Après une dizaine d’années de restauration, « premier vol » pour un Chance-Vought.
Instants d’émotion en fin d’après-midi de ce 9 mai avec le « premier vol » du Chance-Vought Corsair appartenant à Jean Salis et remis en état par l’association Les Casques de Cuir sur l’aérodrome de Cerny/La Ferté-Alais. Cela faisait près de quinze ans que l’appareil avait effectué son dernier vol avant de passer à l’atelier pour un chantier qui aura duré près de dix ans, le suivi de la remise en état du chasseur étant géré par une équipe animée par Xavier Monzie.
Après un point fixe sous l’oeil attentif du mécano, Baptiste Salis a décollé le chasseur à l’aile caractéristique pour une vingtaine de minutes de vol pour valider les différents paramètres.
Ce Corsair a été livré à l’US Navy en 1951 avant d’être rapidement envoyé en Corée à bord du porte-avions USS Valley Forge, à partir de décembre 1952. Là, il fit un premier “tour d’opérations” comme chasseur de nuit avant d’être détaché en août 1953 sur le porte-avions « USS Boxer » pour un second « tour d’opérations » prenant fin en novembre 1953. Revenu aux Etats-Unis après une année de conflit, son parcours se perd avant de le retrouver stocké dans le désert de l’Arizona, en mars 1956.
Au début des années 1950, les Etats-Unis participent à l’équipement de plusieurs armées de l’Air d’Amérique du sud ou centrale, via des programmes d’aide militaire. Sont ainsi livrés des chasseurs à hélice, retirés du service aux USA suite à l’arrivée des jets dans les unités de l’US Air Force. C’est ainsi que le Corsair n°124724 rejoint le Honduras avec d’autres congénères. Ils y resteront opérationnels durant treize ans. Le n°124724 connaîtra à nouveau le combat lors de la “guerre du football”, un conflit armé entre le Honduras et le Salvador, les résultats d’un match de football entre les deux pays ayant servi de catalyseur à cette “guerre des 100 heures” liée à de multiples tensions entre les deux pays.
Ce sera le dernier conflit où des chasseurs à hélice s’affronteront. Ce Corsair prit ainsi part à des attaques au sol avant d’être stocké à nouveau, la Force aérienne du Honduras s’étant équipée de North American F-86 Sabre au début des années 1970. Le Corsair n°124724 est alors racheté en 1979 par une société américaine mais lors de son convoyage depuis le Honduras, une panne de train d’atterrissage le contraint à faire une escale forcée après un atterrissage sur le ventre, le pilote ayant largué au préalable les réservoirs supplémentaires. Deux semaines plus tard et après un changement d’hélice, le chasseur est à nouveau apte au vol pour achever son périple de retour vers les USA.
Il y volera plusieurs années, passant entre les mains de plusieurs propriétaires privés, californiens ou texans. C’est en mars 1986 que Jean Salis l’achète et le fait acheminer au Havre par bateau, avec une arrivée en France en avril 1986. Ce Corsair, remis en état de vol par l’association Les Casques de Cuir, est le dernier du type en état de vol en France. Sa grande visite a débuté en 2008, point de départ d’une authentique restauration qui aura finalement duré dix ans. Il a été repeint dans ses couleurs d’origine, celles d’un chasseur de nuit engagé durant la guerre de Corée.
L’appareil sera l’une des vedettes du prochain meeting « Le Temps des Hélices » de l’Amicale Jean-Baptiste Salis (AJBS), les 19-20 mai prochains. Ces dernières années, le public avait pu l’apercevoir au statique le matin. Cette année, le Corsair se joindra au dispositif Ancre Marine, volant en patrouille avec quatre Rafale Marine. Il s’agira de rappeler que le type a été en service au sein de la Flottille 12F de 1953 à 1963, flottille qui célèbre cette année ses 70 ans et dont proviennent les quatre Rafale Marine…
Pour le grand public, ce sera l’occasion de voir voler le chasseur de l’US Navy devenu la vedette d’une série télévisée – « Les têtes brûlées – faisant revivre façon Hollywood la vie mouvementée d’un escadron dans le Pacifique, placé sous les ordres de l’as « Papy » Boyington. Le Corsair est y à l’honneur, avec son aile en W, formule retenue par les ingénieurs de Chance-Vought pour limiter la longueur des jambes de train principal tout en assurant une bonne garde au sol à l’imposante hélice quadripale, notamment lors des appontages musclés… sur les ponts des porte-avions. ♦♦♦
Photos © F. Besse / aeroVFR.com