Ou cinq années comme pilote de travail aérien, de Tahiti à l’Afrique via l’Europe, le Groenland, le Canada et le Moyen-Orient…
En sortie de formation professionnelle (CPL, MEP, IR…), les candidats à un poste dans un cockpit d’avion de ligne manquent généralement d’heures de vol mais aussi d’expériences variées pour élaborer un CV attractif, d’où le passage quasi-obligé par diverses activités dans le travail aérien. Remorquer planeurs et banderoles, larguer des parachutistes ne suffit généralement pas à mettre dans son carnet de vol des expériences de vol moins « local ».
C’est donc le passage par de petites compagnies ou sociétés de transport, avec diverses activités tout au long de la saison : observation, surveillance, photographie, transport de fret, etc. Guillaume Bertrand, aujourd’hui copilote pour une « grande compagnie aérienne tricolore » est ainsi passé par cinq années dans le monde du travail aérien, aux commandes de bimoteurs à pistons ou à turbines.
Dans cet ouvrage, il raconte ses expériences très diverses, accumulées dans différents pays, convoyages compris pour passer d’un théâtre d’opérations à l’autre. Au fil des pages, en plusieurs « actes » redécoupés en nombreuses « scènes », il passe ainsi en revue la vie au quotidien d’un pilote. Ce peut-être de longs survols maritimes en Polynésie française, en suivant en BN2 Islander une trace GPS au profit d’une équipe de scientifiques intéressés par les espèces marines, quand les vols peuvent durer jusqu’à 7 heures à basse hauteur.
C’est aussi assurer en Piper Seneca le relais-radio à haute altitude, masque à oxygène sur le nez, lors du tour de France cycliste, avec un opérateur à bord, en effectuant de multiples « ronds » pour à la fois rester dans un cercle de 10 km de diamètre présenté sur écran et lié à une moto au sol qui suit la course tout en évitant d’incliner à plus de 5 ou 10° d’inclinaison pour optimiser l’orientation des multiples antennes affublant la cellule du bimoteur. Il faut alors savoir gérer une zone de givrage sévère cassant quelques antennes au passage et aussi l’autonomie tendue de l’appareil pour caler la durée du vol sur le temps d’une étape mais sans oublier le privilège de survoler Paris lors de l’étape finale…
Se succéderont ensuite des vols de topographie au moyen d’un Lidar embarqué sur Piper Navajo et dont la trajectoire doit être très précise lors des « passes », ailes à plat, vitesse constante malgré le suivi du terrain, au degré près pour optimiser l’enregistrement des données du radar. Après avoir ainsi labouré l’Europe, ce sera l’Afrique, avec le Nigeria en King Air 90 avec une bonne dose de patience pour accumuler tous les pièces d’un puzzle administratif ou technique nécessaire au vol…
Emirats arabes unis, et les déserts en King Air, Finlande, et ses multiples îlots en Piper Chieftain, la savane de l’Ouganda… Afrique du Sud, Namibie, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Égypte, Quatar, Islande, Groenland, Autriche, Pays-Bas, Belgique, Canada, autant de pays survolés, donnant à l’équipage la mesure du monde…
Au final, un hommage au monde du travail aérien, avec ces « avions besogneux dont le monde ignore l’existence » mais surtout un témoignage vécu récemment – avec un style littéraire agréable à lire – qui donnera un avant-goût aux « suivants » dans la carrière de pilote via la case « Travail aérien »… Une période parfois liée à des temps de « vaches maigres » mais qui n’est généralement pas oubliée, avec des aventures passionnantes, du pilotage pur parfois à basse hauteur, de longues journées en vol suivies de journées d’attente au sol, une autonomie en opération ou lors de convoyages en solo, la nécessité d’une adaptation continue pour faire face aux aléas de la météo ou de la mécanique, sans oublier l’obligation d’être souvent un homme-orchestre… ♦♦♦
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– La mesure du monde, par Guillaume Bertrand. Éditions Ankidoo. 395 p. 15,00 €.