Juin 1925, en VFR vers le pôle Nord, la tête à l’air… Une aventure racontée par Jean-Philippe Chivot
Lien vers le troisième épisode
A bord du N24, Dietrichson voit le moteur du N25 fumer. Il cercle autour du N25, observe que, celui-ci posé, l’équipage quitte la machine et réalise qu’il n’y a pas assez de place à l’extremité du bras d’eau pour deux avions. Il trouve assez près du N25 une étendue d’eau libre et commence la descente. A cet instant, le moteur arrière du N24 à son tour… s’arrête !
Il se pose correctement et amarre sa machine à un gros bloc de glace. Pendant que le mécanicien examine les moteurs, Ellsworth cherche à apercevoir le N25. Plus de compression sur le moteur arrière et des pots d’échappement brulés, pour repartir, il va falloir réparer et cela va être long. Or le N24 prenant l’eau par la fente de sa coque, il faut impérativement l’échouer sur la glace. Lorsque Dietrichson et Ellsworth aperçoivent le N25, à près d’un kilomètre de là, le N24 est désormais incliné vers l’arrière à 45°.
Ellsworth fait le point et constate qu’ils sont à environ 250 km du pôle après 7h45 de vol et près de 1.000 km parcourus. Ils ont dérivé de leur trajectoire d’au moins 20° vers l’ouest. Ils déplient un bateau en toile et essayent d’aller vers le N25 mais le chemin n’est qu’une succession de flaques d’eau et de montagnes de glace. Au bout de plusieurs heures d’effort, ils retournent au N24 et hissent un drapeau norvégien sur un mât pour que le N25 puisse les repérer.
Pendant ce temps, Amundsen et ses compagnons s’affèrent à empêcher la glace de se refermer autour de la coque du N25. Dans l’avion, il n’y a comme outils que des couteaux, une hache et une ancre à glace. Ils parviennent néanmoins à arracher suffisamment de glace pour que leur avion puisse flotter librement pendant plusieurs heures.
Bien qu’épuisés, les hommes explorent les environs à la recherche du N24 avant de finalement se réfugier à l’intérieur du Dornier. Des bourrasques de neige secouent l’appareil pendant la nuit, et la dérive des calottes de glace rapproche les deux avions. La matinée du 23 mai est claire et lumineuse. Amundsen monte sur une aile du Dornier et scrute l’horizon monotone. Soudain, il remarque le drapeau, la tente et le N24 lui-même.
Il demande à Riiser-Larsen d’agiter son propre drapeau et en quelques instants, un contact est établi via des signaux Morse transmis via les drapeaux. Omdal essaye en vain de redémarrer le moteur arrière du N24 tandis que Amundsen et son équipe façonnent une rampe dans la glace pour échouer le N25. Pendant les deux jours suivants, les deux équipages tentent de préparer leurs avions respectifs au décollage.
Le 26 mai apporte des changements inquiétants à la banquise. Des craquements se produisent tout au long de la nuit et, au matin, les deux Dornier sont suffisamment rapprochés pour être vus l’un par l’autre. L’équipe du N24 essaye de rejoindre le N25. C’est une entreprise périlleuse pendant laquelle Dietrichson et Omdal ont failli périr noyés. Réunis enfin dans la chaleur de la soute du N25, les six hommes décident qu’il faut abandonner le projet de survol du pôle ainsi que le N24 avec son moteur en mauvais état. Dans l’immédiat, il faut aussi éviter que le N25 ne soit écrasé par la banquise dérivante et donc il faut le remonter sur la glace plane et stable.
Ils arrivent à dégager le N25 des glaçons qui l’entourent, à aménager avec leurs outils de fortune une rampe et à le hisser. Commence alors le dépeçage du N24 et le transbordement des outils, des vivres et du carburant. Même en tenant compte de l’équipement abandonné, le N25 doit décoller avec le supplément de poids dû au carburant et aux trois autres hommes. Amundsen et Riiser-Larsen estiment que, parce qu’il n’y a pas d’eau libre à proximité, ils auront besoin comme piste d’au moins 500 m de glace dure et relativement lisse. Et il n’y a rien de lisse autour d’eux…
La seule solution est d’utiliser leurs outils de fortune pour dégager une piste. Le 1er juin, le N25 est prêt à voler. Les deux Rolls-Royce tournent comme des horloges. Après avoir poussé le Dornier hors de la neige molle, les six hommes grimpent à bord. Dès les premiers mètres de glissade, la glace commence à céder et l’eau à jaillir autour de la coque. Pire encore, le brouillard recouvre le paysage obligeant à renoncer au décollage. Les jours suivants, le brouillard et l’élévation de température d’un milieu d’été les obligent à remettre toute tentative à plus tard. ♦♦♦ Jean-Philippe Chivot
Photos tirées de l’album de Roald Amundsen et publiées dans Les Ailes
Demain : décollage critique avant un retour à Oslo.
Lien vers le cinquième et dernier épisode