Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’aérodynamique subsonique, la stabilité, les traînées, les hélices et les profils…
Jean-Paul Vaunois et aérodynamicien depuis 1968 et « architecte avion », ayant participé à la conception de différents aéronefs, de l’ULM au véhicule spatial. Pour l’aviation légère, il a notamment mené l’étude en soufflerie de différents capots moteur destinés au DR-400. Il s’agissait de diminuer la traînée interne d’un monomoteur, traînée qui peut atteindre 10% de la traînée totale, ce qui est loin d’être négligeable.
Ce nouveau type de capot sera étudié en pratique par le bureau d’études des Avions Robin, sous la direction de Daniel Müller, mais l’arrivée d’une nouvelle direction à la tête de l’usine de Dijon-Darois mettra fin à cette évolution malgré la confirmation en vol des gains obtenus.
Passant de la théorie à la pratique, Jean-Paul Vaunois a construit deux monomoteurs mettant en application ses résultats pour améliorer l’aérodynamique. Le premier sera un DH-251, version modifiée du DR-250 avec notamment une circulation différente des écoulements sous le capot moteur. Ce DH-251 F-PTRA a été accidenté par la suite.
D’où la réalisation ensuite d’un TC-160 Océanair (un « clone » du DR-400/160 mais avec une aile à simple dièdre) sur lequel la « circulation à l’envers » de l’air de refroidissement est appliquée. Ce circuit d’air de refroidissement inversé est alimentée par une grande entrée d’air unique servant à la fois à l’air d’injection moteur et au refroidissement.
L’air de refroidissement passe d’abord sous le moteur puis remonte derrière le long de la cloison pare-feu pour finalement passer à travers les cylindres par le dessus. L’air chaud est ensuite dirigé dans une large gaine vers un volet de sortie réglable via un moteur électrique actionnant une vis de réglage. La température des culasses est ainsi « pilotée » pour obtenir 200°C, valeur optimale.
Sur le TC-160 F-PTRO, des affinements aérodynamiques ont par ailleurs été menés
– notamment une meilleure étanchéïté des gouvernes pour éviter la « fuite » entre la partie fixe et les gouvernes, un déplacement des prises statiques juste en avant du capot moteur – et de masse, notamment au niveau de l’entoilage.
Depuis, cette expérience acquise au fil des années, sur différents programmes, Jean-Paul Vaunois l’a utilisée pour concevoir, au sein d’une équipe à forte présence française, le quadriplace chinois Guanyi GA-20 actuellement en cours d’essais en vol en vue de sa certification – l’appareil figure sur la couverture de l’ouvrage présenté ci-dessous…
Cette expérience d’aérodynamicien mais aussi « d’ensemblier », il l’avait déjà jetée sur le papier en 2010, avec un premier ouvrage paru aux éditions Cavok. Fin 2018, il a revu, complété ce contenu pour une seconde édition portant le même titre. Elle est diffusée en version bilingue, le français en page gauche, l’anglais en page droite, avec une traduction assurée (changement d’unités compris) par un traducteur professionnel d’origine américaine.
En 350 pages, l’ingénieur évoque la conception d’un avion léger avec l’intégration de l’aérodynamique, l’un des paramètres avec le choix des matériaux et la propulsion. C’est « le rôle de l’architecte avion d’optimiser les concepts selon la mission recherchée pour l’avion ». Ainsi, cet ouvrage traite principalement de l’aérodynamique, qui « reste une science
très complexe » car dans ce domaine, 1+1 ne fait pas toujours 2 mais peut faire 1,5 ou 2,5 selon les interactions entre deux corps assemblés dont la composée des traînées peut jouer parfois des tours.
On en veut pour preuve une citation d’un physicien anglais, Horace Lamb (1849-1934), mise en tête de l’avant-propos : « Je suis vieux maintenant et quand je serai au ciel, il y a deux sujets sur lesquels je demanderai à Dieu des éclaircissements, l’un est la physique quantique, l’autre est le mouvement turbulent des fluides, et je ne suis réellement optimiste qu’en ce qui concerne le premier »…
L’ouvrage a été écrit « par un pilote pour des pilotes ». C’est dans un langage très clair,
« aussi simple que possible » que l’auteur passe en revue les différentes notions. Quelques développements mathématiques, la plupart du temps en encadrés, répondront aux attentes d’universitaires, élèves-ingénieurs, etc. mais leur lecture ne s’impose pas pour comprendre les concepts évoqués. Le premier chapitre parle d’aérodynamique élémentaire, pour rappeler les notions de base, les différentes théories, de la portance à la traînée. Le second aborde l’anémométrie et les instruments de bord.
On entre dans le vif du sujet au troisième chapitre avec les profils et les voilures, avec les écoulements, les coefficients aérodynamiques, les forces et moments, et les choix que peut faire un concepteur en matière de forme en plan de la voilure, de distribution des profils, du dièdre et du vrillage. L’auteur ne cache pas son admiration pour Jean Delemontez, autodidacte à la base de toute la gamme des Jodel devenus les avions Robin lors de leur industrialisation.
Ainsi, Jean Delemontez a su trouver dans le catalogue des profils NACA (future NASA) le profil idéal pour notre aviation, le 43013,5 utilisé sur les Robin de petite puissance (108, 115, 120 ch) contrairement au 23012 plus employé sur les fortes puissances (160, 180 ch). Ce profil datant des années 1930 est en effet « excellent en vitesse minimale et exceptionnel en Cx (traînée) de montée ». Il y est question aussi du RA16-3C3, profil créé au sein de l’Aérospatiale par Michel Lazareff (ex-Nord Aviation) pour remplacer les trop coûteux et trop complexes becs automatiques des Rallye. Le RA16 sera ainsi utilisé sur les TB-10, TB-20. Des profils bien meilleurs que la série des GA(W) mis en avant par la NASA dans les années 1980 malgré leurs caractéristiques lors du décrochage, plutôt sec.
On découvre au passage le bilan de traînée d’un DR-300/140, la cause principale de la traînée provenant par ordre décroissant de la voilure, du train d’atterrissage puis du fuselage.
La traînée de refroidissement arrive en quatrième position. On note que cet appareil peut atteindre une finesse de 12,8 moteur réduit et 11,8 avec l’hélice en moulinet.
Le quatrième chapitre aborde la propulsion, avec notamment les forces et moments sur l’hélice mais aussi les effets d’hélice sur la cellule, la traction, les couples et le rendement de l’hélice sachant que l’écoulement dû à cette dernière autour de la cellule rend l’appareil non symétrique et que voler avec une bille légèrement décalée n’est pas forcément un point négatif ! Mais c’est aussi la présentation du « capot Vaunois » à circulation inversée.
Le chapitre suivant évoque le bruit, « la ringardise la plus criante de nos avions à pistons », avec les mesures de bruit dont l’origine est principalement l’hélice et l’échappement, mais un domaine sur lequel il est difficile d’agir sauf à réduire le diamètre de l’hélice et donc dégrader son rendement, ou limiter le régime moteur. Un gain de 4 dB(A) avec la pose d’un silencieux est déjà considéré comme excellent et difficile à améliorer.
Au chapitre 6, l’architecte présente « les grands choix d’un avion monomoteur » avec l’analyse fonctionnelle, prenant en compte les différentes solutions, le choix des compromis entre les différents besoins contradictoires et le choix final retenu pour la conception (architecture, aile haute ou basse, train rentrant ou non, etc.). Dans notre domaine, le train fixe s’impose sous les 300 km/h comme les Cirrus SR-20/22 et les Diamond DA40 l’ont confirmé.
L’auteur salue au passage la « conception à la française », basée sur une charge alaire élevée, avec pour exemples la série des MCR de Michel Colomban et Christophe Robin mais aussi le TBM conçu sous la direction technique de Claude Lelaie. Tous ces appareils utilisent des profils dérivés du NACA 43013 associés à des volets à fente pour le décollage et l’atterrissage. Les meilleurs avions de voyage sont comparés selon leur performance globale mais aussi leur charge utile, la vitesse.
Michel Colomban est ainsi salué par le choix des profils de voilure laminaires, la réduction au maximum de la traînée parasite et la bonne intégration du groupe propulsif. Jean-Paul Vaunois connait bien la gamme MCR, ayant été approché un temps par le repreneur de Dyn’Aéro en vue de certifier le quadriplace MCR-4S, projet qui sera finalement abandonné par la société…
On y retrouve à nouveau Jean Delemontez, notamment avec son D-140 Mousquetaire mais aussi le choix du profil NACA 43012 utilisé sur DR-300/120, DR-400/140B, DR-400/180R,
R-3000. Amélioré par l’Aérospatiale via de puissants calculs numériques, il est encore utilisé sur les TB-30, TBM-700 et ATR-42/72. La conception à la Delemontez, c’est une voilure avec un profil mais aussi une « distribution de portance elliptique du fait de la combinaison de la forme en plan et du vrillage ». C’est aussi une hélice parfaitement adaptée et un fuselage court, compact.
Le DR-400/160 est pris comme étalon. « Connaissez-vous des avions de ce type capables de monter à 16.000 ft avec seulement 8,70 m d’envergure et 160 ch ? » alors que « certains constructeurs proposent des biplaces avec plus de 10 m d’envergure »… Le peu d’envergure améliore le taux de roulis et le confort en turbulences, précise l’auteur. Des données qui pourront aller à l’encontre d’un certain dénigrement parfois pour cette gamme qui reste pourtant d’actualité.
Le chapitre 7 aborde les choix du concepteur pour un bimoteur tandis que le suivant traite des phénomènes à risques pour l’avion : efforts excessifs, aspiration de gouvernes, instabilités sur les différents axes, vibrations, flutter ou aéroélasticité, décrochage et vrille, décrochage profond (deep stall) ou d’empennage, auto-cabrage, second régime (c’est le cas des montées initiales et des approches…), turbulence de sillage.
Le 9e chapitre présente la méthode à retenir pour les essais en vol, avec des mesures au GPS. Ceci permet à moindre frais et avec suffisamment de précision de calibrer la vitesse sans user de la méthode ancienne du « passage à la tour ». On peut alors mesurer la vitesse maximale, la consommation fonction de la vitesse, quantifier l’erreur de statique, évaluer les coefficients de portance et de traînée, évaluer la vitesse de décrochage et le Cz max – un exemple est donné avec un vol réalisé à bord d’un SR-20.
Au fil des pages, l’auteur combat au passage quelques idées fausses, du couple gyroscopique à la traînée d’un train tricycle qui peut être être moindre que celle d’un train classique surtout si la roulette arrière n’est pas carénée… Il égratigne certains choix de concepteurs comme l’empennage en T, A400M en tête…
Le principal ajout à cette seconde édition réside dans la dernière partie de l’ouvrage intitulée « Les secrets du Jodel ». Jean-Paul Vaunois en a relevé 19 qu’il présente en une trentaine de pages, allant du profil à la corde de l’aile en passant par la cassure du dièdre, la traînée d’équilibrage, le caisson de voilure ou encore le fuselage court. Le tout argumenté,
chiffres à l’appui…
Au final, un excellent ouvrage pour tout pilote voulant aller au-delà de la formule de la portance apprise pour le théorique du PPL… Qu’est-ce que la stabilité longitudinale manche libre et manche bloqué ? Pourquoi les palettes d’ailerons des Extra ont-elles un dièdre négatif ? La charge utile du Cessna 172 actuel est-elle meilleure que celle du « vieux » 172 ? 140°C aux culasses, est-ce trop faible en croisière en hiver ? Pourquoi les moteurs anciens Lycoming et Continental sont-ils toujours là ? Autant de questions qui trouveront réponses
à la lecture… recommandée de cet ouvrage. ♦♦♦
Photos © F. Besse / aeroVFR et et via J.-P. Vaunois
– L’aérodynamique de l’avion subsonique expliquée aux oiseaux. Les secrets du Jodel.
2e Edition, par Jean-Paul Vaunois, avec la collaboration de Jean Colrat et Andrew Corsini. Diffusion par l’auteur. 35 € port compris. Contact : vaunois@wanadoo.fr