au 1er janvier 2005 au plus tard, s’il peut prouver que l’introduction d’une interdiction entraînerait de graves problèmes socio-économiques ou n’aurait pas de retombées générales bénéfiques pour l’environnement ou la santé compte tenu, entre autres, de la situation climatique dans cet État membre ». Par ailleurs, la teneur en plomb de l’essence plombée ne devait pas excéder 0,15 gr/l (taux bien inférieur à celui de la 100LL).
Le problème est le plomb… La désignation 100LL indique LL pour Low Lead, soit une faible teneur en tétraéthyle de plomb (TEL en acronyme anglo-saxon pour Tetra Ethyle Lead), un additif ajouté au carburant pour améliorer l’indice d’octane et donc retarder le phénomène de détonation tout en améliorant les sièges de soupapes. Ce processus d’addition du TEL remonte aux années 1930 quand plusieurs produits auraient été disponibles, dont des moins nocifs, mais le lobbying des producteurs de plomb l’a malheureusement emporté aux Etats-Unis et donc le produit s’est imposé au reste du monde par la suite…
Le TEL a ainsi été rajouté aux carburants Aviation qui comptaient il y a plusieurs décennies plusieurs types selon le degré d’octane avec les 80/87 (0,14 gramme par litre), 91/96 (0,32 gr/l), 100LL (0,55 gr/l), 110/130 (0,85 gr/l) et 115/145 (1,18 gr/l). Le premier indice d’octane correspond à un mélange pauvre, le second à un indice d’octane en mélange riche, dit indice de performance (cf. Note en fin d’article). Avec la disparition des puissants moteurs à pistons des derniers « propliners » remplacés par les réacteurs des nouveaux « jets », les 100/130 (couleur verte) et 115/145 (violette) ont disparu en premier, suivies par la suite des 80/87 (rouge) et 91/96 (incolore) au marché devenu trop restreint pour être économiquement viable. N’est donc restée que la 100LL (bleue).
C’est d’ailleurs aux Etats-Unis que l’avenir de la 100LL a été notamment condamné à terme, avec l’Agence de protection de l’Environnement (EPA) ayant imposé il y a dix ans aux pétroliers de trouver un carburant de substitution dans la décennie à venir, afin d’éviter la dispersion du plomb dans l’atmosphère du fait de sa nocivité. L’équation reste cependant difficile à résoudre car si l’aviation générale demeure le principal consommateur de ce type de carburant, le renouvellement de la flotte mondiale reste très faible, le parc ancien très important avec l’impossibilité technique et économique d’effectuer une transition en modifiant les moteurs « anciens ».
La FAA avait alors élaboré un plan en collaboration avec les acteurs (industriels, motoristes, pétroliers) et lié à un financement de 60 millions de dollars pour remplacer l’Avgas 100LL par un carburant sans plomb avec comme date cible, l’année 2023.
Les principaux motoristes concernés indiquent que leurs « nouveaux » moteurs peuvent se passer du plomb. C’est le cas de Lycoming assurant que ces « nouveaux » moteurs ne sont pas concernés. Il faut vérifier sur son site si votre moteur fait partie de la liste des heureux élus – si vous trouvez l’information, nous contacter ! Pour Continental, l’IAOPA-Europe annonce que c’est moins clair et qu’il faut se renseigner de plus près… Continental, en 2008, avait en effet précisé que la 100LL était indispensable dans ses moteurs comme lubrifiant et protection des guides et sièges de soupapes d’échappement.
Les utilisateurs les plus impactés devraient être ceux utilisant des motorisations à fort taux de compression, dont les groupes moto-propulseurs équipés d’un turbocompresseur car le plomb intervient alors grandement pour limiter la détonation. Les moteurs généralement utilisés pour les avions à pistons ont des taux de compression compris entre 7 et 8,5. Plus le taux de compression est élevé et meilleur est le rendement énergétique, mais avec des températures internes accrues.
On peut faire la distinction entre les moteurs peu sollicités et ceux fortement sollicités de ce point de vue. Une règle empirique peut être utilisée en divisant la puissance en chevaux par la cylindrée en cubic inch. Si le résultat est 0,5, le moteur est peu sollicité. Exemple pour un 0-320 de 160 ch : 160/320 = 0,5. Par contre, si le résultat est proche de 6, le moteur est nettement plus sollicité. Exemple : 210/360 = 0,58.
Les premiers peuvent tourner à fort régime en continu, comme l’ont précisé par le passé Pierre Robin et Jean Delemontez, avec des manuels de vol de certains Robin affichant 2.700 tr/mn de régime maximum… continu. Pour les seconds, surtout avec un turbocompresseur, la conduite moteur doit être nettement plus surveillée et gérée.
Pour les utilisateurs de Rotax, l’alternative est déjà d’utiliser des carburants automobiles et notamment l’UL91 quand il est disponible. Mais l’avenir n’est cependant pas tout tracé car les carburants automobiles vont progressivement passer à 10% d’éthanol (E10) alors que certains n’en contiennent encore que 5% pour l’instant. Et cet alcool contenu dans le carburant n’est pas idéal pour certains composants du circuit carburant, surtout si ce dernier n’est pas utilisé très régulièrement.
Pour l’heure, aucun carburant ne peut remplacer la 100LL du jour au lendemain, directement dans les différents circuits de production et de diffusion d’un carburant destiné à l’aviation générale. Affaire à suivre ! ♦♦♦
Photos © Lycoming et Continental
Note : pour l’essence 115/145 utilisée sur les moteurs suralimentés en étoile jusqu’aux années 1980, dans les faits, on ne parle pas d’indice d’octane, car on ne voit pas bien comment une essence pourrait être composée de plus de 100% d’octane ! Le terme exact est « indice de performance ». Cette essence était colorée de couleur pourpre et arrêtée de production en France au milieu des années 1970. Elle a alors été souvent remplacée par l’essence 100/130, sous réserve de modifier les soupapes et les tubulures d’échappement des moteurs, puis par la 100LL avec de nouvelles adaptations des moteurs – mais sans que les performances n’atteignent celle d’un usage de ces moteurs avec la 115/145… (précisions d’un internaute, Jacques Petit).