Quand l’uniformisation réglementaire européenne permet à chaque Etat de définir une autorisation uniquement nationale…
Avant l’arrivée du système européen de licences aéronautiques, la France avait son propre brevet de pilote privé (TT) et son brevet de base (BB), ce dernier apparu dans les années 1980, à la suite du rapport établi par le sénateur Bernard Parmantier sur l’avenir de l’aviation légère. Avec l’arrivée des licences européennes (PPL ou Private Pilot Licence et LAPL pour Light Aircraft Pilot Licence) à partir des années 2000, les licences nationales ont laissé leur place même si les Anglais ont – avant même tout projet de Brexit – conservé un NPPL britannique équivalent à l’ex-TT français.
Au départ du « chantier réglementaire européen », il fut même question d’un Basic LAPL, sorte de clone européen du brevet de base « à la française » et la FFA accepta donc d’abandonner son BB pour ce futur Basic LAPL. Mais dès les premières réunions à une vingtaine de représentants des différents Etats européens réunis au sein de l’EASA, ce Basic LAPL fut rapidement un dossier mort-né, la majorité des Autorités nationales – n’ayant pas eu auparavant leur propre BB – ne voyaient pas l’intérêt d’une telle licence « minimale » bien que servant de première marche vers une formation aéronautique…
Exit le Basic LAPL donc, avec la problèmatique du devenir des déjà brevetés de base en France… Les années passèrent avec en lente gestation un LAPL restreint limité dans les faits aux prérogatives obtenues auparavant avec le brevet de base franco-français. Ceci nécessite une démarche administrative auprès de sa DSAC/IR régionale car le 8 avril 2020 sera la date de disparition définitive du brevet de base franco-français, ce dernier ayant déjà bénéficié de plusieurs sursis vu le rythme d’avancement de l’Agence européenne.
Mais l’EASA – n’étant pas à une circonvolution de plus dans sa conception d’un système destiné à rendre l’aviation générale « plus simple » – a sorti du chapeau ces derniers mois la possibilité laissée à chaque pays de mettre en place une licence modulaire, dont le contenu serait laissé à l’appréciation de chaque Autorité nationale ! Ceci après avoir cherché pendant des années à uniformiser le tout, y compris par le haut avec un système complexe issu du monde de la formation professionnelle comme l’Approved Training Organisation (ATO), avant de concéder aux aéro-clubs la possibilité de devenir Declared Training Organisation (DTO) sous la pression de l’IAOPA Europe.
Ainsi, les fédérations concernées en France (FFA pour le vol moteur, FFVP pour le vol à voile, voire FFH pour l’hélicoptère) auront la possibilité, en concertation avec la DGAC, de définir une licence « modulaire » qui ne sera reconnue qu’en France ! La Fédération française de vol en planeur (FFVP) s’achemine vers une autorisation – dont la dénomination n’est pas encore déterminée – délivrée par les clubs (tous devenus DTO le 8 avril 2020).
Elle permettra au stagiaire vélivole de voler en solo, dans un rayon de 30 km autour de son terrain, sans avoir à faire signer à chaque fois son carnet de vol par un instructeur. Le stagiaire sera ainsi autonome mais sans avoir encore acquis le niveau complet de la licence SPL (Sailplane Pilot Licence) européenne reconnue en Europe et qui nécessitera désormais d’intégrer la formation du vol sur la campagne. La terminologie LAPL disparaitra au passage pour le monde vélivole en ne gardant que la SPL et cette autorisation intermédiaire qui n’aura pas de limite de vie, le pilote pouvant s’il le souhaite ne jamais aborder le vol sur la campagne et se contenter du vol en local…
Pour le vol moteur, une Autorisation de Base LAPL (ABL) verra également le jour, une sorte de brevet de base, qui sera un stade intermédiaire, définitif ou temporaire, avant le LAPL ou le PPL – la passerelle du LAPL vers le PPL étant déjà définie dans les textes depuis plusieurs années avec un module de formation complémentaire. A l’époque, le brevet de base franco-français était limité à 30 km autour de son terrain d’attache, avec emport de passager possible après 20 heures de pratique, voire avec des extensions sur des axes bien déterminés et reconnus auparavant avec un instructeur pour 100 km de distance maximum.
A noter que ces différentes « autorisations » modulaires, que les fédérations et la DGAC mettront prochainement en place, ne seront pas des titres aéronautiques au sens strict du terme mais bien des autorisations délivrées par les DTO après des prérequis atteints, en théorie et en pratique. Leur délivrance ne devrait donc pas entraîner de redevances. Ainsi, au final, dans le cas du brevet de base franco-français pour le vol moteur, les pilotes pourront obtenir un brevet de base européen… quasi-identique au niveau des prérogatives, et ce après plus de 15 années de « chantier réglementaire européen »… Tout ça pour ça ! ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com