Dix années de conception et production d’avions par un pionnier de l’aviation…
Même si les frères Wright ont réellement « inventé » en pratique le pilote d’un plus lourd que l’air, la France a été un creuset pour cette technique naissante au début du 20e siècle. Il faut citer notamment les Ferber, Blériot, Fabre mais aussi les frères Voisin, Gabriel et Charles. Si le second va disparaître par accident en 1912, le premier va être un acteur majeur dans la conception d’aéroplanes.
Ils étaient les seuls à construire des machines volant réellement dès 1908, ayant appris comme les Wright à dominer la troisième dimension lors de vol « à bord » de planeurs. Ce seront ensuite les prémisses d’une industrie avec la réalisation de multiples appareils pour répondre aux attentes de riches clients, donnant leurs noms à l’appareil construit par Gabriel Voisin et son équipe à Billancourt.
Parmi ces clients figure un certain Henry Farman qui va effectuer le premier circuit en boucle
(1 km !) réalisé en Europe aux commandes de son… Farman. Ce sont les débuts du pilotage, on tâtonne encore pour réussir le décollage sur un avion à train classique, et il faudra au pilote 18 tentatives avant de parvenir à décoller et effectuer un large virage pour revenir à son point de départ. C’était le 13 janvier 1908, à Issy-les-Moulineaux.
Après une courte collaboration avec Louis Blériot, qui s’achève par un chavirage d’un prototype commun sur la Seine, Gabriel Voisin va développer et affiner au fil du temps ses modèles cellulaires, en modifiant selon l’humeur et les essais en vol l’architecture de ses appareils. Les empennages vont être modifiés, les entre-plans sont différents d’un modèle à l’autre, certains bénéficient d’ailerons, le plan canard avant voit sa géométrie changée… Les moteurs différents vont se succéder pour des appareils mono ou bimoteurs.
Des biplans vont laisser placer à des tentatives plus ou moins réussies avec des triplans. Certains modèles bénéficient de cloisons verticales entre les ailes. Pour le pilotage, les normes dictées par l’armée vont s’imposer avec le manche ou volant pour le tangage et le roulis, le palonnier pour le lacet. Et l’armée a réellement son mot à dire car c’est un client qui devient de plus en plus demandeur, avec l’arrivée de la Première Guerre mondiale.
Du modèle Tourisme, Gabriel Voisin va rapidement passer au modèle militaire menant à une série de bombardiers reconnaissables à leur train d’atterrissage à 4 roues, l’équipage (pilote et bombardier) étant installé dans une « baignoire » à l’avant de l’appareil, avec une bonne visibilité offerte par la motorisation propulsive soufflant les empennages. C’est un Voisin qui remportera ainsi la première victoire aérienne avec l’équipage Frantz-Quenault.
Malgré cela, Gabriel Voisin va se retirer du monde aéronautique dès 1919, préférant s’orienter vers le monde automobile, plus lucratif, où il fera une brillante carrière, sans oublier d’autres activités allant de la production de hangars gonflables à la construction de maisons préfabriquées ou encore des vélos motorisés et des blindés, préférant constamment inventer de nouveaux objets.
Son imagination est débordante avec quelques prototypes ou projets restés sans suite – dont certains seront imaginés jusqu’à la fin de sa vie – comme ce bimoteur biplace à deux fuselages séparés (une architecture à la Rutan !), un triplan bimoteur gigantesque prévu pour l’armée avec trois canons, un avion destiné aux évacuations sanitaires avec son pod ventral pour embarquer des blessés ou encore un avion de transport à réaction de formule canard…
Toute cette histoire nous est racontée en détails par Henri Lacaze – déjà auteur d’ouvrages sur Louis Breguet et Raymond Saulnier chez le même éditeur – avec de nombreux documents d’époque (photos, plans 3-vues, schémas techniques) qui font de cet ouvrage un document inégalé sur le sujet. Il est bien difficile, avec le temps et l’absence de véritables archives, de retracer ainsi la production de certains pionniers, en faisant le tri parmi les documents publicitaires du constructeur, les articles de la presse d’époque souvent imprécis ou encore les rares récits de pilotes. Défrichant un sujet qui méritait un tel ouvrage, l’auteur a bien atteint son objectif. ♦♦♦
– Les aéroplanes Voisin, par Henri Lacaze. Ed. Lela Presse. Histoire de l’Aviation n°39.
175 pages. 39,00 €