Un appel de la Flight Safety Foundation à faire évoluer très prochainement les programmes de formation des pilotes de l’aviation commerciale… et donc de l’aviation générale.
Créée en 1947, la Flight Safety Foundation (FSF) est une association internationale dont le seul objectif est de fournir une « expertise impartiale et indépendante » en matière de sécurité et de resources pour le monde aéronautique et spatial. Ainsi, dans un communiqué de presse en date du 1er mars dernier, la Flight Safety Foundation appelle à une nouvelle approche sur la qualité de la formation des pilotes et le maintien de leurs compétences. Il s’agit d’aviation commerciale mais les sujets peuvent concerner toutes les disciplines aéronautiques…
La FSF a bien noté que 2017 s’est avérée être la meilleure année de toute l’histoire de l’aviation commerciale avec aucun décès enregistré dans le monde pour des liaisons commerciales avec passagers sur avions à réaction. Mais début 2018, deux accidents (Russie et Iran) montrent qu’il ne faut s’endormir sur ses lauriers.
La FSF attribue ce remarquable résultat en matière de sécucurité à « une grande variété de facteurs et d’efforts menés par des milliers de professionnels de l’aviation dans le monde pour concevoir des avions, des moteurs et des pièces toujours plus fiables, maintenir, réparer et entretenir les avions, réguler et renforcer les règles de sécurité basées sur la performance, enquêter sur les incidents et accidents, gérer le trafic, développer des aides en navigation et avionique sophistiquées, gérer les aéroports et piloter des avions sophistiqués dans des environnemnets toujours plus complexes ».
La FSF note que « ce n’est pas le résultat d’un seul facteur, comprenant par exemple un changement en matière d’exigence en heures de vol pour l’expérience des pilotes ». Ceci évoque le projet du Congrès américain d’exiger prochainement de tout pilote en ligne de détenir l’ATPL, donc au moins 1.500 heures de vol pour atteindre un cockpit, ce qui n’est pas le cas des copilotes dans la majorité des compagnies dans le monde.
La FSF précise qu’il « n’est pas possible d’affirmer que des compétences critiques et un savoir seront obtenus seulement en accumulant des heures en vol ». Jon Beatty, président et directeur de la FSF, a indiqué que « une approche basée sur les données pour la formation des pilotes est un élément essentiel pour poursuivre l’amélioration du niveau de sécurité du secteur. La formation doit viser les risques du monde réel et s’assurer d’atteindre progressivement un niveau de performance satisfaisant ».
La FSF a cité l’enregistrement et l’analyse continue de données sur la sécurité, permettant au secteur de « mieux identifier et mitiger les risques avant qu’ils n’entraînent des accidents ». Il est précisé que « l’expérience d’un pilote, un facteur important en matière de sécurité, a historiquement été associée au nombre d’heures de vol accumulées durant sa carrière mais souvent, ce qui est oublié, c’est la qualité de ce temps de vol et comment il a été accumulé. Sur monomoteur ou multimoteur ? En VFR ou en IFR ? Dans un environnement professionnel structuré ou, plus souvent, dans un environement moins intense, comme celui de l’aviation générale ». Ainsi « le type d’expérience et l’environnement des vols doivent être pris en considération pour donner du sens au nombre d’heures de vol ».
Dans le mémento diffusé, la FSF considère que l’aviation commerciale est à la croisée des pistes pour déterminer « comment les pilotes doivent être sélectionnés, embauchés, entraînés et suivis au fil de leur carrière, et des évolutions doivent être réalisées si le secteur veut maintenir son niveau de sécurité dans un domaine en forte croissance dans de nombreuses régions du monde ». Et la FSF pense que « le cheminement actuel d’une carrière ne ne sera pas adapté aux besoins de demain », imposant de « suivre une approche pragmatique, basée sur les faits et les données ».
Cela fait plusieurs décennies sur le système de formation aux Etats-Unis n’a pas évolué globalement, malgré l’arrivée de nouvelles technologies ajoutant de la complexité à la formation, tandis que les accidents suite à une perte de contrôle demeurent toujours présents, révélant des lacunes sur ce qui fait voler un avion… Si certains points du cursus ont été modifiés ces dernières années – notamment la récupération d’un décrochage après l’accident de l’AF447 – avec l’arrivée de la pratique des positions inusuelles (Upset and Recovery Prevention), cela reste insuffisant.
La FSF a émis plusieurs recommandations, comprenant notamment :
– un processus amélioré lors de la sélection et la formation en prenant en compte les compétences non-techniques qui sont habituellement obtenues par expérience, comme la communication, l’analyse, la résolution de problèmes, le leadership et la prise de décision.
– une approche revisitée sur la compétence et la qualité des formateurs pour s’assurer que les programmes de formation sont conçus et diffusés pour répondre aux standards en matière de sécurité, pour former des pilotes qualifiés et compétents.
– des programmes de formation établis sur les compétences et pas seulement en nombre d’heures de vol.
– des programmes de formation continuellement remis à jour, basés sur un niveau de performance des pilotes.
– des programmes mettant une forte valeur ajoutée au savoir-faire et à l’expérience des instructeurs.
Pour Jon Beatty, le secteur « doit être courageux et énergique pour mener ces évolutions et non pas faire comme par le passé ». Ainsi, le secteur de la formation aéronautique et les différentes administrations de l’Aviation civile devraient « avoir la souplesse pour adopter des méthodes de formation basées sur les compétences » car « l’expérience, les comportements et les pratiques de pilotes ayant le même nombre d’heures de vol peuvent varier considérablement ».
La FSF met en avant les formations assurées par des organisations formant au vol sur multimoteur et aux instruments, mettant en avant la prise de décision et la gestion des menaces et des erreurs (TEM). Ces structures assurent un environnement où la standardisation des instructeurs permet de consolider la fondation du programme de formation, avec de bonnes pratiques, le suivi des procédures.
Ces programmes sont basées sur les compétences, avec une méthode pour s’assurer qu’un niveau progressif et satisfaisant a été atteint durant la formation. Bien que les candidats auront accumulé moins d’heures de vol que le niveau imposé pour obtenir l’ATPL ou son équivalent, la qualité de leur formation et l’expérience acquise pourront être clairement mesurées.
Pour revenir à l’Europe, dans son European Plan for Aviation Safety (2018-2022), l’EASA indique que les “actions en matière de sécurité concernant le personnel aéronautique sont destinées à introduire la formation par les compétences (Competency-Based Training ou CBT) au niveau de… toutes les licences et qualifications”.
Dans les années à venir, le concept devrait donc parvenir dans le domaine de l’aviation générale, étant déjà employé par l’aviation commerciale et militaire. Comme d’autres « retombées » par le passé de la check-list au GPS en passant par la gestion des erreurs et des menaces… ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com
Lien vers l’article de la Flight Safety Foundation