C’est une obligation réglementaire, imposée par l’EASA, mais aussi une évolution logique des méthodes d’apprentissage.
Le concept n’est pas nouveau, du moins dans la formation des pilotes de ligne (qui sont déjà à un stade ultérieur avec l’EBT ou Evidence Based Training !) et de certaines forces aériennes. C’est plus récent pour l’aviation générale car c’est une volonté de l’EASA d’appliquer la formation par les compétences à tous les niveaux de l’aviation, y compris en aviation générale et plus particulièrement pour l’aviation de loisirs.
Dans les faits, les instructeurs sont déjà sensibilisés au sujet depuis des années, pratiquant ces notions intuitivement mais désormais, la formation par les compétences (CBT ou Competency Based Training en langage EASA) va s’inviter progressivement dans les cursus de formation, Declared Training Organisation (DTO) obligent. Ce concept va donc être formalisé dans les pratiques (des formations des instructeurs aux supports mis à disposition des instructeurs en passant par la fiche de progression des élèves et le cursus théorique de ces derniers).
En toute logique, il s’agit d’évaluer un niveau qualitatif de compétence et non plus un niveau quantitatif en nombre d’heures de vol. C’est aussi une approche plus complète du cursus de formation, qui ne va pas chambouler outre-mesure la formation technique (le pilotage, la gestion de la trajectoire…) mais qui va mieux aborder les compétences non techniques, en parallèle aux facteurs humains (FH) et au TEM (Threat and Error Management) ou la gestion des erreurs et des menaces, notions apparues ces dernières années.
Dans ce domaine, avec son approche cartésienne développée depuis des décennies, l’école de « pilotage à la française » a du retard à l’allumage. Si l’on sait depuis des décennies qu’au moins 80 à 90% des causes d’accident sont liées à « l’opérateur humain » (c’est-à-dire… le pilote), il y a quelques années en arrière – et pas si loin dans le temps… – peu d’ouvrages de pilotage en français abordaient les compétences non techniques, leur contenu se focalisant sur les compétences techniques. Tout au plus évoquait-on la physiologie du plote, de la vision au système respiratoire mais sans parler de prise de décision, de stress, de conscience de la situation… Tout cela restait tabou.
Dans ces domaines, l’école de piloge anglo-saxonne (Nouvelle-Zélande, Australie, Etats-Unis, Canada…) avait pris de l’avance, avec au passage un meilleur niveau d’accidentologie, avec l’espoir que les deux soient correlés. La formation par les compétences entend donc rééquilibrer les programmes de formation en intégrant mieux les connaissances non techniques car le simple maniement du manche, même de façon experte, ne suffit pas à assurer la sécurité d’un vol… D’où le travail ces derniers mois des différentes commissions Formation-Sécurité des fédérations aéronautiques les plus concernées, du vol moteur au vol à voile, sur l’arrivée du CBT dans leurs cursus de formation.
Pour la FFA, cinq compétences techniques ont ainsi été définies si l’on en croit son « Guide d’évaluation CBT à l’intention de l’instructeur » officiant dans l’un des 600 et quelques aéro-clubs devant devenir DTO au 8 avril 2019 s’ils veulent toujours proposer des formations :
– Pilotage (PIL) : piloter et contrôler les paramètres primaires de l’avion (cap, vitesse, altitude, vario) en utilisant des pré-affichages.
– Trajectoire (TRA) : concevoir, matérialiser et suivre au travers de points clés une trajectoire.
– Procédures (PRO) : appliquer l’ensemble des procédures en vigueur pour la préparation et la conduite du vol.
– Connaissances : ensemble des savoirs nécessaires à la réalisation du vol.
– Communication (COM) : comprendre et se faire comprendre des autres sans ambiguïté.
L’unique compétence non technique – la gestion de le la menace et de l’erreur (TEM) – regroupe plusieurs notions. Il s’agit « d’identifier les menaces, les erreurs et risques associés au cours du vol et de développer une stratégie permettant de maîtriser le risque », en prenant en compte la conscience de la situation, la prise de décision, la coopération et le leadership, la gestion de la charge de travail.
De son côté, la FFVP a retenu 7 compétences, se répartissant en trois domaines, la fameuse trilogie du savoir, du savoir-faire et du savoir-être nécessaires à la pratique du pilotage d’un planeur. Le savoir (Connaissances ou CNS) et le savoir-faire (Pilotage ou PIL, Procédures ou PRO) regroupent ainsi trois compétences techniques tandis que le savoir-être (approche comportementale) en compte quatre : communication, conscience de la situation, gestion de la charge de travail, décision.
– Communication (COM) : la « capacité à écouter et à échanger avec tous les acteurs au sol, avec un autre pilote, un instructeur mais aussi avec un service de la circulation aérienne ». Et ce, « de vive voix, par radiotéléphonie, par signaux conventionnels ou par écrit ».
– Conscience de la situation COS) : la « capacité à percevoir et à comprendre la situation pour préparer des projets d’action cohérents et anticiper la suite probable des événements ». C’est la « clé qui ouvre la porte vers les bonnes décisions ».
– Gestion de tâches (GES) : c’est « pouvoir gérer plusieurs tâches » et être capable de « planifier et d’organiser le travail pour en maximiser l’efficacité dans la limite de ses propres ressources ». La finalité est « d’éviter la dégradation de la sécurité par survenance d’une surcharge de travail ou d’une situation de blocage ».
– Décision (DEC) : c’est la « capacité à choisir un projet d’action en fonction des circonstances, de ses aptitudes et du temps disponible » et l’on sait que le vol à voile est une bonne école pour améliorer la prise de décision.
Ces 7 compétences retenues par la FFVP seront développées à l’avenir dans les futurs 163 DTO vélivoles, mises en pratique par les instructeurs, qu’il s’agisse de ceux déjà actifs ou des futurs FI(S) à former ces prochaines années. Les élèves vélivoles seront ainsi formés dans les DTO vélivoles à compter du 8 avril 2020. Ces compétences techniques et non techniques pourront également être utilisées comme « grille » de lecture (principe de la toile d’araignée) lors d’un contrôle de compétences, pour donner des pistes d’amélioration aux pilotes déjà brevetés. ♦♦♦
Photos © F. Besse / aeroVFR.com