Des aventures aériennes, en VFR et sans radio, à nous faire dresser les cheveux sur la tête… Des voyages sortis de la bibliothèque de Jean-Philippe Chivot.
Suite de l’épisode 2…
Episode 3 : Cracovie-Budapest-Athènes-Tirana
Après quelques jours passés à explorer les monuments de vielle ville de Cracovie, nos touristes aériens décollent en direction de Budapest, étape avant la visite d’Athènes et du Parthénon. Le temps est correct pour franchir au mieux les montagnes des Tatras et descendre au bord du Danube vers Budapest et Budaors, son aérodrome d’alors.
Il est curieux de constater que le développement de l’aviation comme moyen de transport s’est fait à partir de 1930, que chaque grande ville ou capitale prenait la décision de construire un aéroport avec souvent une piste en dur et que le baron, fin 1937 dans son Vega Gull, allait d’aéroport en construction en aéroport en construction… C’était le cas à Budapest. Budaors, aérodrome de Budapest ouvert en 1937, avait une aérogare encore en travaux qui ressemblait énormément à celle de Helsinki.
Le bâtiment a survécu à la guerre et se retrouve désaffecté aujourd’hui, à la clôture d’un terrain fréquenté par l’aviation légère. En effet, dès 1942, les Hongrois avaient commencé à construire l’aérodrome actuel de Férihegy.
Au départ de Budapest, le pilote va rencontrer les conditions météo d’un automne avancé, avec ses plafonds bas, ses lignes d’averses de pluie et ses coups de vent. Le baron doit donc éviter au mieux les nuages et vérifier si les repères annoncés par Louise Marie sont bien là. Il faut s’enfoncer dans les montagnes de Macédoine et essayer de rattraper la vallée du Vardar qui mène à la plaine de Salonique et à la mer, au nord d’Athènes. Plus question de passer au-dessus des nuages, il faut bien viser en dessous et ne pas se laisser enfermer dans un cul de sac de vallée. Et la situation empire sur la côte du golfe de Salonique. L’avion se traine sous la pluie au ras de l’eau, le long d’une côte déchiquetée.
Une falaise menaçante, des coups de vent et une mer écumante, le pilote a l’impression de conduire un sous-marin. Le vent forcit, la pluie devient déluge et la visibilité est si mauvaise que l’équipage craint de heurter… un récif. Voici Eubée, la longue île au nord d’Athènes. Le pilote en contourne au ras de l’eau les caps sinistres. Et si je pouvais me poser, pense le pilote. Impossible, tout est noyé sous la pluie. Le pilote va donc vers la pleine mer. Et si les magnétos ne supportent pas l’inondation… et si le carburateur refuse un mélange trop humide…
Louise Marie estime Athènes à 60 km pas plus mais elle voit tout à coup une falaise dont la pointe est dans les nuages. Le pilote vire et franchit la dernière barrière montagneuse entre la mer et l’aérodrome. Si ça accroche, on fera le détour par Le Pirée. Mais voici l’aérodrome tout proche de la ville. L’avion se pose sur le terrain de Tatoi, désert et inondé. Toute proche de l’aérodrome, il y a la propriété de campagne de la famille royale. L’aérodrome de Tatoi (photo ci-dessous en 1940) en bordure de forêt est maintenant devenu à la fois une base militaire et un terrain pour les avions d’aéro-clubs.
Après ces émotions, l’équipage put visiter les jours suivants Athènes et ses environs, sous des cieux plus cléments. Mais il faut déjà repartir vers l’Albanie et la route directe passe par la montagne. Le pilote, toujours sous les nuages, survole le canal de Corinthe, suit le trait de côte, aperçoit Corfou et se pose à Tirana (photo ci-dessous). L’accueil y est mémorable car l’Albanie dépourvue de tout moyen de transport terrestre avait alors développé l’usage de l’avion dès la fin des années vingt. Tirana gros village de 15.000 habitants venait d’inaugurer son aérodrome avec piste en dur… en construction. Aujourd’hui, l’aéroport de Tirana s’appelle Mère Térésa et se trouve à 40 km du centre ville.
L’Albanie était un petit pays qui essayait de passer depuis 1920 du moyen-âge au vingtième siècle avec l’aide financière intéressée de Mussolini. Le roi Zog 1er y faisait construire des routes, des écoles et se préoccupait évidemment d’aviation, laquelle était une chasse gardée des Italiens avec leur compagnie Ala Littoria reliant le pays à ses voisins. Nos voyageurs – équipage du premier avion privé à se poser à Tirana – furent somptueusement reçus car ils représentaient une alternative à la présence italienne. Or les Italiens tenaient les cordons de la bourse du pays avant de songer à l’annexer. En avril 1938, le roi Zog se maria avec une comtesse hongroise et en avril 1939 il fut chassé par Mussolini. ♦♦♦ Jean-Philippe Chivot
Photos via l’auteur
Prochain et dernier épisode : Tirana-Rome-Marseille