Récits vécus par des pilotes de combat de l’armée de l’Air…
Amendement : la diffusion publique du livre est repoussée – sans date de parution connue – l’éditeur étant en attente d’un « accord » du SIRPA Air…
Spécialisé dans les récits militaires, l’éditeur Nimrod a déjà publié plusieurs ouvrages concernant la facette aérienne militaire moderne (de « La guerre vue du ciel » à « La pointe du diamant » en passant par « La naissance d’un pilote »). Le dernier en date regroupe plus d’une centaine de témoignages vécus par des équipages tricolores et rassemblés par le colonel Benjamin « Benji » Vinot Préfontaine, pilote de chasse, et le journaliste Frédéric Lert.
S’il manque un sommaire à l’ouvrage, la structure de ce dernier reste sans surprise avec la classique chronologie partant de la formation initiale jusqu’aux missions réelles en opérations extérieures (Opex) via l’arrivée en unité opérationnelle et les multiples entraînements pour décrocher diverses qualifications, notamment pour passer d’ailier à leader ou chef de patrouille. Le dernier chapitre évoque même le « décrochage d’activité » quand il faut quitter définitivement les cockpits et son unité après un ultime vol…
Les récits, variés, regroupent ceux de pilotes, de différentes expériences – du jeune pilote tout juste macaroné au chibane accumulant les Opex – mais aussi de NOSA (navigateur opérateur du système d’armement) en place arrière ou d’un opérateur de drones Reaper, hommes ou femmes, voire des épouses embringuées par la force des choses dans la vie parfois mouvementée des pilotes de chasse.
En quelques lignes ou en plusieurs pages, le lecteur passe ainsi d’un récit à l’autre, certains témoignages bénéficiant de plusieurs visions apportées par les acteurs d’une même mission. Les récits sont tels que les ont vécus les signataires se cachant, sécurité oblige, sous leurs noms de guerre. C’est donc le quotidien des pilotes qui s’étale ainsi sur près de 400 pages, vu de l’intérieur, un concept moins froid qu’un communiqué du ministère de la Défense. On regrettera que le type d’avion évoqué dans le récit n’est pas toujours mentionné, même si l’unité et la date permettront aux experts de le retrouver… Il s’agit principalement de Mirage F-1 et 2000, ainsi que le Rafale mais aussi de l’A-10.
On peut ainsi découvrir des exercices internationaux où le déroulé de la mission ne se passe pas comme au briefing, le débriefing d’une mission d’entraînement à coups de pied au c… car deux Alpha Jet ont manqué s’emplafonner à la suite d’un trop-plein d’enthousiasme de l’élève. Ce peut être encore une mission à la recherche d’un… Bristol Blenheim du « Lorraine » perdu dans le désert africain en 1941, le vol à bord d’engins exotiques comme en MiG-21 lors d’échanges entre pays, le premier catapultage suivi du premier appontage sur le Charles-de-Gaulle par un pilote de l’armée de l’Air détaché dans l’Aéronavale.
Des moments peuvent être plus « tendus » comme les multiples récits d’éjections telle celle réalisée un peu tardivement en finale, ou juste après le décollage de Solenzara avec ingestion d’oiseaux dans les réacteurs et bain forcé. Ou encore l’éjection de l’équipage d’un Mirage 2000D après un « show of force » au-dessus d’une vallée de l’Afghanistan, récupéré par des hélicoptères américains, les pilotes français attendant au sol en position de soumission selon la procédure française alors que les Américains aimeraient qu’ils embarquent d’eux-mêmes au plus vite…
Un Mirage F-1CR percute une ligne haute tension. Une patrouille intercepte un Tu-134 accompagné de deux Su-27 Flanker. Les premières missions réelles sur différents théâtres d’opérations, de l’Afghanistan à l’Afrique, de la Libye à la Syrie. Autant de vols qui marqueront la mémoire des pilotes concernés. Mais les auteurs n’oublient pas les traditions et notamment le folklore du bizutage à l’arrivée en unité avec, entre autres, les « chise galon » quand tous les grades sont mélangés et que le nouvel arrivant doit parfois se déplacer avec un boulet attaché au pied… ou encore les « cadeaux costards » de fin d’année.
Ainsi, au fil des pages, on découvre la « caste » des pilotes de chasse qui, après quelques années de formation exigeante, obtiennent le « droit de tuer », constituant le « bras armé » de la France, où le vocable « délivrer de l’armement » aseptise la réflexion et la réalité… Dans cet ouvrage, sans forcément avoir à lire entre les lignes, cette confrérie très particulière révèle ainsi sa psychologie, son mode de fonctionnement, ses codes où chaque louveteau doit faire ses preuves pour être reconnu par la meute, l’objectif étant de devenir le mâle dominant.
Pour les non-initiés, le jargon abondamment utilisé est heureusement explicité en notes de bas de page, permettant au lecteur de comprendre quelques acronymes si par exemple, lors d’une ACM TBA en FMO avec un ASTAC sous les ailes, votre BARAX vous annonce la proximité de bûches… données qu’il faudra évidemment évoquer ensuite dans votre MISREP. Wilco ?
On note ici ou là un certain recul et quelques grincements de dents face par exemple à des ronds-de-cuir de l’état-major inter-armées, ou des décisions parfois bureaucratiques des hautes sphères un brin décalées par rapport à la réalité du terrain. Ou encore un regard ironique sur l’activité à double facette de certains théâtres d’opérations africains, les pilotes se limitant le jour à défendre les intérêts français en faisant des « balades » à basse altitude et grande vitesse pour « faire du bruit » à grands frais, et la nuit, fréquentant les boîtes de nuit en compagnie des équipages d’Air France en escale, tout en espérant une éventuelle mission militaire réelle le temps de leur détachement.
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Photo © USAF !
– Ciels de combat, coordination Benjamin Vinot Préfontaine et Frédéric Lert, Ed. Nimrod, 380 p. 23,00 € Sortie prévue initialement le 7 novembre 2019, mais repoussée désormais à fin février 2020… www.nimrod.fr