Sujet d’actualité en ce jour de Toussaint…
Au lendemain de la Toussaint, l’église célèbre ses défunts qui sont au ciel. Depuis que la crémation est devenue une pratique très courante (99 % des décès au Japon, 89% en Suisse, 42% aux Etats-Unis et 40% en France), l’usage de disperser au cours d’un vol VFR les cendres dans le ciel s’est banalisé.
Légalement, selon les termes de l’article R.2213-38 du Code général des collectivités territoriales, « aussitôt après la crémation d’une personne, les cendres sont pulvérisées et recueillies dans une urne cinéraire ». Aucune disposition n’interdit la dispersion des cendres par voie aérienne, en surplomb d’espaces naturels dépourvus de voies publiques… De plus, il n’est pas prévu en l’état de faire évoluer la réglementation sur le sujet de la dispersion des cendres.
Aussi il est devenu très courant qu’un pilote d’aéro-club, désireux d’honorer dans la dignité un parent ou ami dont la passion était l’aviation, veuille en disperser les cendres à partir d’un avion léger. Pour que cela s’effectue dans la dignité la plus complète, il faut prendre en compte certaines contraintes techniques, bien les avoir en tête et avoir pris avant le vol les dispositions nécessaires. Rien ne vaut mieux que de raconter certaines expériences vécues…
« Je pilotais mon Cessna 150 et mon amie sur le siège passager devait ouvrir sa porte et disperser les cendres de son père, ancien pilote de la dernière guerre. Elle eut tout d’abord du mal à entrebâiller suffisamment la porte que le courant d’air maintenait fermée et dut ensuite la coincer avec son pied. Puis elle se mit à vider lentement le sac contenant les cendres vers l’extérieur de l’avion. Elle lâcha finalement le sac qui s’enroula sur une jambe de train sans qu’elle s’en aperçoive. Après l’atterrissage, je découvris à la fois le sac et les cendres collées sur l’avion. Pire encore, nous n’avions pas pensé à la dépression créée dans la cabine par la porte ouverte et pendant les grandes visites successives de la cellule, je continuais à trouver dans certains coins des cendres et des petits morceaux d’os. Je pense qu’il en reste encore ».
« Je pilotais un Tiger Moth et un ami devait, de la place arrière, disperser les cendres d’un de nos copains de club. J’avais pris mes précautions et j’avais attaché avec du gros scotch le sac contenant les cendres à un grand tube de carton contenant habituellement des plans roulés. J’avais fermé le tout par un clapet de carton avec un semblant de poignée et encore du scotch. Après le premier passage sur la forêt, j’ai demandé à mon ami si cela s’était bien passé. Il me répondit « Tout n’est pas parti, il faut refaire un tour ». Après le deuxième tour, silence total dans l’interphone, je me posais et j’allais voir mon ami encore assis à la place arrière. « Le tube s’est cassé », me dit-il. « Il y a des cendres dans l’avion ? » fut ma réponse. « J’en ai encore un peu sur les genoux » déclara ce bon ami, ce qui malheureusement était loin de la vérité. Il avait reçu tout le nuage de cendres sur la figure, nuage qui l’avait à moitié étouffé. Et la plupart des cendres de notre copain finirent dans mon aspirateur lors du nettoyage de la place arrière du Tiger Moth ».
Il faut tout d’abord évaluer le poids des cendres à disperser. Elles se composent des restes de corps humain et des cendres de combustion du bois du cercueil. Leur poids se situe entre 3 et 4 kg à envoyer dans les airs. Il faut ensuite choisir l’avion et son pilote. Tous les avions ne se prêtent pas à la dispersion des cendres. En effet, il faut un orifice entre la cabine et l’extérieur, en général une vitre ou une porte, qui ne génère, une fois ouvert, ni une trop forte dépression dans la cabine ni un courant d’air important. Cela va de la lucarne du pilote d’un Beech Bonanza à la porte de cabine d’un Cessna 172. Les Robin à verrière coulissante sont particulièrement mal adaptés à à la dispersion. Choisissez de préférence un avion dans lequel vous pouvez passer les deux mains par la fenêtre tels les Cessna.
Il faut enfin imaginer un dispositif pour que les cendres se dispersent le plus loin possible du fuselage de l’avion, afin d’éviter tout dépôt sur la carlingue ou sur le plan fixe, dépôts qu’il faudra le cas échéant, toute honte bue, nettoyer devant le hangar. Les dispositifs de dispersion sont nombreux. Le plus simple consiste à scotcher fortement un sac en plastique souple à un vieux tuyau d’aspirateur en plastique rigide dont vous coupez l’autre extrémité en biais. Par le tuyau, vous versez les cendres dans le sac et vous rescotchez le sac au tube en ayant pris soin de bien en tortiller auparavant la liaison avec le tuyau. En vol, il vous suffit de passer par la fenêtre le tuyau en le tenant de telle façon que l’extrémité biseautée soit dirigée vers l’arrière de l’avion. Une fois arrivé au-dessus d’une forêt, vous détortillez le sac plastique et les cendres seront aspirées dans les airs tout en s’éloignant de l’avion.
Un aéro-club anglais enrobe les cendres dans un petit parachute (environ 15 cm de diamètre) et laisse tomber l’ensemble par la fenêtre d’un Cessna 172. Lorsque le parachute se déploie, les cendres sont dispersées. Aux Etats-Unis, chaque professionnel de la dispersion par avion a sa méthode propre.
Il faut donc procéder intelligemment pour que les cendres soient larguées le plus loin possible de l’avion. Les photos suivantes d’un professionnel américain montrent ce qui se passe quand les trois kilos de cendres prennent les airs avant de s’éparpiller dans l’atmosphère.
Ainsi, la dispersion des cendres dans le ciel en VFR ne peut, contrairement à la dispersion en mer, avoir d’autres spectateurs que le pilote et son passager. C’est un frein à l’extension de cette pratique. Une société anglaise a essayé de pallier cet inconvénient en organisant des funérailles aériennes en vol groupé de plusieurs Tiger Moth dans lesquels peuvent prendre place quelques personnes de la famille ou amis.
Une récente étude a montré que, tout problème de coût et de faisabilité écarté, 4% des familles de défunts incinérés pensent à une dispersion dans les airs, chiffre identique à celui de la dispersion en mer. La dispersion par drone est peut être une solution d’avenir. En effet, le drone peut embarquer en plus des cendres une mini-caméra qui filme le lieu de dispersion, son environnement et qui transmet au sol les images des cendres s’éparpillant dans le ciel, avec date et coordonnées GPS. Toute la famille peut alors en temps réel assister à l’événement.
Cette pratique a déjà été testée en Australie avec un drone DJI S1000+ qui peut transporter 7 kg pendant 15 minutes. Mais comment se comportera la DGAC ? Faudra-t-il une licence de pilote de drone disperseur ? L’avenir se lit dans le ciel et nous le dira… ♦♦♦
Photos © DR