Le phénomène garde encore certains de ses secrets. Vigilance et prudence s’imposent…
La vrille ne fait pas partie du cursus du pilote privé et sur la population des pilotes de loisirs, rares sont ceux à en avoir fait, sauf s’ils ont décidé d’aborder la voltige comme un moyen de perfectionnement de son pilotage et une bonne méthode pour acquérir de l’aisance dans la troisième dimension.
Sur le sujet, il faut être prudent car le phénomène réserve parfois encore des surprises lors des essais en vol d’aéronefs légers. Une règle universelle n’a pu être définie à ce jour même si une procédure de base couvre une bonne partie des machines certifiées, du moins celles qui sont autorisées à effectuer des vrilles, donc après avoir démontré une sortie en moins de 1,5 tour après 6 tours de vrille.
Le phénomène est complexe car de multiples paramètres entrent en jeu. Un même appareil peut ne pas vriller de la même façon ou ne pas sortir de vrille de façon identique suite à une modification du centrage (consommation du carburant…) ou à un échange d’hélice – le passage d’une hélice en bois à une hélice métallique peut totalement modifier le comportement de l’appareil en vrille, comme la modification du dessin d’une verrière également en modifiant à la marge l’écoulement aérodynamique… Certains appareils exigent des efforts importants aux commandes.
Ceci étant dit, la règle de base la plus répandue – en prenant évidemment en compte le manuel de vol de l’appareil si les consignes diffèrent… – pour une sortie de vrille hors compétition est la suivante :
– réduction totale du régime moteur, car le couple gyroscopique de l’hélice peut être néfaste à une sortie rapide.
– manche secteur arrière, si la position de la profondeur dans cette position cabrée offre une plus grande surface à la direction pour contrer le lacet. C’est le cas du Cap-10B dont la direction a été modifiée lors des essais en vol du prototype pour finir avec cette imposante surface en partie basse de la direction.
– manche au neutre latéralement, car les ailerons, avec une incidence des voilures différente et des traînées distinctes, ont un rôle majeur sur la rotation.
– arrêt de la rotation en lacet par le palonnier opposé braqué à fond.
Les ailerons au neutre demeurent la solution de base en sortie de secours. En compétition, pour bien faire « tourner la vrille », on peut appliquer les ailerons « pour » durant la vrille et les ramener au neutre à la sortie. L’important est de noter que les ailerons « contre » lors de la vrille – un réflexe qui peut sembler intuitif bien que le lacet soit prépondérant sur le roulis – ont pour résultat d’aplatir la vrille, avec un accroissement du taux de rotation et un retardement de la sortie, celle-ci nécessitant au préalable un retour au neutre voire dans la position « pour » avec une perte d’altitude accrue.
Les ailerons « contre » ont donc un effet négatif sur la sortie de vrille, du moins sur avion « standard » avec un fuselage lourd et des ailes relativement courtes et donc légères. C’est le contraire sur planeur (fuselage court et léger mais voilures lourdes et de forte envergure modifiant donc l’inertie du planeur en rotation), les ailerons « contre » aidant à sortir de vrille sur planeur, les ailerons « pour » l’aplatissant.
Encore faut-il être d’accord sur le « neutre » des ailerons en latéral. La cinématique des manches du Cap-10B fait que la position du manche n’est pas parfaitement au milieu des jambes des pilotes, avec une désaxe vers l’intérieur du cockpit qu’il s’agisse de la place gauche ou droite. Il faut donc bien savoir où placer le manche pour être au neutre latéral. Les rapports du BEA concernant deux accidents survenus avec des Cap-10C en attestent (liens ci-dessous). Le modèle 10C a de plus la particularité d’avoir reçu une modification de surface de ses ailerons, point bénéfique pour le taux de roulis mais pouvant être négatif en sortie de vrille si le manche est mal positionné.
Le point le plus notable après la réduction du régime moteur lors d’une vrille est que le paramètre le plus important demeure le lacet causé par la vrille. Pour en sortir, il faut donc appliquer plein palonnier opposé pour annuler ce lacet et ramener les palonniers au neutre dès la sortie – pour ne pas repartir éventuellement en vrille de l’autre côté… Le manche tenu en position arrière jusqu’à l’annulation du lacet peut être ramené en avant pour diminuer l’incidence des voilures.
Les vrilles « école » – débutées en palier avec lente décélération puis plein palonnier d’un côté au moment du décrochage et réalisées avec une sortie après 1 ou 2 tours, maximum – ne sont pas des vrilles stabilisées. Il faudrait attendre 4 à 5 tours pour que cela soit vraiment le cas.
Durant cette « entrée en vrille », associée à une trajectoire balistique s’orientant progressivement vers le bas, les paramètres (assiette, roulis…) peuvent fluctuer. En diminuant le régime moteur et en ramenant les commandes au neutre, la sortie est quasi-instantanée. Cela sera moins le cas une fois la rotation bien lancée et stabilisée. Le temps de sortie peut alors être accru de quelques secondes qui peuvent sembler bien longues si on compare la durée à celle d’une sortie réalisée dès le déclenchement de la vrille. La vidéo ci-dessous de feu l’IASA rappelle quelques recommandations en la matière.
Il y aurait encore beaucoup de choses à évoquer sur la vrille, comme la technique devenue celle de Gene Beggs aux Etats-Unis, mais dont la paternité revient à feu Eric Müller. Sur une majorité d’avions – mais pas tous… – si le pilote est déconcerté par la vrille, notamment si celle-ci est passée dos sans que cela soit évident à discerner mais où la position des commandes diffère pour en sortir car le roulis n’est pas dans le même sens que le lacet – la technique de secours serait : 1) réduction totale de la puissance, 2) manche lâché, 3) palonnier opposé jusqu’à l’arrêt du lacet, 4) palonnier au neutre et ressource pour retrouver le palier. En américain, sur le net, on trouve aisément ce document associé aux Pitts (Spin in the Pitts Special. A guide and reference manual for aerobatic instructors and students).
Si les vrilles vous intéressent, la lecture de l’étude sur le sujet, réalisée en 1980 par Claude Lelaie – alors pilote d’essais au Centre d’essais en vol à Istres – s’impose. Ce texte, mis en forme par France Voltige (lien en bas de page pour y accéder), aborde notamment les différents types de vrille, les paramètres influents pour le type de vrille (de la technique de lancement de la vrille à l’architecture de l’avion) et pour en faciliter la sortie. Une bonne partie du document est basée sur les essais de vrille du Cap-10B, machine encore bien représentée dans les associations pratiquant la voltige. ♦♦♦
Photo d’ouverture © F. Besse / aeroVFR.com