Destin tragique pour Henri-Paul, Jean et Françoise Schneider…
Les usines Schneider, au Creusot, tout le monde en a entendu parler car les « maîtres des forges » avaient établi un empire industriel colossal, employant sur place près de 15.000 ouvriers, employés et ingénieurs, pour produire de l’acier, de la plaque d’égoût au sous-marin. Plusieurs générations de Schneider dirigeront « l’usine ». Eugène II prend ainsi la direction des affaires au début du 20e siècle. Ses deux premiers fils, Henri-Paul et Jean, sont appelés à prendre sa succession mais les événements internationaux vont en décider autrement…
Après les débuts de la Première Guerre mondiale, tous deux se retrouvent dans les dragons et chez les artilleurs, dans les tranchées, avant de décider fin 1916 de s’orienter vers une nouvelle arme, l’aviation. Tous deux vont ainsi suivre le cursus typique de l’époque avec la théorie puis les manoeuvres au sol aux commandes de « rouleurs », ces avions dont les ailes ont été désentoilées ou réduites en taille pour éviter tout décollage. Quand l’élève maîtrise sa machine au sol, il peut attaquer l’apprentissage du vol en double commande.
Ainsi, les deux frères sont brevetés courant 1917 et se retrouvent à l’escadrille N49 fin 1917.
Ce sera alors la progression de pilote de chasse sur différents modèles, passant au Morane-Saulnier Type L au Nieuport 24 puis au Spad XIII. C’est aux commandes de ce dernier type
que Henri-Paul, 22 ans, va trouver la mort le 23 février 1918, abattu par un Albatros sur le front de l’Est.
Après guerre, Jean Schneider va rejoindre une société d’aviation, pour développer le transport aérien dans l’entre deux-guerres, en compagnie de sa femme Françoise. Cette dernière deviendra par la suite l’une des trois fondatrices des IPSA alias les Infirmières pilotes secouristes de l’Air, une organisation affiliée à la Croix-Rouge. Cette organisation devient opérationnelle en 1937. Jean a rejoint Air Union puis Air France avec comme objectif la traversée de l’Atlantique Nord vers les Etats-Unis. Mais la Seconde Guerre mondiale va ratrapper le couple…
Réserviste de l’armée de l’Air, Jean rejoint son corps d’origine mais pas pour être derrière un bureau… A 44 ans, figurant parmi les pilotes de chasse les plus âgés avec son ami Antoine de Saint-Exupéry, il retrouve la base de Chartres et son Centre d’instruction à la chasse (CIC). Après s’être familiarisé avec le Morane-Saulnier MS-406, il rejoint fin 1939 son unité, le groupe de chasse I/3, avant de passer aux commandes d’un Dewoitine D-520 pour affronter les chasseurs de la Luftwaffe. Il obtiendra ainsi deux victoires mais sera abattu lors de la fameuse « mission sur Arras » raconté par Saint-Ex dans son ouvrage « Pilote de guerre ». Jean sera finalement démobilisé en 1942, participant à la résistance avec sa femme, avant de rejoindre l’Algérie.
En novembre 1944, tous deux prennent place à bord d’un B-24 Liberator de la Royal Air Force, au départ d’Alger et à destination du Bourget. Après avoir survolé Le Creusot, le quadrimoteur n’atteindra jamais Paris, victime de mauvaises conditions météorologiques régnant sur la France. Une tempête de neige dans le Morvan aura ainsi eu raison du destin de Jean et Françoise Schneider…
Ainsi, en 245 pages, Roger Gaborieau sort de l’oubli un pan de l’histoire des Schneider, avec une facette aéronautique peu ou pas évoquée par les ouvrages traitant de l’histoire industrielle de cette famille. De nombreuses photos, sorties des albums familiaux, agrémentent cette histoire tragique. On y découvre également la tentative sans succès du « groupe » Schneider de se lancer dans le domaine aéronautique dans les années 1920… ♦♦♦
– Les ailes tragiques des Schneider, par Roger Gaborieau. Bleu Ciel Editions, 245 p. 21,10 €