De la formation dans les DTO sur aéronefs en Annexe 2.
Après 15 année d’existence, l’EASA réserve toujours des surprises… rarement bonnes. Ces derniers temps, les juristes de l’Agence ont considéré que l’EASA ne pouvait prendre la responsabilité de laisser faire de la formation sur des appareils n’ayant pas un CdN EASA. Et donc les premiers formulaires destinés à la conversion des Organismes déclarés (OD) en Declared Training Organisation (DTO) à partir du 8 avril 2018 précisaient que les aéronefs utilisés par l’unité de formation devaient disposer d’un tel CdN européen.
Il a alors été question – un temps… – de laisser la liberté aux différentes Autorités sur ce sujet, chaque pays pouvant accepter ou non ce type d’appareils dans le cadre des formations, d’où la disparition de la phrase en question sur le prototype de formulaire DTO préparé par l’Autorité en France à destination des clubs…
Si les CNRAC (aéronefs de collection) ne peuvent assurer de la formation ab-initio depuis la création de ce statut, les CNRA (aéronefs de construction amateur), CNSK (aéronefs construits à partir d’un kit) et CNDR (aéronefs « orphelins ») étaient ainsi mis sur la sellette, avec le problème crucial des crédits d’heures de formation sur de tels appareils en vue de la délivrance de titres régis par la réglementation européenne Aircrew (PPL, LAPL, variantes, qualifications).
En France, le Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives (CNFAS) a fait le tour de la question, pour relever la présence à la FFA (aérostation) d’une poignée de montgolfières de construction amateur utilisées pour de la formation et à la FFA (vol moteur) l’existence de 150 CNRA, 17 CNSK et 66 CDNR soit un total de 233 aéronefs en Annexe 2 utilisés dans les aéro-clubs fédéraux. Ceci représente près de 10% de la flotte des clubs affiliés.
La FFA (vol moteur) en a donc fait un « casus belli » ces derniers mois. La DGAC, lors d’une réunion de l’EASA à Cologne, portant sur différents points réglementaires encore en gestation, est donc partie défendre la position française. Et comme la France, de par son système associatif, se retrouve parfois minoritaire par rapport à d’autres pays européens ayant le même poids lors d’un vote bien que dotés d’une faible activité en Aviation générale, des positions de repli avaient même été imaginées, comme le statut quo limité aux seuls appareils déjà immatriculés. Ce qui n’aurait pas été plus acceptable…
A lire les propos de Nick Wilcock, membre de l’IAOPA-Europe, sur un forum britannique en date du 1er février 2018, la menace serait sur le point de tomber. Il précise « qu’au nom de l’IAOPA-Europe, il a présenté des propositions de reconnaissance des heures de vol effectuées sur aéronefs en Annexe 2 lors d’une réunion en décembre dernier » à l’EASA.
Il a noté que « moins combative pour une fois, l’EASA a écouté son discours sans l’interrompre. Les propositions étaient soutenues par la CAA anglaise, le représentant de l’Administration de l’Aviation civile tchèque (qui a rappelé le nombre d’appareils en Annexe 2 utilisés dans le pays) et pas un de la trentaine de représentants d’autres pays présents ne se sont opposés à ces propositions ».
Les propositions de l’IAOPA-Europe étaient les suivantes, pour les vols de prorogation de licence :
– les heures de vol sur avions en Annexe 2 seront pris en compte pour le renouvellement,
– prendre en compte les heures de vol effectuées sur avions de collection (historic aircraft) ou des répliques d’avions historiques,
– prendre en compte le temps de vol effectué sur ULM 3-axes (1h00 comme commandant de bord doit être effectuée sur un non-ULM) (« non-microlight aircraft).
Pour la formation et les examens en vol :
– l’avion doit être de la classe considérée,
– l’appareil doit être équipé de façon adéquate (c’est-à-dire doubles commandes, freins, commandes critiques et instrumentation disponibles pour l’instructeur).
On notera au passage que les Anglais – bien avant le Brexit – ont conservé leur NPPL (National PPL, équivalent de l’ancien TT français) avec examens théoriques et pratiques adaptés, sans oublier une visite médicale qui peut être un simple… auto-contrôle. Ce NPPL permet donc de voler sur aéronefs Annexe 2, sans licence européenne puisque ces appareils ne sont pas régis par l’EASA.
Pour l’heure, les propositions rappelées avec enthousiasme par Nick Wilcock de l’IAOPA-Europe ne sont que des… propositions. Rien ne dit que l’EASA les acceptera intégralement lors d’une réunion qui serait programmée le 8 avril, soit 10 jours seulement avant l’entrée en vigueur des DTO. L’Europe se hâte lentement… Il semblerait même que l’affaire soit loin d’être réglée.
Ainsi, dans un communiqué sur son site en date du 31 janvier, la Light Aircraft Association (LAA, équivalent du RSA français) indique que « récemment » elle a reçu la confirmation qu’un amendement « soutenu par les Autorités aéronautiques de Suède, Finlande et France, proposant que « le temps de vol effectué sur des appareils de même classe ou type en Annexe 2 soit intégralement pris en compte pour la prorogation, le renouvellement d’une licence, la délivrance d’une licence ou d’une qualification » a été rejeté » par l’EASA.
Ainsi, en Grande-Bretagne, un pilote propriétaire d’un avion en Annexe 2 devrait effectuer 11 heures de vol plus 1 heure de vol avec un instructeur, toutes sur un avion certifié EASA pour proroger son PPL ou LAPL et voler ensuite sur son aéronef Annexe 2 ! En France, les pilotes de CNRA ont déjà des licences européennes mais les clubs utilisant des CNRA pour la formation intiale pourraient (conditionnel !) ne plus pouvoir le faire… Si l’EASA poursuit ainsi « droit dans le mur », elle donnera – une fois de plus… – l’impression de dire une chose (l’habituelle rengaine sans cesse répétée du « Faire plus simple, moins cher, mieux adapté ») et de faire tout son contraire… Pour résumer : de la communication « moderne ». ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com