Suite de l’étude de l’AOPA américaine dont les résultats sont assurément applicables en large partie à d’autres pays…
Lien vers la première partie de cet article.
Mauvaise gestion carburant
Parce qu’elle est entièrement évitable, la mauvaise gestion carburant reste préoccupante même si cela n’a causé que 4 % de tous les accidents en instruction. Les deux tiers des cas en solo ont mené à une panne sèche suite à une mauvaise planification de vol ou une inadaptation à des vents contraires plus forts que prévu ou l’absence de carburant disponible à l’escale.
Les trois quarts des cas en instruction avancée sont liés à une mauvaise gestion du circuit carburant de l’avion, soit la panne faute d’un changement de réservoir au moment approprié ou suite à une mauvaise utilisation de la pompe de transfert. Le nombre de cas est similaire en formation initiale ou avancée.
Seulement 5% des cas en double initiale et 10 % en vol solo ont été mortels, contre 33 % en formation avancée, où 20 des 30 avions accidentés étaient des machines complexes. La mauvaise gestion carburant est surtout mortelle sur bimoteurs (5 accidents mortels sur 8)
Défaillances mécaniques et arrêts moteur inexpliqués
Environ 22 % de tous les accidents survenus en double sont dus à des problèmes mécaniques ou à des pertes de puissance moteur pour des raisons non expliquées de manière satisfaisante (carburant disponible et en quantité suffisante, aucune preuve d’anomalie avant l’impact). Chiffres comparables pour les vols hors instruction, avec environ 25 % des accidents d’avions.
Seulement 6% des accidents en solo ont été attribués à des arrêts moteur ou des défaillances mécaniques. Par heures de vol, le taux d’accidents mécaniques et de pannes moteur en instruction n’est que de moitié celui des vols hors instruction (0,81 contre 1,62 pour 100.000 heures), et ceux enregistrés n’ont eu que 50% de probabilité d’être mortels, avec 7% de cas mortels contre 13 % pour tous les autres types de vols.
En formation initiale, les pertes inexpliquées de puissance moteur ont causé plus d’accidents en double et en solo que les défaillances avérées d’un système ou élément de l’appareil. Dans ces cas, l’analyse des moteurs et des accessoires n’a pas permis de détecter d’autres anomalies que les dommages causés par l’impact. Le carburant était disponible en quantité suffisante et le circuit carburant était correctement utilisé.
Les moteurs ayant échappé à de graves dommages ont généralement fonctionné normalement après les accidents. Ceux-ci sont probablement dus à une panne de carburant ou au givrage carburateur, mais la cause n’a pu être confirmée. Les dysfonctionnements et les conditions entraînant la perte totale ou partielle du moteur ont totalisé près de 80 % de tous les accidents d’origine mécanique en formation initiale (67 sur 85) et près des deux tiers des vols solos (35 sur 55).
Les problèmes de train d’atterrissage et de freins ont été le type de défaillance le plus fréquent en instruction avancée. Les trois quarts des avions concernés (37 sur 50) avaient un train rétractable, dont 21 bimoteurs. Les effacements de trains constituent la deuxième catégorie lors des vols solos, représentant près d’un quart du total (13 sur 55), bien que tous ces avions aient été des monomoteurs à train fixe.
Des pertes de puissance inexpliquées, des pannes moteur ou du circuit carburant ont été responsables d’un peu plus de la moitié des accidents en formation avancée. Des défaillances des commandes de vol, d’éléments de structure, ou des équipements électriques ont rarement conduit à des accidents, ne représentant que 11 % (31 sur 282).
Types de formation avancée
Si la formation initiale est bien définie, la formation « avancée » est plus floue, comprenant des situations très diverses. L’analyse détaillée des 615 accidents survenus en double commande avancés a identifié le type de formation dispensée dans 468 cas (76 %), dont 99 des 115 accidents mortels (86 %). Cela n’a pu être le cas pour les 147 autres, les résultats doivent donc être interprétés avec prudence.
Peu d’accidents se sont produits lors de qualifications sur avions complexes ou à performances élevées, et si les avions ont été essentiellement endommagés lors de formation au train classique, les blessures graves restent rares. Pendant la période d’étude, aucun décès n’est à déplorer lors de l’instruction pour de telles qualifications. Moins de 40 % des accidents en double avancée se sont produits pour une formation s’achevant par un examen pratique. La majorité ont eu lieu en entraînement, lors d’une transition sur un nouveau modèle, ou lors de l’enseignement de techniques particulières (épandage agricole, vol en montagne, voltige).
Les accidents mortels ont été les plus fréquents en formation aux instruments, notamment lors d’approches en entraînement ainsi qu’en formation initiale, 41% ont été mortels. Seulement trois des 21 accidents mortels ont été attribués à des lacunes
dans les procédures de vol aux instruments. Cinq sont le résultat de collisions en vol,
dont un entre deux avions faisant du travail sous capote. Comme il n’y a eu que 9 collisions en vol mortelles en formation avancée, la perception d’un risque excessif de collision pendant du vol aux instruments semble bien fondée.
Sur les 12 autres, 3 étaient des décrochages au décollage ou à l’atterrissage en conditions VFR et 3 autres le résultat d’une mauvaise gestion carburant. On a noté 1 décrochage à basse altitude en essayant une approche non autorisée après la percée, quatre CFIT (Controlled Flight Into Terrain) ou des pertes de contrôle pendant les parties VFR des vols. Un instructeur a été tué par l’hélice après avoir quitté le cockpit, moteur en marche.
Le nombre d’accidents en formation multimoteur est disproportionné par rapport au nombre d’avions et au temps de vol impliqués. Comme on pouvait s’y attendre, la majorité des cas se sont produits en conditions réelles ou simulées de panne moteur (ce qui constitue une grande partie du programme MEP). 9 des 13 accidents mortels sont liés à des pertes de contrôle en vol, et au moins 7 d’entre eux se trouvaient en conditions monomoteur (dont 2 sur arrêt moteur cause carburant).
Le plus grand nombre d’accidents s’est produit lors de transitions vers des avions nouveaux, ce qui a également entraîné le deuxième plus grand nombre de décès. Plus d’un tiers, dont 6 des 18 accidents mortels, se sont produits avec des avions de collection ou de construction amateur.
Les accidents non mortels sont survenus principalement aux décollages, atterrissages ou remises de gaz (35 sur 63, soit 56 %), tandis que les pannes mécaniques et les arrêts moteur inexpliqués ont représenté 17 cas (28 %). La plus grande part des accidents mortels (7 sur 18) a été attribuée à des manœuvres indûment agressives, y compris des tentatives de voltige avec des avions non adaptés, des décrochages dynamiques lors de ressources à basse hauteur, et des décrochages non récupérés en procédures d’urgence.
Des pertes de contrôle en essayant de décoller ou de remettre les gaz ont conduit à cinq autres cas, tandis que la mauvaise gestion carburant, des conditions météorologiques défavorables, une perte de puissance inexpliquée, une pré-vol inadéquate, et des pannes mécaniques ont été chacune blâmées pour un cas.
Avions et conditions de vol
La formation initiale est dispensée presque exclusivement sur monomoteurs à train fixe. L’instruction avancée, en revanche, est beaucoup plus susceptible de faire appel à des appareils à train rentrant, à des multimoteurs, pistons ou turbine.
Les monomoteurs à train fixe ont été impliqués dans 94 % des accidents en formation initiale en double commande et 98 % des accidents en solo mais seulement 54 % des accidents en formation avancée, où 25 % de tous les accidents impliquent un monomoteur à pistons et à train rétractable, 18 % étant des bimoteurs à pistons et 3 % des turboprops. Le faible nombre d’accidents pour les turbopropulseurs reflète probablement la forte utilisation de simulateurs pour ce type de formation, la plus grande expérience des pilotes et un apprentissage plus rigoureux avec des exigences imposées par les opérateurs ou leurs assureurs.
Plus de la moitié (55 %) de tous les accidents d’avions à train classique a eu lieu en instruction avancée, et 45% de tous les monomoteurs à pistons lors d’accidents en formation avancée avaient un train conventionnel. En formation initiale, ils ne représentaient que 14 % des monomoteurs à pistons accidentés et 8 % pour les accidents en solo.
Le ratio des accidents en formation entre solo et double initiale s’est avéré plus élevé sur avion à train tricycle, 2,20 accidents en solo pour 1 en double. Sur train classique, le ratio était de 1,25 pour 1. La différence en matière d’accident à l’atterrissage – réputé être élevé pour les élèves et pilotes brevetés volant sur train classique – s’est avérée encore plus prononcée : sur train classique, il y a eu 1,91 fois plus d’accidents à l’atterrissage pour les vols solos qu’en double à comparer à 4,63 fois plus sur avion à train tricycle. Ceci est dû à une formation plus poussée des élèves avant les solos sur train classique tandis que l’habileté des instructeurs à prévenir les accidents en vol en double n’est pas « claire ».
Même pour les pilotes souhaitant obtenir une qualification de vol aux instruments, la formation au pilotage reste principalement une activité par beau temps. Seulement 3 % de tous les accidents en formation avancée ont eu lieu dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC), et de mauvaises conditions météo n’ont été la cause principale que de seulement 15 des 1.993 accidents dans les trois types d’instruction (initiale, avancée, solo).
La grande majorité des vols d’instruction sont effectués de jour, et 91 % des accidents en double initiale, 98 % des accidents en solo, et 90 % en avancée ont eu lieu par conditions météorologiques à vue (VMC) durant la journée. Le vol de nuit a enregistré 7 % des accidents en instruction initiale, 8 % en avancée, et seulement 2 % pour les solos.
Conclusion
Si les taux d’accidents globaux sont similaires, ceux d’accidents mortels en instruction sont inférieurs de moitié à ceux des vols sans instruction. Ceci confirme l’affirmation bien connue selon laquelle l’instruction est plus sûre que l’aviation générale dans son ensemble.
La formation initiale sur avion se caractérise par un niveau de risque élevé mais rapidement décroissant avec peu de dommages corporels. Deux tiers de tous les accidents en instruction sur avion surviennent en formation initiale et deux tiers de ces vols ont lieu pendant les quelques heures de vol en solo des stagiaires. Les décès lors de solos sont extrêmement rares.
Les accidents mortels sont trois fois plus élevés en instruction initiale que lors de vols solos. Cela ne doit pas être interprété comme une preuve que la présence d’un instructeur augmente les risques. Cela reflète plutôt leur succès dans la prévention des accidents d’élèves « indisciplinés ». Ces accidents en double sont encore deux fois moins meurtriers que les accidents hors instruction. Les accidents lors des décollages, atterrissages et remises de gaz représentent 80 % des accidents en solo et 50 % en instruction initiale et avancée.
Les deux tiers des accidents mortels en instruction avion se sont produits en formation avancée. La transition vers un autre appareil, les contrôles en vol, le recyclage et une formation spécialisée comme le vol en montagne, la voltige et l’épandage ont représenté globalement plus de 60 % de tous les accidents en instruction avancée, dont plus de la moitié des accidents mortels. Les formations destinées à atteindre un niveau plus élevé, comme le vol aux instruments et la qualification multimoteur sont les plus meurtrières. La formation initiale au train classique a donné lieu à un grand nombre d’accidents, mais aucun décès.
Les élèves sur hélico ont évité d’une grande partie des risques d’accidents en remise de gaz contrairement aux élèves avion, probablement parce qu’ils l’ont rarement effectuée. Les élèves hélico ont également subi peu d’accidents lors des exercices d’autorotation, la principale cause d’accidents en instruction. Les exercices d’autorotations constituent un risque plus important en formation avancée qu’en formation initiale. Cela reflète le risque réduit du renversement lors du vol stationnaire, des évolutions en stationnaire et d’autres manœuvres à faible altitude et les exigences plus élevées lors manœuvres pratiquées en formation avancée (autorotations complète).
Contrairement à l’avion, plus de la moitié des accidents d’hélicoptère sont survenus en instruction avancée. Cela s’explique en partie par les données de la FAA montrant qu’en 2012, 78 % des pilotes hélico détenaient des qualifications avancées contre 70 % des pilotes d’avion. Les décès ont été proportionnels au nombre total d’accidents dans les trois cas d’instruction.
Ce bilan suggère que les domaines les plus prometteurs pour atténuer les risques sont :
– Solos en avion : le premier solo est une étape cruciale pour tout pilote, mais l’approche traditionnelle consistant à axer la première phase de l’instruction sur la préparation du stagiaire à son premier vol en solo peut mériter un réexamen. La nécessité de gérer l’avion à des vitesses de 50 Kt ou plus alors que les limites de contrôle sont proches du minimum rend les décollages et les atterrissages difficiles pour les élèves.
Les élèves hélico, en revanche, bénéficient d’une longue période à apprendre le vol stationnaire et à contrôler l’appareil avec précision dans les manœuvres à basse hauteur, avec pour conséquence que les décollages et les atterrissages n’impliquent que de faibles changements dans l’altitude et la vitesse, et une faible vitesse ne réduit pas le contrôle d’un hélicoptère.
Une décision volontaire de repousser dans le temps les vols solos pour permettre aux élèves avion d’acquérir une plus grande expérience des basses vitesses, y compris les décrochages et les récupérations de décrochages, ainsi que la pratique du vent de travers, pourrait réduire considérablement leur vulnérabilité aux accidents en solo.
– Examens de vol, transitions sur un nouveau modèle et autres formations : la prévalence des accidents lors d’une transition et en entraînement sur avion suggère que les risques n’ont pas été pleinement évalués. Les instructeurs qui les entreprennent devraient être prudents, surtout avec des pilotes avec lesquels ils n’ont pas volé fréquemment ou récemment. Ils devraient prendre également en compte leur propre capacité à conserver une marge de sécurité, en particulier sur des avions qu’ils connaissent mal.
La compétence de pilotes non connus doit être prouvée et non pas supposée, même (et surtout) lorsque ces pilotes sont propriétaires de l’avion qu’ils pilotent. Les instructeurs devraient également insister pour que les deux parties soient d’accord sur la personne qui fera office de commandant de bord avant de monter à bord.
– Pratique de l’autorotation : puisque l’autorotation est la manoeuvre la plus critique, une pratique fréquente est essentielle. Ceci est également la cause principale d’accidents en instruction hélico, ce qui laisse entrevoir des possibilités d’amélioration dans les techniques pour l’enseigner en toute sécurité. Les instructeurs ne doivent pas attendre pour intervenir, avant que la sécurité soit réellement mise en jeu.
L’instruction est-elle sûre ?
Elle est plus sûre que la plupart des autres types de vols en aviation générale, mais il y a encore de la place pour une amélioration. Un pilote ayant une compréhension réaliste du monde réel de l’aviation générale pourrait considérer qu’il s’agit d’une situation « suffisamment sûre », tandis que des amis ou proches pourraient être moins optimistes. Comme pour les vols personnels, la plupart des risques relèvent de la responsabilité du pilote.
Pour les élèves comme pour les instructeurs, la combinaison d’une compréhension de leurs propres capacités et de celles de l’avion avec un effort conscient pour maintenir une marge de sécurité correcte peut réduire considérablement les risques. Pour minimiser ces derniers, il est essentiel de s’entraîner autant que nécessaire, d’élargir progressivement son domaine de vol et prendre le temps d’apprendre à faire les choses correctement plutôt que d’essayer de les faire rapidement. Devenir un mauvais pilote n’en vaut pas la peine.
L’instruction est un élément essentiel en aviation, et si l’instruction en vol connaît l’un des meilleurs niveaux de sécurité en aviation générale, il y a des leçons à tirer de son historique en accidentologie. Identifier les problématiques et élaborer des stratégies pour les traiter est la première étape pour rendre l’activité encore plus sûre. Un entraînement régulier et rigoureux en instruction permet de rendre plus agréables et plus sûrs tous les autres types de vol. ♦♦♦
Traduction et photo © F. Besse / aeroVFR.com
Le lien vers l’étude intégrale pour ceux qui veulent consulter en américain… ou document téléchargeable ci-dessous.