Poursuite du périple en Vega Gull du baron de Foucaucourt en 1938…
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Episode 2 : Alger-Juba soit 6.700 km
Sitôt en l’air pour une nouvelle traversée du Sahara, le baron retrouve ses repères. En effet en 1938 traverser le désert en janvier est un événement mondain pour les propriétaires d’avions privés français, anglais ou belges. Avec ceux qui traversent en voiture, ils se retrouvent à l’escale de Bidon V au point milieu du trajet où deux anciens bus ont été aménagés pour y dormir. Ci-dessous, l’hôtel de Bidon V !
Cette fois, le baron a choisi l’itinéraire Est vers Zinder, moins fréquenté que celui par Bidon V. Il passe la nuit à Arak. Le lendemain, il se pose à Tamanrasset pour y déposer des journaux et un colis.
Il passe la nuit à Agadès dans un site sauvage ocre et noir. Il décolle très tôt et atteint Zinder où il atterrit derrière l’avion de ligne belge allant au Congo. Il en repart pour Fort Lamy, escale de la régie Air Afrique, pour y passer la nuit. Le jour suivant, il suit vers l’est une mauvaise piste, se perd quelque peu du coté d’Adré à la frontière du Darfour anglais.
Tout à coup, l’avion se met a vibrer. Il reste pourtant dix litres dans le réservoir en service. Foucaucourt passe sur l’autre, le moteur reprend et il en tire la conséquence que la jauge est fausse ! Il ne reste qu’une trentaine de litres sur cet autre réservoir mesuré par une jauge potentiellement fausse. Il décide donc de se poser à Adré, dernier poste français avant El Geneina, terrain douanier au Darfour à une quarantaine de kilomètres d’Adré. Là, le garde du poste lui donne sa propre provision d’essence auto et l’avertit qu’il y a une fête sur l’aérodrome douanier.
Ils vont difficilement s’y poser en écartant la foule et y passer l’après-midi et la nuit car les fonctionnaires anglais sont absents. Le lendemain matin, l’équipage décolle et se dirige vers le Nil. Il rencontre alors à environ 70 km d’El Obeid une muraille rouge qui lui barre le chemin. L’immense nuage de sable semble bouillir par le bas. D’énormes remous soulèvent le sable et les buissons. Le baron, qui n’a jamais vu pareil spectacle, prend peur et pique à plus de 250 km/h le long du front de sable pour le contourner. Il n’y arrive pas et devant le déplacement du front décide de se poser avant qu’il ne soit trop tard. Il avise une bande plate le long d’un lit d’oued desséché et atterrit sans encombre. D’un bond, l’équipage est à terre. Le vent souffle déjà. Ivernel se couche sur le plan fixe de la queue et Foucaucourt prend des sacs vides et les remplit de cailloux. Ils attachent le Vega aux sacs pleins, calent les roues et parviennent à mettre la housse du moteur.
Le vent forcit et arrive à déplacer l’avion… L’équipage se suspend aux amarres et se retrouve par moment entraîné avec l’avion par les rafales. Une corde casse, une aile se lève, l’avion pivote et l’équipage le rattrape difficilement… La nuit tombe, le vent devient glacial. Au bout de quatre heures, il finit par mollir. L’équipage, comme les amarres, se détend. On aperçoit une étoile. La tempête de sable est passée. L’équipage attend le jour avec angoisse pour faire d’abord l’inventaire des éventuels dégâts. Un soleil rougeâtre se lève. Ivernel inspecte l’avion et Foucaucourt vide le sable de la cabine. Il s’apercoit que le terrain va permettre un décollage. Ivernel en balise une bande pour l’envol. L’optimisme revient ! Ci-dessous, El Obeid après une tempête de sable…
Foucaucourt décolle et une demi-heure plus tard, le Vega Gull survole le Nil. Le Nil est en 1937 le fil d’Ariane des avions des Imperial Airways allant de Londres au Cap par toutes les colonies de la Couronne. On y trouve des avions terrestres, des Handley-Page HP-42, biplans quadrimoteurs qui croisent à 160 km/h, seulement 15 km/h plus vite que les bombardiers de la guerre 14…
…mais aussi des quadrimoteurs Armstrong Whitworth Atalanta plus modernes, qui croisent à 180 km/h…
…et encore mais aussi les premiers hydravions Short Empire qui, par leur confort et leur style, nous font encore rêver. L’Empire croise à 260 km/h et sa vitesse maximum est de 320 km/h.
Le Nil et les lacs leur permettaient d’amerrir partout sur le trajet. Foucaucourt rejoint donc le Nil et le suit jusqu’à Malakal (ci-dessous en 1936) qui est à la fois hydrobase et aérodrome. Il y rencontre un aristocrate anglais de ses connaissances qui en souriant lui dit : “You were lucky. In twenty years I’ve never seen such a haboob. Remember, Haboobs much be treated with the utmost respect » (Vous êtes chanceux. En 20 ans, je n’ai jamais vu un tel haboob. Rappelez-vous, les haboobs doivent être traités avec le plus grand respect ».
Le voyage se poursuit vers le sud et nos touristes, dans des paysages verdoyant, se rapprochent de l’équateur. Ils arrivent à Juba par une chaleur accablante. Sur le terrain, ils croisent un beau bimoteur Junkers à double empennage à livrer à l’Afrique du Sud. ♦♦♦ Jean-Philippe Chivot
Iconographie via l’auteur
Demain : Episode 3 : Juba-Tananarive soit 3.940 km avec quelques posés dans la brousse par mauvais temps…