Coup de Sabre pour Frédérick Akary avec l’arrivée programmée d’un F-86E.
Il y a quelques semaines, le North American P-51D Mustang « Moonbeam McSwine » (F-AZXS) est reparti aux Etats-Unis. Acheté en 2012 et arrivé en France en 2013, ce Mustang – l’un des deux alors en état de vol en France – était la propriété de Frédéric Akary, qui régalait les passionnés français et européens par ses présentations en vol très dynamiques aux commandes de son chasseur sorti de chaîne d’assemblage en 1944.
Avant d’arriver sur le vieux continent, « Moonbeam McSwine » – avec la livrée de l’appareil piloté par le capitaine William T. Whisner du 352nd Fighter Group – avait appartenu pendant de nombreuses années à Vlado Lenoch, décédé en juillet 2017 avec sa passagère dans le crash du P-51 « Baby Duck ». La Warbird Heritage Foundation (WHF) a alors souhaité récupérer le « Moonbeam McSwine » en début d’année 2018 et devrait le faire revoler cet été en mémoire de Vlado Lenoch sous l’immatriculation N51VL.
Un « échange de bons procédés » est alors intervenu avec le retour du P-51D aux Etats-Unis et la proposition d’un North American F-86 Sabre ! « Il faut être un peu ou complètement fou… mais nous ne sommes là qu’une fois sur Terre » précise Frédéric Akary. Et passer du Mustang au Sabre, c’est la suite logique dans la chronologie du constructeur californien. Entouré de gens très compétents, il a donc décidé de « sauter le pas ».
Le F-86 Sabre est en effet très réputé en matière de qualités de vol. Le pilote d’essais Bob Hoover le plaçait au sommet de sa liste d’avions préférés… En 1961, sur la base de Clark AFB aux Philippines, il fit une démonstration aux commandes d’un F-86F pour montrer le potentiel de l’appareil aux pilotes de chasse philippins qui éprouvaient des difficultés à l’utiliser.
Pour Steve Hinton, pilote de warbirds bien connu du côté de Chino, Californie, « c’est non seulement son avion préféré mais en plus, c’est l’avion parfait surtout avec le moteur canadien Orenda 14 » qui équipe justement ce Sabre. L’arrivée en France de ce dernier est programmée pour juin prochain. Le nouveau propriétaire a reçu récemment l’arrêté de la préfecture l’autorisant à importer le chasseur.
Ce Sabre est un F-86E Mk6 construit par Canadair en 1958, avec le Construction Number C/N 1675. Classé jusqu’alors en Experimental aux Etats-Unis, il est immatriculé N80FS. Auparavant, il a volé sous les couleurs de la Luftwaffe avant d’être récupéré en Allemagne de l’Ouest à la fin des années 1970 par le collectionneur britannique Wensley Haydon Bailly. Il sera vendu ensuite à la société Flight Systems Inc. (Mojave, Californie), cette dernière l’utilisant pour tracter des cibles ou comme plastron pour l’entraînement de pilotes de chasse.
Pour Frédéric Akary, le stage de transformation se fera courant juin près de Chicago, dans un premier temps sur le biplace North American (encore !) T2 Buckeye car cet avion est très motorisé, comme le Sabre. Puis ce sera un passage dans le cockpit d’un MiG-15 et peut-être d’un T-33 Silver Star en compagnie d’ex-pilotes de l’US Air Force. La qualification sur le type comprendra un stage « siège éjectable », un examen théorique sur le F-86 puis un test en vol avec un examinateur de la FAA avant d’apposer la qualif sur la licence américaine Commercial Pilot complétée de la Letter of Autorisation (LOA) et de l’agrément TSA.
Pour le nouveau propriétaire, pilote de ligne, l’adaptation viendra de l’utilisation d’un réacteur de première génération, avec un temps de reprise long. « Un moteur à pistons restitue sa puissance immédiatement mais plus il est gros et puissant, plus il faut pousser la manette lentement pour ne pas l’endommager. Le temps d’accélération des vieux réacteurs est plus long (spool up time) de l’ordre de 12 secondes contre 7 secondes pour un réacteur moderne. Il faut donc anticiper un peu plus mais cela se gère en utilisant les traînées et en évitant de passer sous un certain regime qui est de 67 % pour le Sabre. La finale se fait avec les aéro-freins sortis (photo ci-dessous) en raison de la finesse de l’avion et pour garantir une accélération rapide en cas de remise de gaz ». Le Sabre impose une piste de 1.500 m minimum.
Par ailleurs, un « vol en Sabre doit se preparer car il faut gérer le carburant afin de se poser avec de quoi dégager sur un autre terrain… surtout quand il n’y qu’une piste – cela m’est arrivé avec le Mustang au retour d’un meeting car un avion s’était posé train rentré et le terrain fut fermé pendant trois heures… D’autre part, la vitesse de Maxi Range est trés importante et nécessite de voler au-dessus du niveau 100 » à savoir, 330 Kt au niveau de la mer mais la réglementation actuelle interdit plus de 250 Kt sous le FL100, 350 Kt au FL100 et Mach 0.83 au FL430.
Côté maintenance à Avignon, le pilote peut compter sur deux mécanos avec licence EASA sans compter un troisième qualifié réacteur qui va rejoindre l’équipe pour l’entretien de l’Orenda. « Nous allons également avoir un stage spécifique avec un mécanicien américain qui va venir faire la visite annuelle 18/19 pour nous qualifier. Le Sabre est un avion trés fiable et celui-ci est dans un merveilleux état car c’est une restoration totale qui a seulement 50 heures depuis, y compris le réacteur. Un énorme stock de pièces détachées arrive avec l’avion, avec tous les manuels ainsi que les outillages spécifiques » précise Frédéric Akary.
Le Sabre « est actuellement en visite annuelle à Rockford. N’oublions pas qu’entretenir un Merlin est beaucoup plus compliqué et tient parfois de la magie, un réacteur est techniquement plus simple. Le moteur de mon Sabre est un Orenda 14 canadien de la dernière generation, avec double étage de turbine, un moteur très abouti qui est toujours suivi au Canada, donc pas de problème pour la revision toutes les 400 heures pour les parties chaudes ». Ci-dessous, le Merlin de « Moonbeam McSwine » et l’Orenda du Sabre…
La décoration va rester identique pour l’instant « car c’est celle originale expérimentale des F-86 Sabre de l’USAF en Europe en 1965, avec un appareil utilisé au sein du 461st FDS, 86th FBW, USAFE ». Ce Sabre sera opérationnel dès cette saison 2018, l’appareil étant déjà réservé pour deux meetings en septembre (Toulouse-Francazal) et octobre (Nîmes). ♦♦♦
Photos © via F. Akary