Un symposium pour améliorer le « Etre vu, Voir et Eviter ».
Depuis 13 ans, la DSAC organise chaque année un symposium sur la sécurité du transport aérien, autour d’une thématique, ceci dans le cadre du programme de sécurité de l’Etat (PSA) comprenant Réglementation, Surveillance et Promotion de la sécurité. Aviation commerciale oblige, on y parle peu de l’aviation générale, sauf dans la dernière édition, en novembre dernier, avec pour thème « TCAS et mixité de trafic », avec la trilogie « être vu, voir et éviter ».
Ce thème a été retenu suite à des événements de rapprochements entre des trafics sous régimes de vol différents (IFR, VFR), équipés de systèmes de surveillance différents… Ainsi, avec les différents acteurs (compagnies, fédérations, prestataires de services de la navigation aérienne, autorité), plusieurs axes ont été abordés :
– prévenir les abordages en utilisant la barrière technologique TCAC,
– améliorer la conscience des trafics à proximité,
– améliorer la coordination de la mixité de trafic dans l’espace aérien,
– améliorer la mise en oeuvre du « voir et éviter ».
On notera au passage les limites du TCAS avec l’équipement des avions VFR.
– Pas de transpondeur : pas de détection,
– Transpondeur mode A : pas de détection,
– Transpondeur sans information d’altitude disponible : avis de trafic (TA ou Traffic Advisory)
– Transpondeur mode C ou S : avis de trafic (TA) et ordre de résolution (RA ou Resolution Advisory).
En transport commercial, seuls les appareils turbopropulseurs ou à réaction, de plus de 5,7 tonnes ou pouvant transporter plus de 19 passagers sont redevables de la technologie TCAS. En aviation générale, seuls les avions de plus de 15 tonnes ou pouvant transporter plus de 30 passagers sont assujettis à cette obligation d’emport. Une recommandation souhaite étendre l’équipement aux avions de plus de 5,7 tonnes ou pouvant transporter plus de 19 passagers.
Le TCAS a ses limites, notamment dans le cas d’appareils en forte montée sous un autre trafic mais devant se stabiliser en palier avant d’atteindre l’altitude du trafic plus élevé, entraînant des alertes du fait d’un taux de montée élevé et d’une trajectoire convergente.
Pour l’aviation générale « légère » (VFR), la mixité intervient le plus souvent près des aéroports situés en classe D ou G, contrôlés ou non. Des remontées d’événements font état de risques dans ces zones de forte mixité de trafic, avec ou sans déclenchements TCAS en fonction de la présence d’un transpondeur à bord de l’autre appareil.
Pour les équipages utilisant un système TCAS, les ordres de grandeurs (dans les basses couches, sous 2.500 ft) de déclenchement d’une alarme RA sont de 15 secondes avec le rapprochement (CPA ou Closest Point of Approach). Des trajectoires conduisant à un rapprochement latéral de 0,2 nm et de 600 ft dans le plan vertical déclencheront probablement un RA.
La DSAC précise qu’un « travail ciblé d’amélioration de la conscience du trafic sur les acteurs des plates-formes se trouvant dans ce cadre d’exploitation semble pertinent à mettre en place afin de limiter les risques d’abordages ». Cette amélioration peut passer par une identification visuelle plus efficace des potentiels conflits, avec un renforcement de la fonction Voir. Ceci passe aussi par une plus grande prédictibilité des trajectoires IFR pour permettre aux VFR de mieux localiser leur attention sur un secteur d’approche.
Cela peut aussi être lié à l’utilisation d’équipements dits « Electronic Conspicuity » (Perceptibilité électronique) Ceux-ci permettent de détecter et/ou d’être détecté par un autre aéronef, en améliorant les fonctions Être vu et Voir. Ces équipements, multiples (Flarm, PowerFlarm, etc.), ont cependant une interopérabilité parfois limitée ou inexistante.
On notera que l’installation de ces équipements est par ailleurs liée à la réglementation, avec une procédure parfois coûteuse pour les certifier et les installer… En attendant, le « transpondeur demeure l’unique barrière efficace d’identification par l’aviation commerciale ».
En France, le transpondeur est obligatoire pour les vols VFR évoluant en classes… A, C et D. Il en est de même pour les VFR nuit non « locaux ». Mais plusieurs TMA sont des espaces de classe E, où la vigilance est de mise pour les vols IFR car ils ne sont plus systématiquement « protégés » par leur TCAS.
Aussi, la Direction du transport aérien (DTA) a institué depuis février 2018 des zones TMZ (Transponder Mandatory Zones, zones à transpondeur obligatoire) pour protéger les arrivées IFR sur certains aéroports non contrôlés – l’exemple est donné de Montélimar avec une TMZ allant du FL055 au FL115.
Pour une meilleure coordination, il est jugé qu’une meilleure prédictibilité des trajectoires IFR en espace non contrôlé peut contribuer à une efficacité accrue de la fonction Voir. Ceci impose une stabilisation précoce sur un plan établi dans l’axe de la piste, permettant de matérialiser un secteur d’approche IFR, facile à identifier pour les autres usagers de la plate-forme, en invitant les trafics VFR à éviter ce secteur dès qu’un trafic IFR est annoncé sur la fréquence.
La radio doit également être un moyen efficace pour se représenter la situation du trafic pour l’ensemble des acteurs. Un report de sa situation et l’identification visuelle des autres appareils dans le secteur doivent concourir à une meilleure conscience de la situation.
Pour limiter les déclenchements d’alertes TCAS et les risques d’abordage, l’amélioration de la sécurité passe par l’identification de bonnes pratiques en complément des règles du Voir et éviter. Ceci est à faire au niveau local, en fonction de l’environnement, en faisant participer tous les acteurs de la plate-forme.
Le compte rendu du symposium précise qu’en dessous de 3.000 ft de hauteur, selon SRA 5005(g), un vol VFR n’a pas l’obligation de suivre une altitude de croisière fixée. Le choix d’une altitude non multiple de 500 ft peut être une barrière de prévention supplémentaire afin de s’assurer une séparation en hauteur entre deux trafics VFR. En effet, il est moins probable de rencontrer sur une trajectoire stabilisée à une altitude non canonique un trafic convergent.
Pour mes manoeuvres d’évitement, trois scénarios de trajectoire convergent peuvent être dressés.
1 – Risque d’abordage de face entre deux appareils : la manoeuvre à mettre en oeuvre par les deux appareils est une modification de la trajectoire vers la droite afin d’assurer une séparation dans le plan horizontal.
2 – Trajectoires convergentes : c’est le cas le plus complexe à identifier et à résoudre (gisement constant), avec un effort plus prononcé nécessaire pour la détection car les appareils sont hors champ de vision direct. La manoeuvre d’évitement est seulement effectuée par le trafic prioritaire…
3 – Dépassement d’un appareil par un autre plus rapide arrivant dans un secteur angulaire de 70° centré sur les 6 heures de l’appareil dépassé. L’appareil dépassé est prioritaire. La manoeuvre de dépassement s’effectue donc par la droite.
En conclusion, il est noté que les bonnes pratiques, en fonction des trois fonctions Être vu, Voir et Éviter sont les suivantes :
Être vu : améliorer sa visibilité
– allumer son transpondeur en toute circonstance si l’appareil en est équipé,
– s’informer du fonctionnement du système TCAS,
– établir localement des trajectoires préférentielles avec l’ensemble des utilisateurs de la plate-forme.
Voir : détecter les potentiels conflits plus efficacement
– respecter les recommandations de vitesse de capture de niveau,
– identifier en briefing les classes d’espace traversée et les potentiels trafics présents,
– échanger des informations de trafic afin d’anticiper les trajectoires autour des plates-formes,
– mettre à profit les technologies dites « Electronic Conspicuity » afin d’améliorer la détection des plates-formes.
Éviter : effectuer une manoeuvre d’évitement
– respecter les conditions de résolution de conflit : TCAS ou Règles de l’Air,
– reconsidérer son projet d’action une fois le conflit écarté en prenant en compte la nouvelle situation de vol. ♦♦♦
Schémas DSAC/DGAC et illustrations R. Deymonaz/DSAC
Lien vers le document de synthèse intégral.
On pourra relire également avec intérêt l’article sur « Les limites du voir et être vu ».