Une autre histoire de l’aviation à travers « l’épopée des as ».
C’est en juillet 1915 qu’Adophe Pégoud remporte une cinquième victoire homologuée aux commandes de son Morane-Saulnier, devenant ainsi le premier as de l’histoire, un titre inventé par des journalises sportifs pour alimenter la presse populaire… Le dernier as recensé est le pilote iranien Assadollah Adelli obtenant en juillet 1988 une cinquième victoire à bord de son F-14 Tomcat.
Entre ces deux dates, environ 8.000 pilotes d’une quarantaine de nationalités sont devenus des as, révélant ainsi au passage l’intensité des conflits armés sur Terre au 20e siècle… De nos jours, avec la diminution du nombre de conflits, du moins symétriques, et l’arrivée de nouvelles technologies mettant progressivement l’être humain hors course, le titre d’as va disparaître de l’imaginaire collectif. Pas plus d’une centaine seraient encore vivants. Le 20e siècle aura ainsi été « le siècle des as ».
Mais qui sont-ils ? Comment sont-ils devenus des as ? Quelle est leur mentalité, leurs points forts, leurs faiblesses ? Que sont-ils devenus par la suite ? Quelles particularités physiques ou physiologiques partagent-ils ? Pourquoi un tiers des as sont-ils des pilotes allemands ? Hors as allemands, savez-vous que c’est un Finlandais qui arrive en tête du palmarès de la Seconde Guerre mondiale ? Que les Soviétiques ont compté plus d’as que les Américains durant la guerre de Corée ? Que trois fois plus d’as vietnamiens qu’américains ont été enregistrés au Vietnam ?
C’est à ces multiples questions et bien d’autres que répond Pierre Razoux, historien spécialisé dans les conflits contemporains. C’est donc à une histoire de l’aviation à travers les as qu’il convie le lecteur, pouvant ainsi passer dans la même page d’un as de 14-18 au pilote d’un chasseur à réaction pour aborder une tactique, un tempérament ou une anecdote. On ne s’ennuie vraiment pas à la lecture tant les informations sont multiples et variées.
Il est question des différents débats traversant le concept d’as, comme les « experten » allemands qui n’ont jamais dételé depuis la guerre d’Espagne jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, pouvant ainsi totaliser plus de 350 victoires même si les méthodes d’homologation ont varié d’un pays à l’autre. Le lecteur découvre au fil des pages des personnages souvent hauts en couleurs. Certains sont égratignés au passage, tel Pierre Clostermann. Des zones d’ombre subsistent encore pour les as des pays vaincus en 1945, les états concernés ne voulant pas rouvrir les pages du passé.
L’auteur va évidemment au-delà des faits bruts, soulignant notamment comment ces as ont été instrumentalisés par la propagande et le pouvoir politique, histoire de créer des mythes pour redonner l’espoir à la population. L’évolution des chasseurs fait l’objet d’un chapitre, pour passer notamment du revolver en main du pilote aux missile air-air emportés sous les ailes. Le mythe des as n’a céssé d’inspirer les auteurs, musiciens et cinéastes en tous genres. D’où un chapitre consacré à la présence d’as dans la littérature, au cinéma, dans la bande dessinée et les jeux vidéos.
En plus d’un index permettant de retrouver tous les as dans les différents chapitres, l’ouvrage comporte d’imposantes annexes, au-delà d’un petit cahier de 8 pages de photos. On y retrouve les principales dates concernant le sujet mais aussi des tableaux listant les as par conflits avec la nationalité, les victoires créditées et/ou probables et collectives, mais aussi des classements par pays, le nombre de victoires par type d’appareils sans oublier une bibliographie imposante.
Bref, un ouvrage original – par son approche transversale et non pas une succession de biographies de chasseurs… – qui justifie pleinement l’attribution à son auteur du Prix Guynemer, décerné en septembre dernier par l’Union des pilotes… civils de France (UPCF) en association avec différentes associations (Vieilles Tiges, Ailes brisées, Vieilles racines, APNA, Anoraa et l’Association des pilotes de chasse). Check six ! ♦♦♦
NB : sans rien enlever à la qualité globale de l’ouvrage, on regrettera cependant quelques erreurs ponctuelles, l’auteur confondant cheval de bois et mise en pylône, incidence et calage de voilure, la traversée de la Méditerranée par Roland Garros s’est faite en Morane et non pas en Caudron, pour le 109 il s’agit de becs de bord d’attaque automatiques et non pas de volets automatiques, etc.
Photo d’ouverture © R. Cloys/USAF.
– Le siècle des as, par Pierre Razoux. Ed. Perrin. 462 p. 25,00 €