Dans plusieurs rapports d’accidents, le BEA fait état de « manoeuvres dangereuses, non nécessaires à la conduite normale du vol ».
Dans la troisième partie de son Rapport sur la Sécurité aérienne en 2018, la Direction de la Sécurité de l’aviation civile (DSAC) publie une contribution du Bureau d’enquête et d’analyse pour la sécurité de l’aviation civile (BEA) relative à la prise de risque en aviation légère.
Ainsi, en 2018, le BEA a relevé trois accidents mortels d’aéronefs légers en France consécutifs à « des manoeuvres dangereuses, non nécessaires à la conduite normale du vol » :
– la collision d’un Yak-18 avec le sol lors d’une manoeuvre acrobatique réalisée à l’issue d’un passage à faible hauteur au-dessus de la piste (2 morts),
– la collision d’un TB-20 avec la surface de la mer lors d’un passage réalisé à très faible hauteur à proximité du rivage (2 morts),
– la collision d’un paramoteur avec la surface de l’eau lors du survol à très faible hauteur d’une rivière en crue (1 mort).
Parallèlement, en 2018, le BEA a publié plusieurs rapports d’enquêtes abordant cette thématique, dont notamment :
– la perte de contrôle d’un Pipistrel Virus SW lors d’un passage à faible hauteur au-dessus de la piste, en août 2017 à Saint-Estèphe (2 morts),
– le décrochage d’un FK12 lors d’une manoeuvre à forte inclinaison et faible hauteur peu après le décollage, en octobre 2017 à Nogaro (2 morts),
– la perte de contrôle d’un Van’s RV-8 lors d’évolutions acrobatiques à faible hauteur, en septembre 2016 à Saint-Ambroix (2 morts).
D’où ce bilan plus large autour de cette problématique de sécurité… Entre 2004 et 2018, en France, toutes catégories d’aéronefs confondues, le BEA a « répertorié au moins 120 accidents survenus au cours de manoeuvres non nécessaires à la conduite normale du vol, dénotant une prise de risque manifeste de la part du pilote. Parmi eux, au moins 70 accidents mortels ont provoqué la mort de 120 personnes, soit 13,5% des morts en aviation légère sur cette période ».
Ces accidents se répartissent ainsi : 45% impliquent des pilotes propriétaires de leur ULM, 17%, des pilotes d’avions membres d’aéro-clubs ou d’associations et 12%, des pilotes propriétaires de leur avion. Par ailleurs, trois accidents ont impliqué des avions exploités par des écoles de pilotage, dont deux en instruction. De plus, 12 accidents (dont 7 mortels) sont survenus dans le cadre de vols payants (baptêmes de l’air, vols à sensation, vols d’initiation).
Au niveau des facteurs contributifs à la prise de risque, il n’est pas toujours aisé d’analyser le comportement du pilote. Le BEA donne cependant queluqes « pistes de reflexion » en s’interrogeant sur « le degré de conscience du risque de la part du pilote en situation » et « l’état de ses connaissances et, au-delà, ses capacités à comprendre et anticiper la situation à risque ». Et de citer une méconnaissance du domaine de vol de l’appareil, une manoeuvre improvisée, une conscience du risque altérée par une dégradation de l’état de santé, la fatigue ou des effets de substances psychoactives (drogues illicites, médicaments, alcool).
Par ailleurs, le BEA précise que « dans plus de la moitié des 120 accidents répertoriés, le site survolé (aérodrome, habitation, rassemblement de personnes) laisse supposer qu’une forme de démonstration vis-à-vis de tiers au sol pouvait être recherchée. Dans plus de 20 cas, la présence au sol d’un public précis, notamment de proches du pilote, est confirmée. Il est possible d’imaginer que cette forme de démonstration s’exerce parfois à l’égard des passagers. En effet, dans près de 70% des cas répertoriés sur la période 2004-2018, le pilote était accompagné d’au moins un passager ».
Ces dernières années, le BEA ajoute que « le comportement démonstratif s’est aussi exprimé de manière croissante à travers l’utilisation d’appareils de prise de vue (smartphones et caméras compactes) permettant la diffusion ou le partage des images sur Internet et notamment les réseaux sociaux.
La dernière piste de réflexion proposée est celle de la « recherche de sensations ». Certaines manoeuvres dangereuses entreprises par des pilotes d’aviation légère et de loisir peuvent être le moyen pour eux de satisfaire, de manière répétée ou ponctuelle, un besoin de vécu exploratoire en contraste avec une vie privée ou professionnelle toujours plus tournée vers la sécurité ».
Si le BEA indique que d’autres prises de risque peuvent être concernées lors d’accidents, comme l’objectif-destination, une amélioration de la gestion de la sécurité pourrait passer par le TEM (Threat and Error Management ou gestion des erreurs et des menaces), pouvant « amener les pilotes à mieux évaluer leurs marges de sécurité, notamment lorsqu’ils sont sur le point de s’exposer à des conditions de vols marginales auxquelles il n’ont pas l’habitude de faire face (vol avec une faible visibilité, vol à faible hauteur, prise d’attitudes inusuelles, etc.) ».
Quant au Programme de sécurité de l’Etat (PSE), le nouveau plan stratégique d’amélioration de la sécurité, baptisé « Horizon 2023 », prend la suite du plan « Horizon 2018″… Pour l’aviation légère, les orientations choisies poursuivent celles déjà engagées (soutien des actions de sécurité entreprises par les acteurs de l’aviation légère, promotion de l’analyse et de l’exploitation des événements de sécurité…).
Elle sont complétées d’objectifs nouveaux comme la « promotion des technologies susceptibles de contribuer à l’amélioration de la sécurité, la surveillance du développement des activités d’aviation légère ouvertes au public ou la création d’un portail de la sécurité aviation légère visant à regrouper dans un site unique les nombreuses initiatives pour l’amélioration de la sécurité venant des différents acteurs du secteur ». ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com