Le groupement des industriels anglais de l’aérospatial s’inquiètent de leur avenir à compter de mars 2019…
En date du 7 juin dernier, Paul Everitt, chief-executive de ADS Group (l’équivalent britannique du GIFAS, regroupant 1.000 sociétés dans le domaine aéronautique et spatial pour un chiffre d’affaires annuel de 85 milliards d’euros) et Peter Bunce, president et CEO de la General Aircraft Manufacturers Association (GAMA, regroupant dans le monde les principaux constructeurs, motoristes, équipementiers), ont adressé un courrier à Michel Barnier, négociateur en chef de la Commission européenne dans le dossier du Brexit.
Le titre de cette lettre est « La Grande-Bretagne et l’Europe des 27 ont besoin de mettre en place des négociations entre l’EASA et la CAA ». On sait que la sortie de la Grande-Bretagne de l’Europe (Brexit) doit entraîner un départ de la CAA des instances de l’Agence européenne (EASA) gérant le domaine aéronautique. La date d’entrée en vigueur du Brexit (mars 2019) arrive à grande vitesse et les industriels ont quelques inquiétudes, n’ayant pas de visibilité pour mener des investissements…
Dans le scénario le plus négatif pour la Grande-Bretagne, aucun agréement n’est signé entre l’EASA et la CAA avant la date cruciale de mars 2019 et outre-Manche, on s’achemine alors vers un certain chaos. Sans période de transition, les règlements européens ne s’appliqueront alors plus aux activités aéronautiques en Grande-Bretagne.
Tous les équipements, toutes les pièces détachées en provenance de Grande-Bretagne ne seront plus acceptées par l’EASA. Ce sera également le cas de tout aéronef ayant un certificat de type associé à un bureau d’études (DOA pour Design Organisation Approval dans le jargon EASA) implanté outre-Manche. L’argumentaire britannique est que des sociétés anglaises ne seront alors plus en mesure de livrer avions, moteurs, hélices, etc. à des clients européens…
Pour parler concrètement, vous venez d’acheter une VHF anglaise (pas de nom…) en 8.33 MHz avec changement de votre précédente VHF (qui fonctionnait pourtant bien…) imposée par une directive de l’EASA et votre radio risque l’an prochain de ne plus être reconnue par l’EASA car elle provient de Grande-Bretagne ! British humour ?
L’ADS Group et la GAMA souhaitent un autre scénario, celui d’un accord conclu entre CAA et EASA avant mars 2019, en dehors des négociations politiques. En d’autres termes, la Grande-Bretagne quitterait l’Europe d’un côté par le Brexit (cette solution a déjà été énoncée par le passé) mais de l’autre côté, le milieu industriel aéronautique resterait dans l’Europe ! Une solution déjà rejetée par le passé par l’Union européenne…
L’accord souhaité par les deux signataires ouvrirait une période de transition prévue jusqu’au 31 décembre 2020. Jusqu’à cette date proposée dans le courrier, les règlements européens continueraient de s’appliquer au monde aéronautique anglais. Si un tel accord est validé ensuite, il restera à le faire accepter par les autres pays tiers, hors Europe, mais ayant déjà signé (ou en cours de signature) des accords de reconnaissance avec l’EASA.
ADS Group et GAMA souhaitent qu’un tel projet d’accord soit rédigé dans sa version quasi-finale avant le 1er octobre 2018 afin d’être signé avant mars prochain, couvrant les différents domaines liés à l’aéronautique (formation, délivrance des licences, certification des appareils, production, maintenance, sécurité, etc.). Dans le cas contraire, les deux signataires affirment que la situation sera dommageable à la Grande-Bretagne mais aussi à l’Europe, pouvant bloquer des chaînes de production et maintenir au sol des compagnies aériennes.
Dans le cas des certifications (cellules, moteurs, hélices, équipements), les certificats seront délivrées par la CAA mais avec le souhait d’une reconnaissance par l’EASA, au risque sinon de voir des appareils anglais ne plus bénéficier d’une certification légale et donc d’être incapables de voler – l’avion qui la veille du Brexit volait parfaitement bien ne le peut plus après minuit…
Après avoir passé en revue tous les points devant être rapidement réglés selon eux – et donc avant mars prochain d’où des négociations à mener d’urgence pour définir un premier projet avant le 1er octobre – les deux signataires annoncent que tous ces dossiers ne concernent pas seulement la Grande-Bretagne mais l’Europe entière, car l’industrie aéronautique forme un tout.
Sans « connectivité » entre les opérateurs/compagnies aériennes et les industriels pour les pièces détachées, une rupture de production verra inévitablement le jour, avec des équipements ne pouvant plus être livrés (s’agit-il des voilures d’Airbus ?), des pilotes et des mécaniciens mis dans l’incapacité de travailler, des sociétés anglaises perdant leur validation étrangère et des flottes d’avions bloquées au sol…
Oh ! Dear, n’est-il pas l’heure de prendre le thé ? ♦♦♦
Lien vers le courrier original en anglais.