Juin 1925, en VFR vers le pôle Nord, la tête à l’air… Une aventure racontée par Jean-Philippe Chivot
Le célèbre explorateur polaire norvégien Roald Amundsen fut le premier homme à atteindre le pôle Sud. Il s’intéressa dès 1914 à l’aviation. Il avait alors 40 ans, apprit à piloter et pensait que les prochaines expéditions polaires se feraient par les airs…
En mai 1925, il tente ainsi, à bord d’un hydravion, le Dornier Wal (N25) d’aller survoler le pôle Nord. Il échoue à 250 km du but mais retourne avec sa machine à Oslo, après une incroyable aventure aérienne en vol à vue, en principe…
L’équipe de l’expédition Amundsen de 1925
Dans les années 1920, Roald Amundsen a fait la connaissance d’un fils de riche banquier de Chicago d’une quarantaine d’années, Lincoln Ellsworth, passionné d’aventures et de géographie. Son père sera pour Amundsen sa source de financement à condition que le fils fasse partie de l’expédition.
Ellsworth participe donc au pilotage des hydravions car il a commencé à piloter pendant la Grande guerre. Amundsen rappelle aussi Oscar Omdal, le pilote norvégien de sa première tentative de 1923, par ailleurs cinéaste chevronné. Enfin, Amundsen fait appel au lieutenant de vaisseau Hjalmar Riiser-Larsen qui, aux yeux de la marine royale norvégienne, est le meilleur pilote de l’Aéronavale.
L’avion de l’expédition
Riiser-Larsen a choisi le meilleur hydravion de tous les temps, le Dornier J Wal, et ce pour plusieurs raisons. L’avion est équipé de deux moteurs Rolls-Royce Eagle de 365 ch, des 12 cylindres en V refroidis par eau, montés sur le dessus de l’aile, l’un en avant de la structure, l’autre en arrière. La position et la puissance des moteurs « permettent de soulever un poids égal à celui de la machine », note Riiser-Larsen.
Les Dornier ont aussi l’avantage de bénéficier d’un fuselage à fond plat, en duralumin, avec sur le coté des espèces de nageoires en saillie qui aident à stabiliser l’engin sur l’eau. Dans les mers glacées, les nageoires ont tendance à être moins fragiles que des flotteurs stabilisateurs montés sous les ailes.
Le Traité de Versailles interdit alors toute fabrication d’avions à l’Allemagne. Aussi, le Dornier-Wal est-il construit en… Italie, à Pise, par la firme Construzioni Mecchaniche Marina di Pisa. 34 exemplaires seront livrés. Le Dornier croise à 140 km/h, peut emporter en plus du pilote, du copilote et du navigateur, 6 personnes tout en ayant une autonomie d’environ 9 heures de vol.
Les appareils du raid seront protégés du froid par de la toile autour des tuyaux, de la glycérine dans l’eau du radiateur pour qu’elle ne gèle pas à moins de -17°C et des réchauds catalytiques qui permettent aux moteurs de toujours bien démarrer même par les plus grands froids sur la banquise. Le Wal d’Amundsen pèse à vide 2.500 kg et peut emporter 1 tonne de fret dans sa coque, en plus de son équipage de 3 personnes… la tête à l’air.
Le tableau de bord du Wal est plus que rudimentaire. Pas de radio, un inclinomètre, un indicateur de vitesse et d’incidence, des jauges de carburant, des manomètres de pression d’huile et d’essence, des thermomètres pour l’eau de refroidissement et l’huile – et vogue la galère vers le pôle Nord… en pur VFR nécessitant un slalom constant entre les bancs de brouillard. ♦♦♦ Jean-Philippe Chivot
Photos issues de l’album de Roald Amundsen publiées par Les Ailes.
Demain : les préparatifs de l’expédition et le premier décollage depuis la banquise… Lien vers le second épisode