Entre Métars automatiques et Tafs destinés aux pilotes IFR…
Tout pilote VFR se doit d’analyser la météo avant d’envisager un vol, même en local. Il y a notamment pour cela les Métars (messages d’observation) à consulter avant de passer aux Tafs (messages de prévision). C’est ce que tout candidat à un PPL apprend en théorie puis en pratique, en décodant les messages mais notamment dans les « manuels » il est rarement précisé noir sur blanc que les Tafs sont à destination des pilotes volant en IFR ! Il y a là un piège systèmique qui a déjà été abordé sur ce site par le passé mais l’EASA nous donne à nouveau l’occasion de signaler cette lacune qui peut se transformer en piège.
Le 27 novembre dernier, l’EASA mettait en ligne un épisode en bande dessinée de son instructrice Sunny Swift, avec pour thème le processus à suivre pour un briefing météo. On suivait ainsi un pilote volant en… VFR dans sa préparation du vol, avec l’analyse entre autres des Tafs.
Il fallait bien noter en bas d’une case la note annonçant un prochain épisode consacré à l’interprétation des Tafs.
C’est désormais chose faite avec le dernier épisode en date de Sunny Swift mis en ligne ces derniers jours. Et on lit bien que les Tafs « sont principalement destinés aux vols IFR et ils prévoient les conditions les plus probables », avec une mise à jour dépendant de seuils pour le vent, la visi, les nuages et les précipitations. Et de dévoiler les « failles » monstrueuses des Tafs car ce qui est écrit peut s’avérer être très loin de la réalité.
Les conseils suggérés sont de « prendre des marges » – ce qui avec un paramètre « flou » comme peut l’être la situation météorologique équivaut à rester dans le vague… – et/ou de « contacter le personnel météo » (!) et aussi d’avoir un plan B en cas de dégradation de la situation météo amenant un pilote à atteindre ses minimas personnels. On peut trouver cela un peu léger…
Il faut donc préciser ici quelles sont les « lacunes » possibles des Tafs. Pas la peine de chercher longtemps, un document de l’EASA (téléchargeable en fin d’article) les précise bien…
– Pour le vent : il est donné par tranches de 10° (valeur arrondie) pour sa direction mais le seuil pour modifier la valeur indiquée dans le Taf est une évolution de plus de 60°. En d’autres mots, un vent indiqué par 26012KT dans un Taf indique un vent qui peut très bien souffler du 210 au 310° sans que la direction ne soit modifiée dans l’énoncé du Taf. Rappelons au passage que la direction du vent (d’où il provient) est indiquée par rapport au nord géographique et non pas magnétique !
Si le vent est inférieur à 10 Kt, tout changement de direction du vent ne sera pas indiqué. Un vent 15008KT dans un Taf indique seulement que le vent est prévu pour 8 Kt du 150° mais en fait il pourrait provenir de toutes les directions sans changement de Taf tant que le vent demeure sous la barre des 10 Kt.
Dans les faits, le vent moyen peut être plus élevé ou moins élevé de 10 Kt que la valeur indiquée. 22015KT indique un vent pouvant aller ainsi de 6 à 24 Kt (!) avant tout amendement. Il en est de même pour les rafales. 22015G30KT indique en fait un vent pouvant aller de 21 à 39 Kt. Ce n’est pas tout à fait la même chose quand il faut prendre en compte les limitations de la machine (vent de travers) sans parler des limitations du pilote. N’évoquons même pas l’usage d’un appareil à train classique !
– Pour la visibilité : le mode de codage des Tafs n’est pas meilleur car 7000 dans un Taf peut indiquer une visibilité pouvant descendre à 5.000 m. Une valeur de 4000 peut cacher une visibilité de 3.000 à 4.900 m.
– Pour les nuages : un BKN030 ou NSC (No Significant Cloud) peut également cacher dans un Taf une base des nuages pouvant être BKN (Broken, épars) à 1.500 ft ou plus haut ou… OVC (Overcast, couvert). à 1.500 ft ou plus haut. Avec une prévision de 1.000 à 1.400 ft de plafond, un BKN012 peut aussi indiquer un BKN ou OVC à 1.000 ft ou un BKN ou OVC à 1.400 ft.
Bref, non seulement il faut savoir décoder un Taf mais ensuite il faut savoir l’interpréter en notant le large éventail permis de divergence des données avec la réalité avant qu’il ne soit amendé. Si cela ne doit pas foncièrement perturber les pilotes IR, la fiabilité d’un Taf devient douteuse pour un pilote VFR. Si l’on note d’un côté que la quasi-totalité des Métars sont déjà établis « automatiquement » (avec une fiabilité qui reste à prouver) et que de l’autre côté, notamment pour les navigations (où les Métars sont insuffisants pour préparer une navigation VFR), le pilote VFR ne dispose que de Tafs qui ne lui sont pas destinés, le discours officiel que les pilotes doivent faire une bonne préparation vol devient alors totalement incohérent.
Et l’EASA, via ses BD Sunny Swift, confirme bien que le vol VFR demeure ainsi le parent pauvre de l’aviation, et de répéter à juste titre qu’il faut améliorer son niveau d’accidentologie mais si l’on prend en compte le risque météorologique qui demeure prépondérant et les moyens mis en oeuvre pour améliorer ce point, dans les faits (« déserts » météorologiques dans certaines régions, non diffusion des données météo en temps réel dans le cockpit, etc.), tout cela n’est que belles paroles… en l’air ! ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com