Quelques informations sur la « nébuleuse » ADS-B qui pointe à l’horizon…
L’ADS-B (pour Automatic Dependent Surveillance-Broadcast) est un système de surveillance coopératif (les Anglo-Saxons utilisent les termes d’electronic conspicuity soit « perceptibilité électronique ») utilisable par le contrôle aérien. Un avion équipé ADS-B détermine sa position via GPS et diffuse régulièrement sa position et d’autres informations aux stations sol et aux autres aéronefs équipés ADS-B et évoluant dans le secteur.
On parle d’ADS-B Out pour signifier que le système fonctionne en mode diffusion, envoyant sa position et d’autres données (immatriculation, vitesse, cap, route suivie, etc.) à tous les utilisateurs aux alentours. La cadence d’émission peut être variable en fonction de la phase du vol, toutes les 10 secondes en route par exemple et toutes les secondes en approche.
L’ADS-B In permet de recueillir la position des autres appareils aux alentours, également équipés ADS-B, avec une précision annoncée supérieure à celle d’un système antii-collision type TCAS. L’un des avantages mis en avant pour l’ADS-B est que tous les aéronefs ainsi équipés diffusent leur position en temps réel de manière omnidirectionnelle, supprimant l’usage d’un radar au sol, le contrôle pouvant recevoir les messages envoyés par les aéronefs.
Trois liaisons ADS-B, normalisées par l’OACI, sont utilisées (merci Wikipedia !) :
– 1090ES pour 1.090 MHz Extended Squitter : il s’agit d’une extension des transpondeurs mode S associée à l’utilisation d’un TCAS, donc u système adaptée aux avions commerciaux.
– UAT pour Universal Access Transponder (978 MHz) : visant l’aviation générale, ce système d’origine américaine est un transpondeur conçu pour un usage ADS-B, en mode Out et In.
– VDL mode 4 pour VHF Data Link Mode 4 : c’est un moyen à la fois de surveillance et de communication, fonctionnant dans la bande VHF aéronautique pour les moyens de navigation (108-118 MHz).
Aux Etats-Unis, la FAA a bâti son système de transport de nouvelle génération (NextGen) sur l’usage du 1090ES pour les avions de ligne et l’UAT pour les autres aéronefs, avec la mise en place d’un réseau de stations ADS-B sur l’ensemble de son territoire. Après décision prise en mai 2010 par la FAA, à compter du 1er janvier… 2020, tous les appareils volant aux Etats-Unis devront être équipés ADS-B Out pour évoluer dans les zones imposant l’usage d’un transpondeur. Le 1er août dernier, 94.320 avions (+20.000 en six mois soit un taux d’équipement passé de 1.200 à 4.000 mensuels).
Parmi les fonctions complémentaires prévues avec l’ADS-B figure aux Etats-Unis le développement de l’application FIS-B pour Flight information Service using ADS-B, permettant en vol de recevoir des informations météorologiques (Métar, Taf…) et aéronautiques (Notam, etc.). La FAA a développé par ailleurs un service dénommé TIS-B, envoyant aux avions la position des appareils non équipés ADS-B mais détectés par les radars au sol.
D’autres pays devraient suivre le mouvement. Fin octobre dernier, le Canada a dû repousser la date initialement prévue pour l’obligation de l’ADS-B Out car les délais n’étaient pas compatibles avec les capacités des ateliers ! On a déjà connu cela avec nos balises 406 MHz en France ! Plusieurs niveaux sont prévus au Canada, avec dans un premier temps une obligation au-dessus du FL125 puis imposée à tout l’espace aérien à partir de 2023.
A ce stade, l’Europe, dont la couverture en radars est plus importante qu’aux Etats-Unis, n’a pas encore choisi le système même si des expérimentations ont déjà eu lieu (France, Allemagne, Belgique, Grande-Bretagne…) utilisant principalement le 1090ES, une solution économique pour le transport public avec l’usage des TCAS et des transpondeurs Mode S.
On notera que la société uAvionix Corp. a annoncé ce 11 décembre que son équipement SkyEcho Electronic Conspicuity (EC) sera très prochainement homologué par la CAA pour transmettre des données ADS-B sur 1.090 Mz, à partir d’un avion utilisant un transpondeur 1.090 MHz comprenant les modes A, C et S. Sur le sujet, une circulaire sera diffusée par la CAA ce 19 décembre.
Le SkyEcho a reçu le soutien de la CAA après une période d’expérimentation pour mettre sur le marché « un nouveau standard industriel pour un équipement bon marché destiné aux avions légers », pour les rendre « visibles » des autres usagers de l’espace aérien. La CAA (document CAP-1391) permet aux avions légers, planeurs et ballons d’être équipés d’un tel dispositif sans avoir un classique transpondeur.
L’expérimentation menée fin 2018-début 2019 au centre de la Grande-Bretagne, dans une zone à fort trafic, a vu la mise en place de 7 stations sol pouvant transmettre également des données météo. Les pilotes ayant participé à l’expérimentation ont apprécié la réception en vol des données météo (comme aux Etats-Unis depuis des années…) mais la grande majorité n’a pas souhaité à l’avenir avoir à payer un tel service, considérant que les données météo étaient publiques et que leur diffusion faisait partie des responsabilités de l’Etat. Avec l’investissement nécessaire pour installer des stations terrestres couvrant l’ensemble du territoire et diffusant les données météo, le débat va sans doute durer encore quelques décennies !
La société uAvionix développe d’autres modèles dont le skyBeacon X (ci-dessus), un système à doubles antennes (vers le haut et vers le bas) associé aux strobes. La certification FAA est attendue en 2021. Ce système viserait dans un premier temps les usagers canadiens car Nav Canada entend utiliser le système de satellites Aireon pour transmettre et recevoir les données ADS-B sans passer par un réseau de stations au sol, solution retenue par la FAA américaine.
Nav Canada a mené des essais avec seulement une antenne vers le bas (façon américaine) mais le système n’a pas atteint les performances recherchées pour la séparation des trafics en IFR avec des données devant passer par le satellite Aireon (66 satellites en orbite basse de la constellation Iridium). D’où un problème potentiel à l’avenir avec des avions américains ne pouvant utiliser des espaces aériens au Canada et vice-versa, comme indiqué en mai dernier dans la presse aéronautique américaine !
Sur le site de uAvionix, le SkyEcho 2 est un équipement portable, proposé à 499 livres Sterling. Il est compatible avec les Flarm et les autres systèmes ADS-B (UAT), avec affichage des trafics sur les applications de navigation ForeFlight Mobile, SkyDemon, EasyVFR et AirMate. Avec une puissance d’émission de 20 W, le signal peut être reçu à plus de 40 nautiques. Equipé d’un GPS, le SkyEcho 2 comprend un altimètre intégré pour améliorer l’espacement vertical des trafics. L’autonomie atteint les 12 heures. D’autres équipementiers développent des systèmes similaires, notamment Garmin et son GDL 50 (ci-dessous).
Dernière avancée sur le sujet, l’IAOPA Europe, dans sa newsletter de décembre précise que l’AOPA-Pays-Bas a souhaité mener une expérimentation ADS-B, à la suite du Danemark et de la Grande-Bretagne, mais le ministère des Transports a temporisé en attendant de voir les projets de l’EASA en la matière car « actuellement la position de l’Agence européenne est loin d’être claire. Une tentative a été faite il y a quelques années pour équiper tous les appareils, même ceux de moins de 5,7 tonnes avant de réaliser que cela ne peut pas fonctionner avec la technologie du mode S ».
L’IAOPA-Europe indique que dans l’espace limité par Paris, Londres, Hambourg, Vienne et Zurich, « la saturation du mode S est déjà tellement élevée qu’équiper tous les aéronefs de l’aviation générale et sportive, comme les planeurs et les ultralégers avec un ADS-B lié à un transpondeur S entraînerait la défaillance du système du Mode S ». Un exemple est donné : « si en Allemagne, lors d’un beau week-end d’été 25% de la flotte décolle au même moment, le contrôle aérien rencontrerait de sérieux problèmes pour suivre le trafic. Les plots radar deviendraient invisibles pendant plusieurs seconds et les systèmes anti-collision des avions de ligne ne pourraient fonctionner qu’avec une diminution du rayon d’action ».
Aussi, l’EASA réfléchit aux solutions, l’une d’elle serait d’utiliser la liaison UAT mais il faudra aussi intégrer d’autres sources comme le Flarm (principalement utilisé par les planeurs en Europe, en notant que pour la France tous les planeurs de clubs affiliés FFVP en sont équipés, sans oublier le PowerFlarm moins répandu pour les avions) à travers le réseau terrestre OGN (Open Glider Network). L’IAOPA-Europe a noté l’acceptation du SkyEcho2 (ADS-B In/out) par la CAA même sur des appareils équipés transpondeurs mode A, C ou S (les essais ont montré aucune interférence entre les deux équipements), avec un coût modique.
L’IAOPA précise encore que « les pilotes investissant dans la technologie ADS-B/UAT, en équipement à poste fixe ou portable, seront très intéressés par la réception en vol de données utiles comme les données météo, les Notams, etc. Mais à ce stade, les agences des différents pays européens ne sont pas enthousiastes à l’idée de mettre en place une infrastructure terrestre. Elles sont plus favorables à voir arriver une application sur téléphone portable dont elles n’auront pas à payer le développement. Surtout si l’on prend en compte que le réseau mobile pourrait également être utilisé pour gérer le trafic des drones à l’avenir ».
En conclusion de ces informations, l’IAOPA-Europe précise que « la Commission et l’EASA veulent « l’electronic conspicuity » pour tous les aéronefs mais il n’y a encore aucune stratégie pour savoir comment y parvenir »… C’est un bon résumé ! ♦♦♦