L’intérêt du vol à voile dans la formation des pilotes professionnels revient à la mode !
Le fait est connu depuis des décennies. Le vol à voile est la meilleure école de pilotage 3-axes, même s’il semble paradoxal à première vue d’apprendre sur un aéronef sans moteur pour piloter un avion ensuite… Et l’on cite notamment le niveau de pilotage des pilotes de chasse allemands de la Dernière Guerre, formés au préalable par le vol à voile, le traité de Versailles interdisant la pratique du vol motorisé après 1919.
Jadis – disons les années 1960 à 1980 – un cursus de pilote de ligne avait de fortes probabilités d’avoir été initié par la pratique du planeur en club, avec notamment les « camps aéronautiques » financés par l’Etat pour favoriser l’accès des jeunes à la pratique de la troisième dimension. Et ensuite, le planeur servait de tremplin vers les engins motorisés, avec des recrutements (F) effectués notamment dans les effectifs des clubs.
Si cela est connu depuis longtemps, l’atout de la pratique du vol à voile n’a pas toujours été reconnu ces dernières décennies, notamment au niveau des compagnies aériennes. Du pilote manoeuvrier, on a voulu passer au pilote gestionnaire de systèmes, avec l’arrivée notamment des commandes de vol et des automatismes. La sélection des futurs pilotes de ligne a moins porté sur leur passion du vol, leur expérience pratique sur aéronefs légers que sur leur bagage scientifique, leur capacité à maîtriser des calculateurs. Evolution logique mais qui a connu quelques travers.
Il est ainsi arrivé que des candidats à la Ligne soit rentrés dans un cursus de formation en « ayant vu de la lumière » et/ou attirés par l’image populaire du pilote de ligne, mais n’ayant aucune passion pour les « choses de l’air », laissant la machine faire intégralement l’approche en mode automatique plutôt que de garder des compétences de pilotage lors d’une approche par conditions CAVOK. Des experts ont souligné le fait que des compétences de base ont été « perdues » au passage, avec peu de pratique notamment sur les longs-courriers, mis à part quelques séances de simulateurs chaque année.
Plusieurs accidents survenus ces dernières années révèlent la perte de « fondamentaux ». Si le badin est beaucoup plus élevé que prévu et que l’assiette de l’appareil est très cabrée, gravité oblige, même avec la pleine puissance, c’est évidemment l’instrumentation qui est en défaut et non pas l’assiette… Des pertes de contrôle ont été relevées avec également des départs en virage engagé. D’où l’arrivée obligatoire pour les pilotes de ligne en 2019 des stages UPRT, destinés à préparer les pilotes à gérer des positions inusuelles.
Des responsables pédagogiques de compagnies se sont rendu compte que si les jeunes pilotes étaient parfaitement formatés pour suivre des procédures, gérer des moyens informatiques, ils étaient bien moins armés en matière de prise de décision, surtout si la situation diverge quelque peu du cadre nominal appris. D’où le retour du planeur dans les cursus de formation chez Air France. C’est un retour à des pratiques passées et négligées pendant des années, en ayant redéfini les compétences de base qu’un pilote de ligne doit avoir.
Ainsi, la filière des Cadets d’Air France, avec une formation des candidats sur deux ans, va comprendre un module « vol à voile » d’une durée d’un mois, effectué au Centre national de vol à voile, à Saint-Auban. Ce module interviendra durant la formation vol moteur (IR, MEP, etc.). La Fédération française de vol en planeur a mis en place une structure, France Gliding Service (FGS), pour assurer cette prestation avec des DG-1000. La première « cuvée » de Cadets AF sera sur place à partir de fin mars prochain.
Les 50 heures de vol programmées par pilote permettront de décrocher la licence SPL mais aussi de tâter de la voltige. Il est également prévu qu’il aborde le remorquage pour appréhender le travail aérien, la gestion des trajectoires à vue. Ce qui est recherché, c’est de développer les capacités techniques des candidats, principalement par le pilotage d’un planeur, mais surtout les compétences non techniques comme la prise de décision et la charge de travail.
Sans moteur, en circuit, la prise de décision est capitale et continue. A chaque instant, il faut décider si l’on reste à cet endroit ou s’il est préférable d’aller chercher ailleurs l’ascendance, et par quel cheminement, en prenant en compte de multiples paramètres (sa hauteur, la présence ou non du relief, la force et la direction du vent, les cumulus à proximité, l’environnement avec les champs posables…), autant de paramètres comparables à ceux d’un pilote de ligne devant gérer un équipage, des passagers, une trajectoire, des conditions météo, un bilan carburant…
De plus, même si le vol à voile est un sport individuel, se pratiquant principalement aux commandes d’un monoplace, cela reste aussi une activité collective, la participation de tous étant essentielle pour mettre en piste les planeurs, assurer les décollages, voire aller chercher un planeur posé aux vaches, sans oublier le rangement méthodique des planeurs dans le hangar, le soir venu. C’est cet aspect « travail en groupe » qui fera également partie de la formation à Saint-Auban, une pratique commune au métier de pilote de ligne, avec le travail en équipage.
Un tel constat, l’armée de l’Air l’a déjà fait. Tous ses futurs pilotes passent aussi depuis plusieurs années par un module vol à voile. Mais l’armée n’a pas retenu le planeur comme moyen de développer des compétences non techniques au cours de formation avion, mais plutôt comme un moyen de sélection, au départ des cursus. D’où le maintien en activité de ses sections de vol à voile, dont l’activité sera encore accrue cette année avec un recrutement en hausse.
L’armée de l’Air a besoin constamment de nouveaux personnels, dont des pilotes. Elle a compris que les candidats au Brevet d’initiation aéronautique (BIA) étaient plus motivés que des jeunes moins impliqués dans le domaine aéronautique. Elle a ainsi su « récupérer » ou « dynamiser » la formation au BIA dans certaines régions, non pas pour alimenter l’activité des aéro-clubs mais surtout pour pouvoir sélectionner et attirer des jeunes intéressés par une carrière militaire dans l’aérien…
Dernièrement, le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), le général Philippe Lavigne, a indiqué qu’il fallait aller plus loin, et de citer l’exemple de la Royal Air Force et ses Royal Air Cadets. Chaque année, entre 30.000 et 50.000 jeunes pratiquent des activités aéronautiques (dont du vol à voile) et sportives dans des escadrons de la RAF.
Avec ses coûts faibles et sa capacité à former et développer des compétences de pilote utiles par la suite aux commandes d’aéronefs plus complexes, le vol à voile n’a ainsi pas dit son dernier mot ! ♦♦♦
Photos © F. Besse / aeroVFR.com