L’histoire d’une série d’ailes volantes développées par Northrop Aircraft.
Dans sa série X-Planes, l’éditeur britannique Osprey poursuit la publication d’opuscules sur des prototypes expérimentaux, des machines qui ont défriché de nouvelles technologies, avec plus ou moins de succès, des Bell X-1 et X-2 au XB-70 Valkyrie. Cette fois, il s’agit des ailes volantes développées par John K. Northrop, obnubilé par le concept de « flying wing », une architecture idéale sur le papier car ne présentant pas de traînées additionnelles dues à un fuselage ne participant pas à la portance.
Si le concept d’aile volante n’est pas nouveau – dès les années 1910, des pionniers utilisent cette architecture – un regain d’intérêt verra le jour dans les années 1930/40 avec notamment les frères Horten en Allemagne. Après guerre, Jack Northrop va reprendre le flambeau avec la construction de plusieurs prototypes probatoires dont l’élégant N-9M, un monoplace bimoteur propulsif. Des modèles militaires comme le XP-56 Black Bullet – à doubles hélices contrarotatives et propulsives – ou le P-79B – avec un pilote en position couchée et coincé entre deux réacteurs – n’auront pas de suite.
Le bureau d’études passera alors à un imposant bombardier stratégique dont le prototype XB-35 est une aile volante de 52 m d’envergure, propulsée par quatre moteurs accouplés à des doublets d’hélices propulsives. La mise au point va être difficile, pour des problèmes techniques liés aux motorisations (de multiples vibrations dues aux hélices, aux réducteurs, aux arbres moteur de plusieurs mètres de long…) mais aussi aux qualités de vol particulières dans certaines phases de vol, notamment les décrochages, et aussi des stabilités parfois marginales.
Avec l’arrivée de la propulsion par réacteur, les prototypes XB-35 vont devenir les appareils de présérie du futur B-49 sous la désignation YB-49. Les hélices laissent place à 8 réacteurs, faute de poussée suffisante à l’époque, mais il faut rajouter des dérives pour la stabilité de route, remplaçant les fuseaux des moteurs à piston. Si les vibrations moteur ont disparu, les particularités en vol demeurent. Un équipage, lors d’essais de décrochage, se retrouvera en vrille inversée avec une récupération au ras du sol… Un prototype sera perdu lors d’essais avec sans doute un dépassement des facteurs de charge suite à de faibles efforts aux commandes. Le capitaine Glen Edwards laissera ainsi son nom à l’ancienne base Muroc AFB…
Pendant ce temps, la concurrence avance, qu’il s’agisse dans un premier temps du Convair XB-36 et ses motorisations propulsives connaissant également des déboires et dans un deuxième temps du XB-47 Stratojet de Boeing. Le Strategic Air Command évalue les différents programmes et le B-49 de Northrop sera progressivement mis hors jeu, menant à la destruction de la quinzaine d’appareils en cours d’assemblage. Le tout finira en psychodrame, sans la conservation du moindre prototype pour un musée et avec la destruction des batis de montage et des plans techniques…
Jack Northrop a déjà quitté la société. Après l’abandon du programme dans les années 1950, celle-ci survivra à cet échec industriel avec des avions d’architecture classique, allant du chasseur-bombardier tout temps F-89 Scorpion au YF-17, concurrent malheureux face au YF-16 mais qui donnera naissance au F-18, sans oublier les F-5 Tiger et T-38 Talon développés sous la direction d’un certain Edgar Schmued, le père du P-51 Mustang. Les idées de Jack Northrop reviendront au goût du jour par la suite. La faible signature radar des XB-35/YB-49 a bien été notée et c’est une aile volante qui sera retenue pour le futur bombardier B-2. A la fin de sa vie, Jack Northrop sera même invité à découvrir ce projet alors maintenu dans le secret absolu avant les premiers vols.
De toute cette saga – mis à part les B-2 au coût de développement faramineux et dont les qualités de vol ont été « résolues » par les commandes de vol électriques et les calculateurs de bord – il ne reste plus aujourd’hui qu’un unique N-9M, remis en état notamment par des anciens de Northrop et conservé en état de vol au sein du Planes of Fame Museum, à Chino. Ainsi, de temps en temps, la silhouette élégante de cette aile volante peut s’apercevoir dans le ciel californien.
En 80 pages denses en informations, photos d’époque, profils, écorchés, cet ouvrage en langue anglaise retrace cette aventure technologique aux multiples rebondissements, quand l’aile volante n’a pas réussi à démontrer en pratique ses avantages en termes de distance franchissable ou de charge utile, au grand dam de Jack Northrop… ♦♦♦
– Northrop Flying Wings, par Peter E. Davies. X-Planes n°10. Osprey Publishing.
80 pages. 13.99 £