Un enregistreur de vol pour améliorer la sécurité des vols en aviation générale.
Safetyn est une start-up toulousaine, avec des « filiales » à Avignon et Genève, qui depuis trois ans développe un système visant « l’amélioration de la connaissance des risques pour tous les pilotes ». Elle compte désormais 14 collaborateurs après avoir levé 2 millions d’euros en trois levées de fonds. Elle a notamment reçu le soutien d’Airbus BizLab.
La start-up a pris en compte les principaux risques du vol moteur (même si d’autres disciplines aéronautiques pourraient bénéficier par la suite de versions spécifiques), à savoir : perception et conscience situationnelle, planification du vol et préparation, décrochage et vrille, fiabilité des systèmes, prise de décision et planification.
Elle vise différents marchés allant des pilotes privés aux pilotes militaires via les élèves-pilotes et les pilotes professionnels, avec – jusqu’à ces derniers temps pré-Coronavirus – un marché en forte croissance dans le monde pour la formation des pilotes. Il s’agit ainsi de sensibiliser les élèves-pilotes à comprendre des situations menant à l’incident ou l’accident, de rafraîchir les connaissances des pilotes brevetés, dans une « démarche d’auto-apprentissage ».
Safetyn vise donc les écoles de pilotage (DTO et ATO) souhaitant mieux formaliser leur démarche en matière de sécurité des vols. Saftyn et l’Aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) sont en discussion pour lancer une expérimentation, conformément aux souhaits du COMALAT exprimés durant le salon du Bourget 2019.
Pour répondre à son objectif qui est d’améliorer la sécurité des vols – sur la base que les incidents et accidents « dépendent plus de la gestion humaine du vol que de l’état technique de l’appareil ou de la technique de pilotage » – un boîtier (box) a été développé et évalué en vol durant près de 200 heures de vol ces dernières années.
Ce boîtier, non certifié, se pose sur la casquette du tableau de bord, étant amovible si besoin pour passer d’un appareil à l’autre. Il enregistre à la demande un certain nombre de paramètres du vol étant équipé d’un accéléromètre, d’un GPS et de capteurs audio et vidéo. Son autonomie standard atteint les 3h00. La récupération des données se fait par une clé USB.
Certains paramètres enregistrés peuvent être affichés en temps réel pour le pilote, d’autres sont simplement enregistrés. L’enregistrement vidéo et audio peut être activé ou non, la vidéo pouvant enregistrer le comportement de l’équipage pouvant être limité à l’élève et/ou l’instructeur.
Trois axes de développement ont été suivis pour ce boîtier :
– Sécurité active : le boîtier sert de « filet de protection » au pilote en rappelant certains items de la check-list (assistance vocale) pour éviter des oublis, prévient du rapprochement des paramètres des limites du domaine de vol de l’appareil ou du pilote (monoxyde de carbone, hypoxie), alerte le pilote sur la gestion du carburant, la proximité d’une zone d’espace aérien ou l’affichage d’une mauvaise fréquence. En option figure même la possibilité d’un appel téléphonique vers le chef-pilote ou l’instructeur en cas de situation délicate…
– Débriefing : ce sera sans doute l’utilisation principale avec l’enregistrement de nombreux paramètres durant le vol permettant un débriefing, qu’il s’agisse d’un vol en double commande ou en solo supervisé (navigations en solo) voire navigation post-brevet pour se perfectionner. Durant le vol, l’instructeur peut poser des marqueurs temporels (bookmarks) pour retrouver un épisode rapidement pour le débriefing. Il est possible de quantifier la progression d’un pilote au fil des vols, en identifiant les points d’amélioration (tenue d’altitude, tenue du plan en approche, précision du touché à l’atterrissage, etc.).
À l’issue du vol, les paramètres peuvent être récupérés rapidement par clé USB et analysés ensuite sur un ordinateur personnel, avec la trajectoire dans le plan horizontal et vertical, les vidéos (caméras tournées vers l’avant de l’appareil et/ou vers l’équipage), l’enregistrement des messages radio et intercom. Le boîtier est lié à une application (Android et iOS) fonctionnant sur smartphone ou tablette avec un compte personnel sécurisé. Les instigateurs du projet sont même allés jusqu’à imaginer un bracelet à « scratcher » à un poignet pour noter au fil du vol l’évolution du stress d’un élève…
– Sensibilisation à la conscience situationnelle : via un usage sur simulateur (XPlane) avec ou sans réalité virtuelle, Safetyn a développé des scénarios, sur la base de rapports du BEA, pour mettre en scène certaines situations et sensibiliser les pilotes à prendre conscience de la ou des menaces pouvant se mettre en place au cours d’un vol, avec un scénario « ouvert ». La « box » permet ensuite un débriefing complet. Voulant améliorer la sécurité des vols, l’équipe en charge du développement y voit une aide à la prise de conscience des risques, par mentalisation. C’est l’occasion également d’un rappel des connaissances théoriques et des compétences non techniques (charge mentale, prise de décision, conscience de la situation).
Sont par ailleurs envisagées des séances de travail en groupe pour « une prise de conscience large des situations complexes », en se greffant par exemple sur les cours d’instruction théorique en ATO et DTO sur les facteurs humains. Ce pourrait être également des séances de travail individuelles ou par petits groupes (coaching) pour améliorer sa « performance » en vol, avec la définition d’un parcours évolutif personnalisé.
Si des écoles de pilotage y trouveront un moyen méthodique de débriefing des vols (l’analyse est forcément argumentée avec tous les paramètres…), un équipement qui peut rassurer certains élèves-pilotes notamment les plus jeunes peu opposés aux technologies « modernes », ce boîtier devrait intéresser des écoles professionnelles. Il faudra évaluer l’acceptabilité d’un tel système dans le monde du loisir, avec le risque d’y voir un système trop intrusif ou sujet à de possibles retombées juridiques. Il y aura aussi la question du coût à prendre en compte.
Pour l’heure, Safetyn poursuit le développement de sa « box ». Seuls des boîtiers prototypes sont en expérimentation mais une présérie d’une centaine est déjà programmée. Le prix de vente « cible » serait de 1.500 € avec un abonnement mensuel d’environ 20 € pour la mise à jour du système et la disponibilité des scénarios en réalité virtuelle. ♦♦♦
Photos © Safetyn et aeroVFR.com