L’aéro-club de Loire-Atlantique mis en demeure par le groupe exploitant la plate-forme.
La « novlangue » règne en maître de nos jours, qu’il s’agisse du monde politique ou du milieu économique. Il s’agit dans les discours de définir en termes positifs et élogieux les actions entreprises, celles-ci ne se traduisant pas toujours sur le terrain en actes. L’important, ce sont les paroles… En exemple, le groupe Vinci qui sur son site assène la « vérité » suivante : « Parce que nos réalisations sont d’utilité publique, nous considérons l’écoute et le dialogue avec les parties prenantes de nos projets comme des conditions nécessaires à l’exercice de nos métiers ».
Et l’on voit la réalité de l’écoute et du dialogue à Nantes où le groupe fait tout son possible pour expulser l’aéro-club de Loire-Atlantique (ACLA), association créée il a 86 ans. Cela fait des années que les avions légers cotoient les liners et autres avions commerciaux venant sur la plate-forme au sud de Nantes mais si la mission du groupe est « de concevoir, financer, construire et gérer des infrastructures et des équipements qui contribuent à améliorer la vie quotidienne et la mobilité de chacun », cela s’arrête dans la pratique à développer les activités hautement commerciales, boutiques d’aéroports en tête.
La division Vinci Airports du groupe (10.025 salariés et 1,6 milliard d’euros l’an passé) se targue ainsi d’exploiter déjà 45 aéroports dans 12 pays tout en ayant accuelli 195 millions de passagers l’an passé sur ces plates-formes, parmi lesquelles on compte des aéroports dans les pays suivants : Japon, Brésil, Chili, Etats-Unis, Liberia, République dominicaine, Cambodge, Portugal, Royaume-Uni, sans oublier la France avec notamment Lyon-Saint-Exupéry. Après avoir raté le chantier de Notre-Dame des Landes (sans forcément y perdre financièrement vue les clauses habituelles des partenariats public-privé…) et sans doute le rachat du groupe ADP mais pas la création du nouvel aéroport de Lisbonne-Montijo, Vinci Airports affiche une croissance supérieure à 10%.
Pour des financiers au regard fixé sur les résultats économiques pour satisfaire leurs actionnaires, l’activité aviation légère compte peu. Saint-Exupéry aurait dit qu’ils n’ont qu’une vision de comptable, c’est-à-dire à courte vue. Car si l’activité d’un aéro-club compte peu en regard de celle apportée par les compagnies aériennes, dont les « low-cost », l’aviation légère constitue les bases du milieu aéronautique, avec une première étape incontournable, la formation au pilotage – une majorité des pilotes de ligne entrant actuellement en compagnie ont débuté par la pratique en aéro-club. L’aviation légère est ainsi le « socle » de l’activité aéronautique en France, le creuset de vocations à un moment où le milieu aéronautique industriel n’arrive pas à embaucher suffisamment de salariés pour répondre à la demande.
L’aviation légère ayant une mission d’éducation et d’intérêt général reconnue par les pouvoirs publics, il n’est pas acceptable de voir le club être notifié de la fin de sa convention d’occupation à titre gratuit (via le précédent partenariat avec la CCI de Nantes-Saint-Nazaire, gestionnaire auparavant de la plate-forme) pour passer au tarif pratiqué pour les compagnies aériennes soit 100.000 euros par an… Le groupe Vinci, via sa filiale, accentue de plus la pression sur l’association en prévoyant un poste de stationnement d’avion de ligne sur les parkings de l’aéro-club…
Alors que la procédure vient de débuter pour un Référendum d’initiative partagée (RIP) concernant le projet de privatiser Aéroports de Paris (groupe ADP) et alors que le débat est en cours pour un réaménagement de l’aéroport de Nantes-Atlantique, un tel dossier montre bien les dangers de la privatisation des aéroports en France. Il y a quelques mois, le groupe Vinci était aux premières loges pour devenir l’acquéreur d’ADP et l’on voit, à partir de l’exemple de Nantes (mais aussi de la « gestion » des tarifs autoroutiers assurés par une autre filiale du même groupe), les dommages financiers envisageables sur les plates-formes secondaires parisiennes jugées sans doute insuffisamment « rentables ». Au passage, les pilotes de la région parisienne auraient tout intérêt à réagir maintenant plutôt que de subir à l’avenir…
Deux visions diamétralement opposées s’affrontent à Nantes. Les intérêts financiers d’un groupe industriel se présentant comme le « premier opérateur privé d’aéroports dans le monde » ne sont pas compatibles avec l’économie d’une association loi 1901, à but non lucratif dont l’activité, permise par trois salariés, relève de l’intérêt général, allant de la formation au pilotage au cours menant au Brevet d’initiation aéronautique (BIA) et donnant ainsi une première culture aéronautique aux jeunes des lycées de la région. Mais d’autres aéroports montrent qu’une solution permettant le maintien de toutes les activités sont possibles. Le « pot de terre » n’a pas vocation à toujours perdre… ♦♦♦
Photos © Arnaud Masson/ACLA et GoogleEarth
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