Un rapport du BEA porte sur la « gestion inadéquate des sélecteurs carburant » entraînant « une panne d’essence après décollage ».
Le résumé du rapport est le suivant : « Après avoir effectué le matin un vol entre l’aérodrome de l’Île d’Yeu, base de l’avion, et l’aérodrome de Belle-Île, le pilote accompagné de trois passagers décolle vers 17h30 pour effectuer le vol retour ».
« Après le décollage, à une hauteur d’environ 250 ft et avec une vitesse proche de 65 Kt, le moteur subit des ratés. Le pilote pousse légèrement le manche et maintient l’axe de piste. Il arrête et remet en fonctionnement la pompe électrique. Le moteur reprend de la puissance. Il décide alors de retourner atterrir sur l’aérodrome en effectuant un demi-tour par la gauche. Pendant le virage, le moteur s’arrête. Le pilote tente de rejoindre un champ à proximité pour y réaliser un atterrissage forcé. Au cours de la manoeuvre, l’aile gauche entre en collision avec un bosquet puis l’avion percute le sol ».
« Lors de la préparation de l’avion à l’aérodrome de Belle-Île, le pilote a sélectionné le réservoir gauche qui ne contenait qu’une très faible quantité de carburant. Ce carburant a été consommé lors du décollage ou était inférieur à la quantité utilisable, ce qui a entraîné l’arrêt du moteur. La reprise partielle du fonctionnement du moteur a pu laisser penser au pilote qu’un demi-tour était possible. Il a alors pris la décision de retourner se poser à contre QFU sur le terrain. Après l’arrêt du moteur pendant le virage, le pilote a été contraint de réaliser un atterrissage forcé au cours duquel l’avion est entré en collision avec la végétation ».
« L’application complète des actions prévues en cas de perte de puissance au décollage aurait conduit à sélectionner le réservoir droit contenant du carburant, ce qui aurait éventuellement pu permettre le redémarrage du moteur. Une étude du BEA sur les pannes d’essence en aviation générale entre 1998 et 2000 a montré que sur 45 pannes d’essence, 7 d’entre elles sont dues à des problèmes de sélection de réservoir conduisant à des pannes d’essence alors que du carburant est présent ».
Le rapport du BEA précise que la check-list du club pour le PA-28/181 Archer III indique « Réservoir sur le réservoir le plus plein durant la visite prévol intérieur » et « Réservoir essence ouvert, autonomie vérifiée, avant le décollage ». Le manuel de vol de l’appareil, à l’item « Engine Power Engine Loss During Take-Off » indique notamment « Switch to tank containing fuel » (passez sur un réservoir contenant du carburant). C’est la meilleure leçon à tirer de cet accident ! Celle qu’il faut mémoriser…
Avant même d’analyser la panne (qui peut venir aussi d’une coupure intempestive des magnétos mais c’est rare !), en cas de ratés moteur, la première chose à faire aussitôt est de changer de réservoir. Celui sur lequel vous êtes ne convient pas – pour des raisons inconnues : eau, impuretés, insuffisance, etc. – et il est donc impératif de passer sur un autre réservoir, contenant du carburant évidemment…
Si le moteur a des ratés puis repart, il ne faut pas se satisfaire de ce retour à la normale qui peut être… court. La pompe électrique peut être une solution pour améliorer la pression d’essence mais cela peut jouer que temporairement. Si le moteur connaît un malfonctionnement relativement brutal (ratés, hoquets, etc.), cela provient du circuit carburant (un problème de givrage carbu est plus progressif à se mettre en place) et même si les symptômes disparaissent, la situation demeure critique, d’où la nécessité de changer de réservoir pour se laisser le temps de la réflexion.
Au point d’attente, lors des essais moteur et actions vitales au moyen d’une check-list, il faut non seulement s’assurer que le circuit carburant est bien ouvert, que l’autonomie est suffisante pour le vol (avec une consommation moyennée vers le haut pour faciliter les calculs) et surtout que l’on est sur le bon réservoir, c’est-à-dire le plus plein (ou le plus près du moteur sur certains appareils dont l’essence du réservoir arrière peut ne pas être utilisable en cas d’assiette forte en montée ou remise de gaz).
Le rapport du BEA précise que les « procédures de l’ENAC pour les aéronefs équipés d’un sélecteur de réservoir à carburant est de démarrer le moteur sur le réservoir le moins plein, puis avant de pénétrer sur la piste, de passer sur le plus plein ». On rajoutera que le passage sur le réservoir le plus plein doit, dans ce cas, se faire « avant » les essais moteurs car il ne serait pas judicieux de faire les essais moteur sur le réservoir le moins plein et de passer ensuite sur le réservoir le plus plein, pour débuter la phase critique du décollage, sans l’avoir validé auparavant lors des essais moteur.
Méfiance pour les pilotes qui volent régulièrement sur un avion où le carburant est toujours ouvert, avec un seul réservoir à bord, et qui occasionnellement peuvent utiliser un avion à multiples réservoirs, dont il faudra gérer l’utilisation lors d’une navigation, alors que le réflexe n’a pas été acquis sur l’avion-école mono-réservoir. D’où des « fausses » pannes moteur chaque année, quand le pilote effectue un atterrissage forcé après arrêt moteur alors qu’il reste encore du carburant dans les autres réservoirs. D’où la nécessaire gestion carburant tout au long du vol… ♦♦♦
Photo © FAA.
Rapport complet sur le site du BEA